En plein centre de l’évangile de Marc, nous lisons la
confession de foi dite de Césarée (Mc 8, 27-35). Pierre, au nom des Douze
semble-t-il, reconnaît en Jésus le Christ. Après sept chapitres de suite de
Jésus, après sept chapitres où les disciples accompagnent Jésus, les voilà en
mesure de formuler au moins le début d’une réponse à la question de Jésus :
« Pour vous, qui suis-je ? » ; les voilà en mesure de mettre
quelques mots sur les raisons qui les ont menés à persévérer dans la réponse à
l’appel lancé dès le premier chapitre « Venez à ma suite ».
C’est beaucoup et très peu à la fois. C’est beaucoup, parce,
si l’on en croit le petit sondage, ils sont les seuls à articuler cette
confession de foi. Mais c’est rien si l’on réfléchit au fait que l’on ne sait
pas ce que signifie Christ et si l’on se penche sur la seconde partie de l’évangile.
Ce n’est pas tout de dire que Jésus est le Christ. Une fois
qu’on a dit cela, qu’a-t-on dit ? Cela vaut pour les Douze comme pour
nous. Nous connaissons ces mots appris au caté ou dans la liturgie, mais que
signifient-ils ? Essayez donc de dire en une phrase ce que cela veut dire
que de reconnaître en Jésus le Christ ! Essayez non pas d’apprendre la
formule aux enfants, mais de leur en expliquer le sens.
On le sait, Christ est le mot grec qui traduit l’hébreu
messie. Et si l’on traduit en français, il faut dire que le Christ c’est celui
qui a reçu l’onction, à l’instar de David, qui par l’onction conférée par
Samuel devient roi. Mais ce résumé de traduction et d’étymologie ne nous
renseigne guère. Qu’est-ce que cela fait que Jésus ait reçu l’onction, soit
comme David ?
Trouverons-nous une explication dans l’évangile de Marc. Christ
a été utilisé une seule fois avant notre passage, au tout premier verset, qui
est un peu un titre : « Commencement de l'Évangile de Jésus Christ,
Fils de Dieu ». Et plus rien. Nous voilà bien avancés. On ne sait absolument
pas ce que signifie la confession de foi de Pierre « Tu es le Christ ».
Et j’espère que vous commencez à voir pourquoi je dis que semblable confession
de foi, dans la bouche de Pierre, comme dans la nôtre, risque d’être fort peu.
Dans l’évangile de Marc, Jésus ne sanctionne pas la confession
de foi, à la différence de Matthieu. Nous entendons seulement un refrain bien
connu, l’interdiction de dire quoi que ce soit adressée aux esprits mauvais
aussi bien qu’aux bénéficiaires de guérisons. Il y a de quoi être perplexe.
Manifestement, savoir qui est Jésus, répondre à la question « Pour vous
qui suis-je ? » en disant qu’il est le Christ, ce n’est pas adéquat.
Et toute la seconde partie de l’évangile explique pourquoi,
dès les versets qui suivent immédiatement la réponse de Pierre. Depuis la
première annonce de la passion jusqu’à la mort en croix, les disciples sont
totalement déboussolés par ce que Jésus enseigne, vit, fait. Plusieurs fois,
Jésus leur reproche leur manque d’intelligence, leur incapacité à croire, leurs
préoccupations à côté de la plaque. Et de fait, aucune des Douze n’accompagnera
Jésus au pied de la croix. Cela a de quoi nous faire réfléchir, nous qui nous
disons disciples, qui confessons Jésus Christ.
C’est que le mot Christ, gros mot un peu mystérieux, cela ne
sert à rien de le prononcer si l’on n’a pas accepté le chemin qu’il ouvre,
chemin du serviteur, chemin de passion, chemin de croix et de mort. On dit que
l’Eglise des USA empêtrés dans ses scandales de pédophilie est gangrenée par la
fascination par le fric, comme au Vatican. Voyez ce que cela fait. Les évêques
confessent la foi, la défendent, voir interdisent les dissidents hérétiques. Mais
eux sont la source de scandales oh combien assassins pour la foi. Comment
croire ce que dit l’Eglise si ses ministres sont des salauds ?
Marc commence de suite après la confession de foi de Pierre
à expliquer ce que signifie Christ : « Il commença à leur enseigner qu’il
fallait que le Fils de l’homme souffre beaucoup, qu’il soit rejeté par les
anciens, les grands prêtres et les scribes, qu’il soit tué, et que, trois jours
après, il ressuscite. Jésus disait cette parole ouvertement. » Et cette
nouvelle partie de l’enseignement de Jésus, les disciples ne l’ont toujours pas
entendu, surtout leurs responsables, qui revendiquent d’être Pierre ou
successeurs d’apôtres.
Dire que Jésus est le Christ, cela veut dire qu’il est un
fils d’homme du côté des victimes. Et Pierre, comme ses successeurs, ne se
rêvent que winners ! L’Eglise trahit l’évangile et abandonne Jésus seul
sur le chemin de la croix à se rêver puissante, respectée, en bonne forme, sans
souffrance. A-t-on compris cela ? Alors on a commencé à comprendre ce que
veut dire Christ, une victime des winners parmi les victimes.
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