Dimanche dernier, avec la confession de foi de Pierre à
Césarée, il y avait eu une première annonce de la passion (Mc 8, 27-38) qui
nous avait permis d’entendre un peu ce que signifie « Christ », une
victime parmi les victimes, une victime des puissants parmi les victimes. Avec ceux
des Douze, nos rêves de réussite et de gloire en avaient pris un coup. La suite
de Jésus passe par la croix, non par la réussite. Cela vaut aussi pour
l’Eglise. On peut se demander qui d’entre nous ici est disciple… Une porte
étroite.
Le lectionnaire une nouvelle fois nous joue un tour. La
lecture continue de Marc n’est pas… continue. On a sauté, « six jours plus
tard », la transfiguration et la guérison d’un enfant. Il y a une semaine,
nous lisions ce qui s’était passé une semaine avant ce que nous lisons
aujourd’hui, une deuxième annonce de la passion (Mc 9, 30-37).
Cette fois, pas de réaction de Pierre ou de l’un des Douze. « Ils ne
comprenaient pas cette parole et ils craignaient de l'interroger. » Chat
échaudé craint l’eau froide ! Puis l’on semble passer à autre chose :
« Ils vinrent à Capharnaüm ; et une fois à la maison, il leur demandait… »
Changement de lieu, changement de sujet.
Mais non, on est toujours à la même affaire : qui est
Jésus ou que signifie Christ ou être de ses disciples. Et Jésus, une nouvelle
fois, entraine les siens vers la fin du rêve, infantile ou archaïque, de toute
puissance, qui nous hante toute la vie. Comment notre Eglise peut-elle se rêver
puissante sinon à être infantile, pervers polymorphe ?
Comme dans tous les contes, il y aura une troisième fois (Mc
10, 35-45). C’est ainsi que monte la tension dramatique, que l’auditeur est
pris dans la tension. Nous entendrons dans un mois la troisième annonce de la
passion. Plus Jésus répètera, moins les disciples comprendront. Avons-nous
compris ? L’Eglise au terme de deux mille ans a-t-elle compris ?
« Vous le savez : ceux que l’on regarde comme chefs des nations les
commandent en maîtres ; les grands leur font sentir leur pouvoir. Parmi
vous, il ne doit pas en être ainsi. »
Alors que l’on cherche à déterminer qui est le plus grand
entre nous, c’est un enfant que Jésus met au centre. Accueillir les petits,
c’est ainsi qu’on accueille Jésus et celui qui l’a envoyé. Se vouloir le plus
grand, c’est donc rater le coche, littéralement pécher. La grandeur doit être
abandonnée et le petit accueilli. Une conversion pour le monde et pour chacun.
A l’époque de Jésus, contrairement à aujourd’hui, l’enfant
n’est pas roi, l’enfant n’est pas adulé. Il n’a pas de droits. Le même mot, paîs, peut servir à le désigner lui et
le serviteur, c’est-à-dire l’esclave ; on vend le second sans vergogne. De
surcroît, le mot utilisé ici est un diminutif, il faudrait peut-être traduire
non pas même « prenant un petit enfant », mais « prenant un
petit ». On entendrait plus encore l’opposition entre la préoccupation des
Douze de savoir qui est le plus grand, et le petit que Jésus place au milieu.
Le choix de l’enfance, la petite voie thérésienne, n’est ni régressive ni
mièvre, c’est l’évangile ; point de gâtisme béat, mais la transmutation
des valeurs, adulte, exigeante et radicale.
Jésus ne se sert pas de l’enfant, fût-ce pédagogiquement. Il
l’embrasse. Il fait ce qu’il dit, il l’accueille. C’est à l’accueil des petits
que l’on reconnaît les grands. Je vous laisse deviner ce que Jésus pense de nos
gouvernants, ce que Jésus pense de nos évêques qui pendant des années et encore
aujourd’hui parfois, font taire les victimes de prêtres criminels.
Ce n’est pas qu’il faille tout ramener aux scandales de pédocriminalité
dans l’Eglise. C’est l’évangile qui est d’une actualité toujours saisissante,
ou intempestif, si on ne le supporte pas. Notre Eglise a une chance d’avancer.
Elle est confrontée à la mort. On va voir si elle croit à la résurrection. Elle
a l’opportunité de la vivre et d’en témoigner.
Jésus s’assoit. Est-ce pour enseigner, comme dans une
chaire ? Est-ce pour se mettre à hauteur d’enfant ? Est-ce pour que,
alors que les Douze sont debout, il leur apparaisse petit, les oblige à
regarder en bas, leur apprenne à regarder en bas. C’est assis à vos pieds que
j’aurais dû prêcher, non pour singer l’humilité, mais comme un exercice, nous
apprendre à regarder en bas, vers les petits. L’enjeu est de taille, si l’on
peut dire : « « Quiconque accueille [au nom de Jésus] un petit comme
celui-ci, c’est [Jésus] qu’il accueille. Et celui qui l’accueille, ce n’est pas
[lui] qu’il accueille, mais Celui qui [l]’a envoyé. »
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire