Des pharisiens abordèrent Jésus et, pour le mettre à
l’épreuve, ils lui demandaient : « Est-il permis à un mari de
renvoyer sa femme ? ».
Le verset introductif de notre péricope (Mc 10, 2-12) est on
ne peut plus clair. Il s’agit de mettre Jésus à l’épreuve. La question posée n’intéresse
pas pour elle-même, mais comme occasion de faire que Jésus se casse la figure.
On peut, on doit, dans ces conditions, penser que la réponse de Jésus a peu de
chance de constituer un enseignement sur le divorce, la possibilité pour un homme
de renvoyer sa femme. Il y a fort à parier, que Jésus va d’abord chercher à se
sortir du piège, et pourquoi pas, à rendre la monnaie de leur pièce à ceux qui lui
avait posé une chausse-trape.
Et c’est exactement ce qui se passe. Pour se sortir du
piège, Jésus renvoie la question. La réponse lui donnera la marche à suivre. Il
faut le dire, la réponse de Jésus est conditionnée par le piège et la manière
de s’en sortir. Il est pour le moins imprudent d’y chercher, comme on le fait
si souvent, un enseignement sur le divorce, et encore moins sur le mariage,
puisque de celui-ci, il n’est pas question. Vous imaginez, pour parler du mariage,
on commencerait par étudier les conditions du divorce ! Non pas comment
éviter le divorce, mais dans quelles conditions y recourir.
La réponse de Jésus, comme il fallait s’y attendre est un
piège, réponse du berger à la bergère. Il pousse l’exigence si loin que la
question des interlocuteurs devient impossible. Si vous voulez parler des conditions
du divorce, sachez qu’elles n’ont d’existence que due à votre dureté de cœur et,
qu’à envisager les choses ainsi, on entre dans une logique d’adultère. La
question ne concerne d’ailleurs pas que les hommes, les mecs, mais aussi les
femmes. Sale manie que cette phallocratie qui ne pense qu’aux mâles. Pensez
aussi aux femmes. Et Jésus construit une réciprocité entre homme et femme, qui,
certes est exigeante pour les femmes comme pour les hommes, mais laisse
entendre que les femmes pourraient aussi plaquer leur mari, sorte de coup de
semonce ou de pied-de-nez, puisqu’à l’époque, le nombre de femmes qui
répudiaient leur mari devait être à peu près nul.
On doit encore ajouter que l’adultère dans les Ecritures est
parabole de l’infidélité à Dieu, d’un comportement apostat. Ainsi, et autrement
dit, non seulement votre cœur est dur, non seulement vous êtes adultères, mais vous
n’êtes pas des Juifs fidèles à nier Dieu. Mettez-vous à la place des femmes,
vous verrez ce que cela fait d’être répudié. Jeu, set et match.
La logique du chapitre 10 dans son ensemble doit être
relevée. Entre logique du droit, celui de la répudiation, celui de la récompense
parce qu’on a bien fait, et la logique de la gratuité, celle de l’amour, celle
des enfants, celle de la guérison et de la grâce, il faut choisir. Si vous
voulez parler du mariage en termes de droit et non en termes d’amour, il ne
faut pas vous étonner que cela ne marche pas, que cela vous revienne sur le nez.
C’est foutu d’avance.
Alors, quand l’Eglise parle du divorce à partir de ces
versets, non seulement, elle fait un contresens, une erreur de lecture
colossale, mais surtout elle démontre qu’elle pense comme les pharisiens, dans
la logique du droit et non de l’amour. C’est l’Eglise, comme les disciples dans
ce chapitre, qui est pharisienne. Qu’on se le tienne pour dit.
Ce n’est pas qu’on puisse faire n’importe quoi en matière
matrimoniale, cette question n’est pas envisagée par le texte ; mais si l’on
veut en parler correctement, si on veut en vivre correctement, que l’on commence
à en parler du point de vue de la gratuité, de la grâce, de l’amour et de la
justice, comme on parlerait de la vie avec Dieu, loin de la rétribution, au
plus prêt de l’accueil sans limite et réciproque, sous le signe de la
miséricorde, puisque Dieu est juste et amour.
Si l’on veut être disciple de Jésus, si l’on veut par sa vie
de couple être témoins de l’amour de Dieu pour son peuple, alors, qu’on ne fasse
du mariage pas une affaire de rétribution ou de droit. Que l’on parle de la vie
avec Dieu et les autres sous le signe de l’amour, du pardon et de la justice,
parce que c’est ainsi, la vie, une question d’amour et de pardon. Voilà l’enseignement
de Jésus.
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