18/01/2019

L’épouse du Fils de l’homme Jn 2 (2ème dimanche du temps)


Dans l’évangile de Jean, la mère de Jésus apparaît deux fois, au chapitre deux, à Cana (2, 1-11) et au chapitre dix-neuf à la croix. Après-premier chapitre et avant-dernier, belle symétrie, si du moins on accepte avec les spécialistes de considérer le chapitre vingt-et-un comme un ajout. A Cana, il est question de vin et d’eau, à la Croix de vinaigre, de sang et d’eau. A Cana, il y eut des noces ; à la croix, la mère reçoit un fils et le disciple une mère.
La mère de Jésus n’est jamais nommée. Nous n’aurions que l’évangile de Jean, nous ne connaîtrions pas son nom. Il en va de même pour l’ensemble du Nouveau Testament ; seuls Matthieu, Marc et Luc, sur les vingt-sept livres qui le constituent, donnent son prénom, Marie.
Pour la tradition catholique, pour la dévotion populaire en catholicisme, la place de Marie est telle que l’on oublie sa quasi absence scripturaire. Nous en venons même à juger que de ne pas en parler autant que les orthodoxes et les catholiques, c’est ne pas croire à la Vierge Marie. C’est ce que nous rabâchons sans cesse à propos des protestants. En cette semaine de prière pour l’unité des chrétiens, nous pourrions au moins éradiquer cette contre-vérité. Tout comme nous, les protestants et l’ensemble des chrétiens professent la foi rassemblée par le symbole de Nicée-Constantinople : « il est né de la Vierge Marie ».
Parler de la mère de Jésus, c’est automatiquement parler de Marie. Je nous invite à respecter la logique de Jean. S’il ne l’appelle pas par son nom, s’il ne la convoque qu’à Cana et à la croix, ce n’est pas pour rien. (Remarquons qu’il en est un autre qui n’a pas de nom, c’est « le disciple que Jésus aimait ». Là encore la tradition le nomme, mais pas l’évangéliste.)
Ici, la mère, c’est la femme. A Cana comme à la croix, Jésus s’adresse à sa mère en l’appelant femme. C’est plus curieux encore que l’omission du prénom de Marie. Ici la mère, c’est la femme, la vivante qui donne la vie, Eve. Ici, la mère c’est l’humanité qui donne sa chair à Jésus, le fils de l’homme. La mère de Jésus, ce n’est littéralement pas Marie en Jean, c’est la mère du fils de l’homme, celle dont il reçoit son humanité, comme chacun de nous, la mère humanité.
Cana annonce une alliance nouvelle en signe : le bon vin est enfin servi alors que la fin des temps est inaugurée, que le récit désigne comme la fin du repas. Le contexte des noces nous aide à le comprendre ; « il y eut des noces à Cana de Galilée » puisqu’il s’agit d’alliance.
A lire le texte avec un minimum d’attention, on constate qu’il n’y a pas d’épouse pour ce mariage. Cela se peut-il ? La seule femme présente est celle que l’évangile appelle femme ou mère de Jésus. On remarque encore que l’on ne sait rien du marié. Il est mentionné à la fin, et ne répond pas à la question qui lui est posée. Qui donc est-il ? Voilà décidément un drôle de mariage : il n’y a pas d’épouse et le marié est inconnu, anonyme.
Il n’y a pas besoin d’être maître en Israël, comme dira Jésus à Nicodème au chapitre suivant, il n’y a pas besoin d’être spécialiste des Ecritures pour se douter que les noces ne sont pas celles d’un homme et d’une femme, puisqu’ils sont inconnu ou absente, mais celle de l’humanité avec le fils de l’homme, de la femme avec le fils de l’homme. Lorsque l’alliance sera effectivement scellée, à la croix, la mère recevra un fils, le disciple que Jésus aimait.
Des noces de l’humanité avec Dieu, si vous me permettez d’user de ce raccourci, surgit une humanité nouvelle, celle du disciple bien-aimé. L’humanité en lui trouve une descendance, un sens, une vocation ; l’humanité en est renouvelée. Tout homme est appelé à être, est appelé tout court, disciple, disciple bien-aimé.
Ce que Cana annonce comme signe, la croix le manifeste. Dieu épouse l’humanité de sorte qu’il la rend à la vie et à la fécondité, la libère de la mort et de la stérilité. Dans la figure du disciple bien-aimé, tous les fils de l’humanité, l’humanité elle-même est appelée à se découvrir fille, fils bien-aimé. C’est ainsi avec Jésus, la vie vient toujours après la mort.
Alors, je le redis, que nous nous unissons à la prière de tous les chrétiens pour l’unité entre eux et entre leurs Eglises, de Cana à la Croix se dessine l’unité réconciliée et féconde du genre humain, où chacun est disciple bien-aimé. Comment pourrions-nous porter semblable bonne nouvelle, nous qui nous disons explicitement disciples, à ne pas déjà célébrer l’unité de nos Eglises, l’unité dans nos communautés ?

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire