Parler de résurrection, c’est commencer par oublier toutes
les représentations que nous en avons. La parabole que nous venons de lire
montre que penser la résurrection comme prolongement après la mort des logiques
de notre monde conduit aux pires inepties.
Disciples de Jésus, la mort n’est pas devant vous, mais derrière puisque
« vous êtes ressuscités avec le Christ » (Col 3, 1). La résurrection
n’est pas à venir. Tant que nous ne nous débarrasserons pas de ces balivernes plus
ou moins consolatrices devant la souffrance du deuil, nous n’entendrons rien à
Jésus ni à la résurrection. C’est lui, la résurrection (Jn 11, 25) La
résurrection est notre avenir parce qu’elle est déjà notre vie.
Il y a une drôle d’expression dans notre texte : fils de la
résurrection. Qu’est donc la résurrection pour avoir des enfants ? Et l’expression
entière est encore plus curieuse, « ils sont fils de Dieu en étant fils de
la résurrection ». Les interlocuteurs de Jésus avaient de quoi être autant
surpris que nous, et plus encore. En effet, le mot de résurrection n’existait
pas, de sorte que Jésus a dit : « ils sont fils de Dieu en étant fils
du lever ».
Vous imaginez la tête des interlocuteurs ? Ils avaient cru
balader Jésus avec une histoire sans queue ni tête, ils ont été payés en retour !
Fils de Dieu en étant fils du lever
Nous lever, c’est ce qui nous arrive régulièrement. Ceux d’entre
nous qui sortent de maladie et qui peuvent enfin de nouveau se lever savent
combien le lever chaque matin n’a rien de banal. On revit ! Chaque matin,
nous venons au jour, nous sommes enfantés à la vie. On pourrait ainsi
comprendre cette énigme des fils de se lever, des enfants d’un lever.
Mais le texte parle non d’un lever, comme chaque matin, mais du
lever. De quel lever s’agit-il ? Ce lever nous fait fils de Dieu, enfants
de Dieu. Ils sont enfants de Dieu en étant enfants du lever. Ce lever nous
engendre et, dans l’instant, la reconnaissance de paternité : nous sommes enfants
de Dieu.
« Voyez quelle manifestation d’amour le Père nous a donnée
pour que nous soyons appelés enfants de Dieu. Et nous le sommes ! […] Bien-aimés,
dès maintenant, nous sommes enfants de Dieu, et ce que nous serons n’a pas
encore été manifesté. » (1 Jn 3, 1-2)
Dieu fait de nous ses enfants, ses fils et filles. Que les hommes
et les femmes soient engendrés de Dieu, voilà qui devrait nous étonner autant
que l’expression de Jésus : fils de Dieu en étant fils du lever. Or c’est
cela la résurrection : que la vie des hommes et des femmes soit vie de
Dieu. On n’a pas tout dit de la vie quand on a parlé de biologie ou de zoologie. La
résurrection, ce n’est pas après la mort. La vie humaine qui coule en nos
veines est divine. La vie est plus que la vie. C’est cela que nous appelons
Dieu, c’est cela que nous appelons résurrection.
La résurrection, c’est la vie avec Dieu. « Vivre, pour moi, c’est
le Christ » (Ph 1, 21), dit Paul, que l’on ne trahit pas en commentant,
vivre, pour moi, ce sont les frères, puisque le Christ est l’aîné d’une multitude
de frères (Rm 8, 29) et que l’humanité est fraternité.
L’Epitre de Jean le dit, cela ne saute pas aux yeux, cela n’a pas
encore été manifesté. C’est pour cela que beaucoup comprennent la résurrection
pour après la mort. Mais il n’en est rien. Déjà Dieu est père, déjà nous sommes
ses enfants, déjà nous vivons de sa vie, nous recevons sa vie en héritage, déjà
nous sommes fils et filles de la résurrection.
Etre enfants de Dieu, c’est permettre à Dieu d’être reconnus. Ressuscités,
nous sommes les témoins que vivre c’est aimer et que haïr, c’est être homicide
(1 Jn 3, 15) et mourir, même si prospèrent ceux qui haïssent les frères et que
sont poursuivis ceux qui s’essayent au « principe de fraternité ».
Dans le bourbier que peuvent être nos vies, témoigner que vivre est
autre chose, vivre que vivre est autre chose que survivre et peiner, c’est
renverser la mort, la faire reculer au moins ; c’est se voir relevés. Tous
ceux qui sont engagés dans le corps à corps avec la mort manifestent qu’une
autre vie appelée amour est déjà commencée, qu’une autre vie appelée par l’amour
est déjà commencée.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire