« Des pierres que voici, Dieu peut faire surgir des
enfants à Abraham. » (Mt 3, 1-12) Si des cailloux peuvent être enfants d’Abraham,
c’est peu dire qu’il n’y a pas de quoi se targuer d’être de la descendance du
patriarche. C’est un motif de fierté déplacé voire mensonger si rien dans notre
vie ne nous rattache à la manière de vivre d’Abraham.
Le raisonnement du Baptiste est étonnamment accordé à notre
situation. Alors que certains s’opposent à l’arrivée des migrants sous prétexte
de grand remplacement et de disparition de l’identité chrétienne du pays, on
est en droit de s’interroger sur leur attachement à la foi qui nous rassemble.
On ne défend pas l’identité chrétienne en exhibant un passé ou une généalogie, en
se parant d’une tradition, mais en se convertissant, jour après jour.
Jésus, comme Abraham, ont été les champions de l’hospitalité.
Rappelons-nous l’accueil des visiteurs à Mambré que l’épitre aux Hébreux
commente ainsi : « N’oubliez pas l’hospitalité : elle a permis à
certains, sans le savoir, de recevoir chez eux des anges. »
Vous avez peut-être vu passer ce dessin humoristique d’une crèche,
vide, parce qu’installée dans une maison où Juifs, Arabes et immigrés ne sont
pas les bienvenus. Voilà ce qu’est fêter Noël sans se mettre à la suite de
Jésus, ou, pour parler comme le Baptiste, sans se convertir. Cela ne signifie
rien de se dire fils et filles d’Abraham si l’on n’est pas engagé pour une
société de justice rendue possible par la conversion personnelle. Cela n’a pas
de sens de se dire disciples de Jésus et de continuer à vivre sans se soucier
des autres.
Les foudres apocalyptiques révèlent la supercherie. « Déjà la
cognée se trouve à la racine des arbres : tout arbre qui ne produit pas de
bons fruits va être coupé et jeté au feu. » « La paille, il la
brûlera au feu qui ne s’éteint pas. »
Jean est un personnage marginal, vivant dans la nature, se
purifiant loin du temple. Tout dans son allure et son mode de vie relativise
voire disqualifie la religion du temple, parce que Dieu en a ras-le-bol des
sacrifices et des pratiques extérieures. Il faut relire les versets qui ouvrent
pratiquement le livre d’Isaïe. C’est du Jean-Baptiste dans le texte !
« Ecoutez la parole du Seigneur, vous qui êtes pareils aux
chefs de Sodome ! Prêtez l’oreille à l’enseignement de notre Dieu, vous,
peuple de Gomorrhe ! Que m’importe le nombre de vos sacrifices ? ‑ dit
le Seigneur. Les holocaustes de béliers, la graisse des veaux, j’en suis
rassasié. Le sang des taureaux, des agneaux et des boucs, je n’y prends pas
plaisir. Quand vous venez vous présenter devant ma face, qui vous demande de
fouler mes parvis ? Cessez d’apporter de vaines offrandes ; j’ai
horreur de votre encens. Les nouvelles lunes, les sabbats, les assemblées, je
n’en peux plus de ces crimes et de ces fêtes. Vos nouvelles lunes et vos solennités,
moi, je les déteste : elles me sont un fardeau, je suis fatigué de le
porter. Quand vous étendez les mains, je détourne les yeux. Vous avez beau
multiplier les prières, je n’écoute pas : vos mains sont pleines de sang. Lavez-vous,
purifiez-vous, ôtez de ma vue vos actions mauvaises, cessez de faire le mal. Apprenez
à faire le bien : recherchez le droit, mettez au pas l’oppresseur, rendez
justice à l’orphelin, défendez la cause de la veuve. »
Est-il possible que le monde, notre monde, rempli de tant de
promesses, ne soit que champ de batailles, injustices érigées en lois, violence
et mépris des frères ? Cela fait plus de 2500 ans que ces paroles
prophétiques ont été prononcées. Et que voyons-nous ? Le monde est au bord
de l’effondrement. Rien ne changera sur
la terre des hommes si la justice meurt entre nos mains. Il nous sera vain de
parler du Royaume si la richesse encombre nos chemins.
Il y a une différence entre Jésus et le Baptiste. Elle ne réside
pas dans la relativisation de l’urgence de la conversion. Mais Jésus semble
conscient que nous n’y arriverons jamais. « Pour les hommes, c’est
impossible. » Il sait que la conversion n’est pas seulement une décision
éthique, mais la réponse à l’appel du Dieu
qui le premier nous as aimés. Le salut est offert, non pour nous dispenser
de changer de vie, loin s’en faut, mais parce que Dieu n’a pas d’autre solution
pour notre monde que de s’offrir.
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