C’est bien connu, c’était mieux avant ; tout va de mal
en pis. Nous avons trace de ce genre de refrains depuis au moins le cinquième
siècle avant notre ère. Cela a toujours été ainsi, les jeunes de nos jours ne
sont plus élevés correctement et ne respectent rien.
Suis-je donc à mon tour contaminé par ce refrain ? Je ne crois
pas plus au progrès de l’humanité qu’à sa décadence. Voilà qui devrait me
protéger. Mais je suis bien obligé de constater que je jette, en cette fête de
Noël, un regard bien sombre sur notre monde, ou plutôt, que notre monde m’apparaît
comme terriblement sombre.
Fêter Noël, ce n’est pas se réjouir à bon compte, se convaincre que
tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes. Tout va très bien, Madame
la marquise ! Ce n’est pas parce que vous mettez quelques décorations dans
les villes ou un sapin dans les maisons que les problèmes sont résolus. Des
familles demeurent déchirées, et comme c’est dur de le constater à Noël. Des
concitoyens dorment dans la rue, et même des enfants ! La guerre et les
inégalités entre peuples ne s’arrêtent pas. Les pays d’opulence ferment leur cœur
et leur frontière, etc.
Fêter Noël, c’est trouver la force de croire en la dignité de tous
les hommes et de chaque homme. Fêter Noël, c’est croire que, quoi qu’il en soit
de l’écrasement de certains d’entre nous, quoi qu’il en soit de ceux d’entre
nous qui écrasent les autres, l’aventure humaine est une histoire sacrée, tout
homme est une histoire sacrée. Fêter Noël, c’est proclamer que, quelles que
soient les horreurs de l’existence, toute vie humaine doit être secourue,
protégée, révérée.
Pour beaucoup, Noël n’est aujourd’hui plus qu’un mythe. Je m’en
contenterais si, chacun se sentait interpellé ; qu’as-tu fait de ton frère ?
Que fais-tu de ton frère ? Si plus personne ne croit en Dieu, mais que chacun
se préoccupe de son frère, cela m’est égal, parce qu’alors Dieu sera tout en
tous, et c’est cela que nous attendons, c’est cela que nous croyons.
Cela m’est égal si plus personne n’a la foi à condition que chacun soit
accueilli comme un frère, parce que ce que nous célébrons à Noël aura été
compris, non comme une leçon, fût-elle de catéchisme, mais comme une manière de
vivre. Nous ne fêtons Noël pour de vrai, sans hypocrisie, que si avec nos
réjouissances et nos chants de fête, avec nos célébrations et les vœux que nous
échangeons, nous accueillons tout homme comme un frère. « Le prophète
aujourd’hui, c’est celui qui rencontre les autres comme des frères. »
Fêter Noël, c’est accueillir tout homme comme un frère puisque
Jésus est le frère universel qui nous apprend à nous reconnaître frères et sœurs
d’un unique père, notre père. Il n’y a peut-être pas besoin de Jésus et de la
foi pour savoir que tout homme est un frère, mais enfin, reconnaissons que si
nous prenions notre foi et Jésus au sérieux, la société autour de nous et le
village planétaire n’auraient pas ce rictus de mépris. Tout homme est habité
par Dieu lui-même. C’est pourquoi à défendre chaque vie, nous nous inclinons
devant l’enfant de la crèche, nous vénérons l’humanité de notre Dieu. C’est
pourquoi à mépriser des vies, ne serait-ce qu’à détourner pudiquement les yeux,
nous sommes sacrilèges.
Avec Jésus, un homme parmi les hommes, Dieu renonce à tous les
attributs divins, la toute-puissance, la gloire, la grandeur, le culte. Ne croyez pas que Dieu se tait quand il se
dit par sa naissance : il a visage humain et l’humanité est divinisée,
et nous sommes enfants de Dieu. L’ardeur de notre prière, la profondeur de
notre union à la vie de Dieu c’est précisément notre attention aux frères.
Fêter Noël c’est croire que tout visage humain est une icône de notre Dieu. L’incarnation
ne signifie rien d’autre.
« Le prophète aujourd’hui, c’est celui qui rencontre
les autres comme des frères. » La rencontre des autres est le langage pour
parler de notre Dieu au monde, pour faire signe vers Dieu, parce qu’en Jésus
Dieu est avec nous, l’Emmanuel.
- Seigneur Jésus, toi qui aimes notre humanité et l’épouse pour lui
transmettre la vie du Père, garde l’Eglise dans la force de l’Esprit. Que sa
conversion entraîne dans son sillage des artisans de paix toujours plus
nombreux.
- Seigneur Jésus, toi qui naissais dans un pays en guère aujourd’hui
depuis des décennies, donne à chacun le désir d’un monde fraternel. Ainsi, ton
père et notre père sera connu parmi toutes les nations.
- Seigneur Jésus, toi qui connais notre joie à nous retrouver ce soir
(aujourd’hui), donne-nous de faire place à chacun dans notre communauté et dans
la société. Alors chaque coin de rue sera la crèche où nous pourrons te
révérer.
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