03/01/2020

Ne rentrez pas chez vous comme avant ! (Epiphanie)


Ils regagnèrent leur pays par un autre chemin. La rencontre avec l’enfant de la crèche change les habitudes. La rencontre avec Jésus interdit que l’on reprenne les vieux sentiers ou les voies rapides de la routine. Pourrions-nous décemment penser que nous serions venus nous prosterner devant le Seigneur et ne pas nous attendre à ce que cela ne change nos vies ?
Et même si vous reprenez exactement la même route, vous ne rentrerez pas chez vous comme avant. Ce n’est plus possible, ou alors, votre détour par Bethléem, votre démarche de foi, est une affaire touristique ou folklorique, mais nullement la rencontre avec notre Dieu.
Tout homme et femme est susceptible d’être un de ces mages venus d’Orient. Tous, en notre route humaine, nous sommes levés avec un soleil, à l’est, et grandissons dans une aventure humaine, avec et pour les autres, dans un monde et des institutions à rendre le plus juste possible pour tous.
Lors de cette marche, la conversion n’est pas tant une étape, un changement radical de route, qu’une manière de conduire la marche. On croit que la conversion, c’est le changement de religion, ou le changement de vie. Pourquoi pas. Mais ce n’est pas ici ce dont il s’agit. En m’adressant à des baptisés qui sont venu prier, les inviter à la conversion n’aurait aucun sens s’ils devaient changer de religion ! Et peut-être pas tellement plus s’il leur fallait changer de vie. On peut penser qu’il n’y a pas trop parmi nous qui venons communier, de ces personnes dont il est évident qu’elles doivent changer de vie. Peut-être l’un ou l’autre. Et chacun le sait en son cœur. Et qu’ils soient les bienvenus.
La table de Jésus doit être, hier comme aujourd’hui, ouverte aux pécheurs. Jésus s’est fait suffisamment d’ennemis parce que sa table était table des pécheurs pour que l’Eglise ne puisse, sous aucun prétexte, se donner le droit d’en exclure qui que ce soit. Quoi qu’il en soit de l’attitude de l’Eglise encore aujourd’hui, je le redis. Elle ne peut se permettre de faire autrement que son Seigneur, surtout sur une affaire aussi importante, structurante, du ministère de Jésus. Elle doit tenir table ouverte, et d’abord pour ceux qui auraient des raisons de s’en sentir exclus.
Si l’eucharistie est un repas, ce n’est pas pour rien. On a beau vouloir en faire un sacrifice pour faire plus religieux, elle est la table des pécheurs où le Seigneur s’offre pour nous donner de pouvoir rendre grâce, nous, les pécheurs.
Que l’Eglise dise non, haut et fort, au péché, à ce qui opprime les frères ou l’humanité en soi, cela demeure indispensable. Il sera cependant plus urgent qu’elle s’engage positivement pour délier les liens de servitude. Cet engagement pour les frères méprisés et pour l’humanité que nous malmenons est ce qu’elle peut faire de mieux pour lutter contre le mal, avec sa compassion pour ceux que le péché, le leur ou celui des autres, écrase. Les paroles, le non au mal, n’est alors pas du vent, mais la solidité ou la vérité de sa mission, son amen en réponse à la mission qu’elle reçoit de son Seigneur.
J’en reviens à la conversion pour ceux d’entre nous qui ne s’estiment pas des pécheurs, ou des pécheurs tels que leur vie mériterait un changement radical. (Je sais, cette distinction ne fait pas sens, fondamentalement, mais il faut bien essayer de parler.) Qu’est-ce que revenir chez soi par un autre chemin pour la majorité d’entre nous ? Comment, après cette eucharistie, ne rentrerons-nous pas chez nous comme avant ?
La conversion, avant d’être les grandes décisions donc, c’est l’incessant travail, invisible même, de se laisser changer par le Christ, de se laisser configurer par lui. Jour après jour, rencontre après rencontre, accueillir comme lui. Accueillir les frères, accueillir le Père de toute miséricorde aussi. Accueillir comme il accueillait à sa table tous ceux qui le voulaient. L’hospitalité comme manière de vivre.
Méfions-nous des résolutions de début d’année ! Contentons-nous de l’humble labeur de laisser les autres et le Christ décider pour nous. Contentons-nous d’apprendre à renoncer à tout vouloir si ce n’est précisément, celui de ne plus rien vouloir par nous-mêmes. C’est la prière de Charles de Foucault. Fais de moi ce qu’il te plaira. Et nous n’avons rien à craindre. Il ne peut faire quoi que ce soit qui nous serait défavorable.
A chaque moment, continuer la route par un autre chemin. Ainsi, nous emprunterons le chemin, Jésus.

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