Les trois petites paraboles (Mt 13, 44-52) de ce jour racontent moins qu’elles n’évoquent et suggèrent. Trois fois la même action à peine esquissée, la découverte d’un trésor ou d’une perle rare, une pêche fructueuse.
Chaque fois, l’abondance ou ce qui n’a pas de prix. Plus rien ne semble compter au point de rendre le texte incohérent. Que serait un négociant qui n’aurait qu’une seule perle ? Il n’a rien à négocier, il n’est plus négociant. La découverte renverse le monde d’avant.
Le texte ne raconte pas ce qui se passe après la découverte. N’importe que la découverte et l’acquisition. La perle suffit. Le trésor suffit. Ils remplacent tout, supplantent toute activité. Il n’y a plus rien si ce n’est posséder la perle, le champ, ou plutôt, être possédé par la perle, le champ, la pêche. On est pris par la découverte. La découverte s’épuise dans son advenue, et l’on devient le trésor ou la perle que Dieu découvre. Réciprocité de l’amour.
Ce qui importe, c’est l’émergence du royaume. Le royaume réside dans son advenue. Il est ce qui advient sans cesse, toujours neuf. Le royaume est ce qui nous arrive et tout est renversé, nouveau monde, monde qui demeure nouveau même après des années. L’amour aidera à comprendre : Ceux d’entre nous qui sont tombés raides amoureux, possédés par l’amant, connaissent cela. Plus rien n’a de sens. Tout change. Compte ce qui arrive, ni l’avant, ni l’après. L’amour et le royaume sont sans cesse renouvelés, ils ne peuvent qu’advenir.
L’évangile du royaume bouleverse les manières de penser et de vivre, les renouvelle. L’évangile du royaume n’est pas un badigeon sur nos vies, histoire de leur donner un petit coup de neuf ou de gaité, une dimension spirituelle parce que cela serait convenable. L’évangile change le nord. Nos boussoles ne sont plus bonnes à rien.
Tout plaquer pour l’évangile du royaume, tout claquer pour lui. Folle histoire comme un coup de foudre. Est-il possible d’être disciple du royaume autrement qu’à cette folie ? Nos paraboles ne le laissent pas imaginer.
Lire les trois histoires dans la foulée, c’est entendre une tension que la troisième met en scène. Que va-t-il se passer avec le filet ? Une nouveauté, encore ! Cette fois, on trie. Cette fois, on décrit ce qui se passe après l’advenue. Tout n’est pas bon dans ce qui advient. Il ne suffit pas du bouleversement pour qu’il s’agisse du royaume. C’est comme en amour. Il ne suffit pas du coup de foudre pour changer de vie, surtout si l’on est déjà engagé… par amour.
C’est pour cela qu’il faut prendre le temps de la critique ; c’est l’étymologie, passer au crible, trier. Il y a le bon et ce qui ne vaut rien. La conclusion des trois paraboles, avec le scribe « qui tire de son trésor du neuf et de l’ancien », décale encore le propos, et c’est cela qu’il faut entendre. Attention, tout ce qui a saveur de royaume ne l’est pas.
Quel est le critère ? Le nouveau est l’ancien ! L’évangile du royaume n’apporte de nouveauté que ce qui est déjà bien connu, parce que la loi d’amour est aussi nouvelle qu’ancienne, et qu’il n’y en a pas d’autre. « Bien-aimés, ce n’est pas un commandement nouveau que je vous écris, c’est un commandement ancien, que vous avez reçu dès le début. Ce commandement ancien est la parole que vous avez entendue. Et néanmoins, encore une fois, c'est un commandement nouveau que je vous écris. » (1 Jn 2, 7-8).
De quoi parlent nos paraboles ? De l’engouement suscité par l’évangile du royaume, et de sa nouveauté. Assurément, sans engouement, sans folie, sans nouveauté, ce n’est pas l’évangile du royaume.
Mais au nom de cet évangile du royaume, on peut faire n’importe quoi, puisque le nord est bouleversé. On peut être manipulé et manipuler. Le royaume est prétexte à tout type de trafics, abus de pouvoir et autre ; comme l’amour. On s’abandonne, on se rend vulnérable puisque l’on abandonne tout pour le trésor ou la perle. Se laisser bouleverser par ce qui advient, toujours nouveau, requiert que l’on trie, juge du bon et de ce qui ne vaut rien. On ne retiendra de nouveau que ce qui est ancien, le commandement de l’amour.
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