03/07/2020

Pour que rien de lui ne s'efface (14ème dimanche du temps)

Quelle drôle d’idée de demander le baptême en 2020 quand on a 16 ans ? Faut-il être inconscient, vivre dans un monde à part, ignorer que la plupart des copains est à des années-lumière de cette démarche ? Comment est-il possible d’assumer la foi dans un monde qui se passe de Dieu ? La question ne vaut pas que pour toi, Robin, mais pour nous tous. Pourquoi donc nous déclarer chrétiens aujourd’hui ?

Il y a des raisons intimes, et même inconscientes. Pour déterminantes qu’elles soient, on ne peut rien en dire, de surcroit publiquement. Tout au long de l’existence, on apprend à faire avec, à vivre plus librement. Il faut cependant rendre compte de l’espérance qui nous habite. Que disons-nous aux autres, mais aussi à nous-mêmes, de notre attachement à Jésus ?

Car c’est bien de cela qu’il s’agit lorsque l’on se dit chrétien, lorsque l’on reçoit le baptême comme toi aujourd’hui ou, lorsque, des années après notre baptême, nous prétendons en vivre jour après jour. Comme toujours en matière d’amour, nous venons trop tard. On ne choisit pas d’être amoureux ou ami de telle personne. On découvre qu’on l’est (quand c’est déjà fait). Paul dit avoir été saisi. L’évangile de ce jour parle de révélation, de ce que le Père fait connaître (Mt 11, 25-30). Nous constatons que nous sommes attachés à Jésus ; cela ne vient pas vraiment de nous.

Etre disciples de Jésus, c’est alors être déterminés à mener sa vie comme lui ou, pour parler plus justement, être déterminés à nous laisser conformer par lui, nous laisser configurer à son image. Tout chrétien est alter Christus, un autre Christ.

Ces propos sont-ils réalistes ? Ne sont-ils pas exagérés ? Est-ce bien à cela que tu es décidé, te laisser modeler par Jésus pour qu’il te façonne à sa ressemblance ? Est-ce bien cela que nous voulons, être d’autres christs ? Cela ne peut qu’exiger un changement de vie. Il nous faut des années, toute une vie, pour comprendre et vivre la disponibilité, la passivité où Jésus nous convertit à l’Esprit de son Père. L’étape de ce jour est pour toi un commencement, plus que l’aboutissement d’un chemin, même long. Tu es un homme nouveau, tu revêts le Christ.

Peut-être es-tu sensible au réconfort que t’apporte Jésus : il procure le repos, son fardeau est léger. L’évangile de dimanche dernier nous enjoignait le renoncement, passer derrière et porter sa croix. Il n’y a pas de magie évangélique qui rendrait la vie douce parce que nous croyons. Que la croix soit légère, il faut oser le dire et le vivre ! La route avec Jésus est d’autant plus réconfort que l’on a tout abandonné ou perdu. Elle n’est plus fardeau mais tendresse et douceur… pour les tout-petits. Les autres se bercent d’illusions.

Tu le sais, on n’est pas baptisé pour soi, on n’est pas appelé par Jésus pour soi, mais pour les autres, pour être envoyé. Certes, pas seul, mais en communauté. Nous sommes appelés pour être envoyés.

Se dire disciples pour toi, pour toi avec nous, pour nous tous, c’est alors aussi une décision politique, qui concerne la polis, la cité, la société, l’environnement où nous vivons.

Les gestes de Jésus, de tendresse, de compassion, de guérison, mais aussi sa condamnation ferme et sans appel du mal, ses paroles, sa vie et sa mort, sont pour les sociétés une provocation à changer de direction. Le « moi d’abord, les autres après », le « toujours plus » quoi qu’il en soit des injustices, la destruction de notre « maison commune », les désastres écologiques, sanitaires, sociaux, migratoires nous acculent à notre échec. Est-il encore possible de ne pas le reconnaitre ? Jésus n’apporte pas les solutions concrètes. Il propose un retournement, la conversion de nos orientations. Que deviendraient notre monde et les sociétés si Jésus était effectivement notre orient, si nous étions serviteurs à cause de Jésus ?

Etre chrétiens, disciples aujourd’hui, c’est une protestation, une provocation en faveur d’un monde de justice et de paix. Tu as commencé à découvrir la pertinence de l’évangile pour le monde aujourd’hui. On le croirait écrit d’hier tant il est d’actualité. A écouter la Parole, à l’étudier, à suivre Jésus dans l’amour des frères, nous nous laissons configurés par Jésus, ses gestes et ses paroles, afin qu’adviennent, bâties sur le roc, la justice et la paix.

Que Jésus soit pour toi, Robin, et pour chacun de nous, celui qui porte nos vies et celui qui fait de nous ceux qui prennent sa place aujourd’hui pour que rien de lui ne s’efface.

1 commentaire:

  1. Hubert Moreau3/7/20 08:29

    Jeune frère que je ne connais pas : bonne route !

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