07/07/2023

Les tout-petits Mt 11, 25-30 (14ème dimanche du temps)

 

« Père, Seigneur du ciel et de la terre, je proclame ta louange : ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout-petits. » (Mt 11, 25-30)

Pourrait-on identifier les sages et les savants, d’une part, les tout-petits de l’autre ? Ce ne sont pas les études qui donnent la science et la sagesse, surtout à l’époque de Jésus. Vous imaginez, ceux qui jamais n’ont voulu se casser la tête pour développer en eux science et sagesse seraient ipso facto tout-petits ! Ils sont plutôt pleins d’eux-mêmes !

Etre tout-petits, ce n’est pas un état, du moins ordinairement, mais une tâche. La voie de l’enfance ou petite voie de Thérèse de l’Enfant Jésus exige un véritable travail, celui de l’évangile ; pour les adultes, souvent parents, il faut redevenir enfant, fils et filles, non pas retomber en enfance, mais accueillir, recevoir un Père. La petitesse dans notre texte fait connaître… le Père.

Le modèle de la vie adulte n’est pas la science et la sagesse, apanage, le meilleur, de ceux qui ont de quoi conduire et réussir leur vie. Le modèle de la vie adulte, ce sont les tout-petits. Renversement intempestif, comme toujours chez Jésus. Le meilleur n’est pas le chemin, mais la marge, les comptés-pour-rien. C’est la banlieue, là où le ban, la mise au ban s’applique, jusqu’à une lieue du centre.

Thérèse croit que la destinée de l’humanité, de chacun, c’est la vie avec Dieu. Elle sait que c’est impossible puisque nous sommes à la ramasse, pécheurs. Vous pouvez bien faire tout ce que vous voulez, même le meilleur ‑ et vous auriez tort de ne pas le faire ! ‑ que la sainteté, la démesure de notre vocation reste inaccessible ; pour les hommes, c’est impossible.

Il faut une autre voie pour l’accomplissement, le plein de l’humanité en chacun. Il faut une voie qui se déprenne non du pire ‑ on s’en serait douté ! ‑ mais du meilleur, puisque la science et la sagesse, par exemple, ratent la cible, sont étymologiquement péché !

« Nous sommes dans un siècle d’inventions maintenant ce n’est plus la peine de gravir les marches d’un escalier, chez les riches un ascenseur le remplace avantageusement. Moi je voudrais aussi trouver un ascenseur pour m’élever jusqu’à Jésus, car je suis trop petite pour monter le rude escalier de la perfection. Alors j’ai recherché dans les livres saints l’indication de l’ascenseur, objet de mon désir et j’ai lu ces mots sortis de la bouche de la Sagesse Éternelle : Si quelqu’un est TOUT PETIT qu’il vienne à moi » (Pr 9,4). » (M C 3r)

Etre tout-petits, c’est abandonner. Abandonner savoir et sagesse, abandonner richesses et biens, ta onta, dit l’évangile du fils prodigue, son être ! « Considérez votre appel : il n’y a pas beaucoup de sages selon la chair, pas beaucoup de puissants, pas beaucoup de gens bien nés. Mais ce qu’il y a de fou dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi pour confondre les sages ; ce qu’il y a de faible dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi pour confondre ce qui est fort ; ce qui dans le monde est sans naissance et ce que l’on méprise, voilà ce que Dieu a choisi ; ce qui n’est pas [mè onta] pour réduire à rien ce qui est [ta onta], afin qu’aucune chair n’aille se glorifier devant Dieu. Car c’est par lui que vous êtes dans le Christ Jésus qui est devenu pour nous sagesse venant de Dieu, justice, sanctification et rédemption, afin que, comme il est écrit, celui qui se glorifie, qu’il se glorifie dans le Seigneur. » (1 Co 1, 26-31)

Se glorifier de réussir, d’être adulte, c’est raté. Non qu’il faille demeurer dans la puérilité, l’irresponsabilité. Sous prétexte de tout-petits ni savants ni sages, il est hors de question de faire l’apologie de la paresse intellectuelle, de la crasse. La foi du charbonnier, c’est quand on est charbonnier ! Pas pour les autres. L’évangile est chose sérieuse, à étudier avec des livres certes, mais avant tout par la conversion, abandon de ce qui est.

La petite voie a un but, elle n’est qu’un moyen. L’abandon, attitude de passivité, est engagement, attitude active, volontaire. Apprendre du Père ‑ il se révèle, il révèle. Nous trouverions négligeable d’apprendre d’un tel maître ? Apprendre qui est le Père, c’est-à-dire apprendre que nous sommes frères. 

 

 Le Christ bénissant les enfants, 1525 / 1550 (dépôt musée du Louvre)

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