30/04/2010

Qu'est-ce que la gloire de Dieu ? (5ème dimanche de Pâques)

Que veut dire glorifier ? Que signifie que le fils est glorifié ? C’est un vocabulaire qui n’est guère le nôtre. Qui glorifions-nous ? Qui nous glorifie ? Il semble que ce soit une action qui ne soit plus pratiquée. Du coup, pouvons comprendre quelque chose à ces quelques versets d’évangile, d’autant qu’ils sont curieusement découpés pour ne pas dire très mal découpés au point d’empêcher que l’on comprenne le texte.

La gloire, c’est ce que l’on voit ou entend, le bruit que fait quelqu’un ou un événement, l’éblouissement. On en parle souvent dans un contexte militaire ; la gloire d’un général vainqueur d’une bataille, c’est ce qui apparaît de lui, qu’il soit libérateur, héros blessé, stratège avisé.

La gloire n’est pas un objet, elle est l’apparaître d’un objet ou d’une personne et si l’on veut la peindre, on recourt à un artifice, par exemple l’auréole du saint qu’aucun n’a jamais portée mais que l’on ne voit que représentée par les œuvres d’art ou les images pieuses. La gloire, c’est l’apparaître lui-même, le phénomène de l’apparition. Voir Jésus dans sa gloire ne veut pas dire que l’on verrait et Jésus et sa gloire comme le cadre dans lequel il apparaîtrait. Voir Jésus en sa gloire, c’est le voir lui-même comme apparaissant, comme se montrant. La gloire est liée à celui qui est glorifié, c’est lui-même en tant qu’il se montre.

La gloire ou l’apparaître ne sont pas seulement le propre de celui qui est glorifié, c’est aussi ce que reconnaît, ce que voit ou entend la foule qui l’acclame. La gloire c’est autant ce qui émane du héros que ce que lui reconnaissent ses admirateurs.

La gloire se tient entre les personnes dans la reconnaissance de l’une par les autres. C’est l’opinion, fameuse ou l’aura, la réputation qui se dégage d’une personne et que les autres perçoivent. Le contraire de la gloire, c’est le mépris, plus encore l’ignorance. Ignorer l’autre, ne pas même le voir alors qu’il est là, c’est cela le contraire de le glorifier.

Jésus sur la croix, ainsi que le dit le prophète est sans beauté sans éclat. Il est comme celui devant qui on se voile la face. Il est méprisé, compté pour rien. La relation n’existe plus, trahie, défaite, par Judas, par Pierre. C’est le contexte de nos versets. Et dans ce contexte, le Fils déclare qu’il est glorifié, reconnu, remis au cœur de la relation, pour être considéré, pour apparaître tel qu’il est vraiment, en sa gloire. Non plus l’opinion qui pourtant se dit aussi par ce même mot en grec, mais l’estime du Père qui trouve dans son parcours à travers le mépris et l’opprobre, de quoi être lui-même glorifié.

En traversant, en affrontant la mort, Jésus rend au Père de pouvoir être honoré, glorifié. Un Dieu qui laisse la souffrance et la mort régner n’est pas digne. Jésus, par son combat jusqu’à l’agonie contre le mal, rend à Dieu sa dignité, permet à Dieu d’être à nouveau dans la vérité de ce qu’il est, d’apparaître aux hommes dans la vérité de ce qu’il est. Désormais, la gloire de Dieu, c’est le visage du souffrant, non que Dieu aime la souffrance, mais que si l’on peut lui reconnaître une quelconque gloire, c’est d’être au côté de ce qui est méprisé. Ce qu’il y a de faible dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi (1 Co 127), non par dolorisme, mais par solidarité avec le faible, en se désolidarisant du fort pour autant que le fort lui-même n’avait pas épousé la cause du faible, l’avait méprisé.

La gloire de Dieu, ce qui mérite que l’on en parle autant que la manière dont il se montre, dont il apparaît, c’est de se montrer avec le faible, c’est d’être du côté du méprisé.

Voilà comment le Fils glorifie le Père, en montrant Dieu aux côtés du méprisé, en manifestant Dieu aux côtés du défiguré. Et par cette solidarité contre toute apparence, à l’opposé des opinions communes, le Fils vainc la mort, ouvre le chemin de la vie, est glorifié par le Père.

La glorification du Père et du Fils l’un par l’autre ne reste pas une histoire qui ne les concerne que tous les deux. Si la gloire est ce qui arrive entre les personnes, dans ce qui s’offre à voir, leur apparaître, et par ce que reconnaissent ceux qui voient, les hommes, les disciples du crucifié glorifié, témoin du Père de la gloire, sont concernés par cette glorification. Il leur revient pour continuer à voir la gloire de secourir le méprisé car c’est ici que réside la gloire divine. Sans l’amour que nous aurons les uns pour les autres, c’en est fini de la gloire de Dieu, non de Dieu, mais de ce qui se montre à voir.

Le commandement d’amour est pris dans ce qui explique la gloire du Père et du Fils : C’est à l’amour que vous aurez les uns pour les autres que vous serez reconnus pour mes disciples, et donc que le maître apparaîtra dans sa gloire. Le Christ peut bien quitter ce monde, comme il le dit, sa gloire est désormais portée par la communauté de ceux qui ne passeront pas outre ce qui est méprisé, ceux qui verront sur le visage défiguré du méprisé le rayonnement de la gloire du Père et du Fils.

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