30/10/2010

Ce qui est impossible aux hommes est possible à Dieu (31ème dimanche)

L’homme est trop petit. Ce à quoi il est appelé est très grand pour lui. Il tente de monter sur des monceaux d’argent ou sur son sentiment de justice. Le Seigneur lui montre des enfants. Il s’élève en s’appuyant sur son travail ou sur ses œuvres, le Seigneur passe devant un aveugle mendiant. C’est à ceux qui ressemblent aux enfants qu’appartient le Royaume ; et au mendiant il est dit : « retrouve la vue, ta foi t’a sauvé ». Au centre de tous ces épisodes que je ne fais qu’évoquer, on interroge Jésus : « Qui peut être sauvé ? » « Ce qui est impossible aux hommes est possible à Dieu. »

Voilà résumé le chapitre 18 qui précède la rencontre de Zachée. Pour cet homme, pas plus que pour les autres il n’y a de possibilité de salut. C’est en vain qu’il monterait sur ses richesses pour s’élever ; il sait bien d’ailleurs qu’il est de petite taille. Nous autres lecteurs le savons aussi : au début de l’évangile de Luc, le magnificat avait prophétisé, « il élève les humbles, renvoie les riches les mains vides ».

La disproportion de la taille et des richesses de Zachée semble la signature de son injustice. Mais pour l’homme riche du chapitre précédent, qui avait observé tous les commandements, cela n’allait pas mieux, au contraire. L’homme devient tout triste en rencontrant Jésus à la différence de Zachée qui, lui, le reçoit avec joie. Il y a celui qui peut dire « j’ai tout fait » et qui en crève, étouffé ; il y a celui qui ne fait rien, si ce n’est monter dans un arbre, comme un singe, bien loin de l’homme.

Ce faisant, Zachée reconnaît qu’il est petit ; il fait avec sa petitesse, il ne se prend pas pour un juste à la différence de ceux auxquels Jésus pense quelques versets plus haut et pour lesquels il raconte la parabole entendue dimanche dernier du pharisien et du publicain, de l’homme heureux de sa vie et de l’homme qui se reconnaît pécheur. Entre l’homme riche et Zachée, c’est le même écart, le même contraste. Seul changement, ils sont riches tous les deux, très riches. Pourquoi donc Zachée n’est-il pas renvoyé les mains vides ? Pourquoi peut-il entrer dans le Royaume, être sauvé ?

Avec lui, l’impossibilité pour les riches d’entrer dans le royaume, plus radicale encore que celle pour un chameau de passer par le chas d’une aiguille, est contredite. Puisque pour Dieu est possible ce qui ne l’est pas pour l’homme, c’est que c’est Dieu qui est à l’origine du salut. Et n’est-ce pas effectivement Dieu lui-même, « Dieu sauve », Jésus, qui entre dans la maison de Zachée ?

Aujourd’hui. L’adverbe revient deux fois. Actualité du salut qui n’est pas pour demain, qui n’est pas pour la vie après la mort, qui est certes pour la vie éternelle, à condition de comprendre que dans cette existence de chaque jour que nous recevons de la grâce de Dieu, la vie éternelle est déjà commencée. Cet aujourd’hui est celui du Seigneur, c’est lui qui le prononce, c’est lui qui fait de ce temps son aujourd’hui, l’aujourd’hui du salut, l’aujourd’hui de Dieu. Le Seigneur passe en nos vies, et c’est aujourd’hui le temps de la vie.

Et dès que le Seigneur s’adresse à Zachée, celui-ci est debout. Plus besoin d’arbre ni de singerie, la stature de l’homme relevé est atteinte. Avec Jésus, l’homme n’est plus trop petit pour la vie promise. Debout, c’était l’attitude du pharisien qui se croyait juste, c’est celle de l’aveugle mendiant que Jésus vient de guérir. Le pharisien était debout mais encore trop bas, de sa petite hauteur ; le mendiant et Zachée n’ont pas décidé d’avance ce qu’était le bonheur, ils le reçoivent aujourd’hui, sans préméditation, ils sont menés à la générosité de celui qui est don et fait entrer dans la surabondante gratuité. Et Zachée devient aussi prodigue que son sauveur, il gaspille son bien parce que vivre c’est cela, ne plus rien avoir pour ne pouvoir que recevoir.

Vivre grand, à la taille même de Dieu, vivre sans mesure, démesurément, plus qu’immensément, infiniment, éternellement, divinement. Vivre non pas à la mesure de nos vertus aussi grandes soient-elles mais encore trop petites car notre destinée n’est pas humaine, elle est divine, et non pas pour demain, mais pour aujourd’hui. Celui qui singe l’humanité par sa pratique de l’injustice et la confiscation des richesses ne risque guère de croire en ses vertus. C’est si l’on peut dire l’avantage de Zachée sur l’homme riche. La vertu est triste, elle laisse dans un hier désespérément nostalgique, j’ai tout fait et j’en suis mort. Le vice et la débauche sont coupables, mais dans la jouissance qu’ils singent souvent, qu’ils caressent aussi, ils peuvent être le creuset du bonheur.

Jésus veut demeurer chez Zachée lors de son passage. Il passe pour demeurer chez nous. On ne demeure avec lui qu’à passer, à passer aussi par la mort. Dépouillement de notre grandeur, importante ou petite, de nos richesses quelles qu’elles soient. Il élève les humbles.

Textes du 31ème dimanche : Sg 11, 23-26. 12, 1-2 ; 2 Th 1, 11-12. 2, 1-2 ; Lc 19, 1-10

1 commentaire:

  1. Encore merci Patrick pour ces lectures vivantes de la parole vivante. Mgr Rouet a commenté le passage de Zaché au cours de l'ordination de Julien Dupont. Autre lecture fortifiante ! (http://www.poitiers-catholique.fr/images/stories/actualite/HomelieordiJulienDupont_17102010.pdf)

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