21/08/2011

Une Eglise pour faire douter

Périple de quelques jours en Castille. Que de villes magnifiques ! En fond de décor, si je puis dire, les JMJ. De nombreux jeunes croisés dans les rues durant les journées en diocèse, et même après, certaines communautés semblant organiser leur propre rencontre dans leur coin ou des diocèses voisins comme Segovie hébergeant aussi des jeunes.

Chaque jour, le rendez-vous de la messe, que je ne sais pas célébrer seul. Je me débrouille à trouver une communauté à laquelle me joindre. Et en Espagne, ce n’est pas difficile. Célébrer la messe dans des édifices merveilleux comme la cathédrale de Salamanque ou le monastère de las Huelgas à Burgos, ou bien dans des lieux marqués par Thérèse d'Avila comme le Carmel où elle vécut pendant trente ans ou Jean de la Croix, au lieu de son décès, ce n'est pas rien.

On retrouve quelques personnes, plus ou moins petites communautés fidèles, enracinées dans ce devoir de prière qui les fait se tenir là, d’être là. Pourquoi ? Pour quoi ? Pour qui ? On peut se demander. Cette Eglise est moins visible que le million et demi de jeunes de Quatro viento. « Ici, je me tiens. » C’est ce que Ricœur désigne, avec Lévinas, comme l’expression de la fidélité à la parole donnée, au devoir d’humanité. "J’ai dit (souvent pas explicitement) que je serai là, et j’y suis." Voilà ce que ces petites communautés disent. Voilà ce que le Pape a essayé de faire comprendre aux jeunes, car j’imagine qu’en les invitant à rejoindre les paroisses, communautés et mouvement, il s’agit bien de cela, se tenir là où nous sommes convoqués et où nous nous devons de nous tenir, puisque nous nous disons ses disciples.

Je ne sais ce que chacun des membres de ces communautés, prêtres compris, vit de la foi. Il y a la dévotion répétitive, des choses à faire, des Ave ou des répons à enchaîner le plus vite possible, les litanies les plus longues possibles. Peu de silence. Il faut faire. Alors que nous sommes désarmés dans la prière et que c’est peut-être cela la prière, ce désarmement qu'il faut bien accepter, lieu de faiblesse, lieu de pacification. Nous tenir là. Nous l’avons promis au Christ, comme Eglise, en réponse à son commandement : faites cela en mémoire de moi.

Les prêtres que j’ai vu présider tous ces jours ne font pas forcément mal, encore que les deux messes d’aujourd’hui (la première m’avait laissé sur ma faim alors j’espérais en fin de journée corriger le tir mais les deux fois, la messe du dimanche n’a pas duré 25 mn !) ne brillent pas par le sérieux des présidents, par ailleurs, sans doute, des confrères très respectables. Heureusement qu’ils sont attachés à de petits rites secondaires. Cela prend au moins un peu de temps.

Ils apparaissent souvent (plus qu’en France ?) fonctionnaires du culte, opérant quelques gestes sacrés et chargés de la transmission d’un message dont ils disent qu’il fait vivre, mais dont ne voit pas comment il peut faire vivre, eux compris. Répéter que le Pape est le successeur de Pierre suffit-il à faire vivre ? Notre Eglise semble confondre impossibilité du savoir absolu et relativisme. Il faut des certitudes. La foi dit la vérité et il n’y a qu’à appliquer.

Eux et les autres baptisés ont fait ce qu’ils avaient à faire. Ont-ils prié ? Se sont-ils livrés au Christ ? Comment le saurait-on ? Et cela ne nous regarde pas. Cependant, outre leur présence que je soulignais plus haut, ils ne m’ont pas bien aidé à prier. Ou plutôt, ils ont exigé de moi un effort de concentration pour être avec eux à ce que nous devions vivre. Ont-ils donné envie d’être rejoints dans une compréhension incroyablement immense de la vie de l’homme, alors que leurs cérémonies semblent bien rabougries ?

Sur la route ou dans la rue, je me demande ce que ma foi a de commun avec la leur. Je ne veux pas juger. Je ne veux pas les enfermer tous dans le chemin de la dérive religieuse, bien loin de l’aventure de la foi. Leur manière de faire m’ébranle, me fait douter. Si ce sont eux les croyants, le suis-je ? Et toi, que vis-tu ? Est-ce la même chose qu'eux ? Oui, bien sûr. Je suis même heureux d’avoir trouvé des chrétiens et d’avoir pu, bon an mal an, célébrer authentiquement avec eux les saints mystères. Le geste de paix est peut-être le plus fort de tout ce rituel. Et pourtant…

Tous ces gens peuvent-ils ne pas voir que le respect de règles fixées par l’Eglise ou leur piété n’est rien ni de l’amour du prochain, ni du culte dont parle Jésus, notamment lorsqu’il fustige ceux qui rabâchent comme les païens. Certes, l’office du milieu du jour à Silos, la messe à las Huelvas ou devant le tombeau de Jean de la Croix montraient un autre visage, avec, outre les moines et moniales, les mêmes petites communautés locales.

Mais si l'Eglise faisait douter, elle pourrait, à son corps défendant, et malgré l'horreur de son péché, contribuer à édifier une foi qui ne pourrait être certitude.


Illustration : Thomas et le Christ, détail, Silos

2 commentaires:

  1. Et pourtant, cette Eglise peu reluisante, si loin, bien souvent, de ce qu'elle est sensée annoncer, si proche de mon propre péché, je crois bien que ses propres défaut sont une raison majeure pour l'aimer davantage, comme l'un des membres souffrants de Jésus Christ (comme dirait Bernanos...)

    RépondreSupprimer
  2. Vous avez raison, mais comme cela est difficile.

    RépondreSupprimer