17/11/2012

Vivement la fin du monde ! (33ème dimanche)


Il est un certain nombre d’entre nous qu’excitent les prophéties de fin du monde. On vient ainsi d’apprendre que l’accès au Pic de Bugarach serait interdit afin d’éviter les mouvements de foule et de panique le 21 décembre prochain.
Je ne sais qui sont ces gens que le préfet de l’Aude voit venir en foule. La première fois que j’en entendu parler de cette fin du monde – car il y en a d’autres régulièrement annoncées ‑ c’était il y a trois ans à Madagascar. Comme si la crédulité des plus pauvres était captée. Des badigeons de science recouvrent mal l’escroquerie ; le calendrier Maya donne au tout une couleur ésotérique qui appâte ceux qui ne peuvent plus rien espérer de la vie. Sorte de loterie universelle sans ticket payant, la fin du monde fait rêver ceux pour qui la vie est un cauchemar.
On peut hausser les épaules et mépriser tour cela, reste qu’en pensant la fin, on essaie de comprendre le sens de l’aujourd’hui. Si l’histoire humaine à un sens, alors son point d’aboutissement renseigne sur la signification du point où nous sommes actuellement, et la trajectoire entre ce jour et le dernier permet d’orienter sa propre marche.
Personne n’a vécu la fin du monde, comme personne n’assistait au premier jour de la création. Pour parler du début comme de la fin, la description est impossible. Le langage scientifique répond à d’autres questions et fort peu le comprennent. Hier comme aujourd’hui, on a alors recours au mythe. On raconte une histoire à laquelle on n’a pas assisté, on décrit ce que personne n’a pas vu.
Dans les Ecritures, le cosmos est convoqué, dans un cas comme dans l’autre, séparation du jour et de la nuit, du ciel et de la terre, de la lumière du soleil et de celle des étoles. Ce travail d’organisation des éléments qui fait reculer le chaos est la façon dont l’auteur biblique se représente l’origine. Pas étonnant qu’un de ses successeurs, à envisager la fin des temps, démonte son récit, la lune et les étoles chutent, le ciel et la terre sont de nouveau confondus dans des cataclysmes, déluges et raz de marée qui font disparaître la terre ferme sur laquelle nous avions construit nos abris.
Si tout cela n’est que mythe, On devrait pouvoir s’en passer ? Pas si simple. Car s’il est possible de penser que le monde a toujours existé et existera sans fin, cela aussi, nous ne savons le dire aussi que par le mythe. La parole de la raison est toujours un gain sur la fantaisie mythique, mais jamais elle n’existe sans elle, jamais elle ne la fait taire, au mieux peut-elle la canaliser.
Et de fait, si avec la fin du monde nous essayons de dire le sens de l’existence, alors, le mythe est convoqué dès lors que nous posons les questions de l’origine et du but, origine et destinée de la vie, du mal, de l’espérance.
L’observation de la nature enseigne un renouvèlement salutaire, une régénération annuelle fructueuse. S’il pouvait en aller ainsi dans nos vies ! Si l’on pouvait recommencer comme au printemps, de nouveau voir poindre le tendre bourgeon du figuier qui annonce des fruits aux connotations depuis si longtemps érotiques.
Le discours chrétien, le mythe chrétien en appelle à un autre, certes comme nous, mais à un autre tout de même, pour la régénération que nous fait espérer l’horreur de ce monde. Comme un fils d’homme. Le salut n’est pas notre œuvre. Il vient d’ailleurs, d’un autre, et cependant, c’est de ce monde, de cette humanité qu’il provient.
Inutile d’aller au Pic de Bugarach. Impossible de fuir. Il faut surtout demeurer ici et maintenant dans ce monde pour guetter la nouveauté du figuier, pour voir arriver ce Fils d’homme, pour attendre ce fils d’homme. Du coup, la fin n’est pas pour demain ni après demain, ni pour le 21 décembre. Elle est déjà là. C’est déjà maintenant la fin, et ce depuis deux milles ans. Ainsi s’ouvre la lettre aux Hébreux : « Après avoir, à maintes reprises et sous maintes formes, parlé jadis aux Pères par les prophètes, Dieu, en ces jours qui sont les derniers, nous a parlé par le Fils, qu'il a établi héritier de toutes choses. »
Inutile, insensé de fuir. Puisqu’il y a longtemps que nous savons que c’est la fin du monde, ou si nous venons de l’apprendre, il n’y a qu’une chose à faire, se hâter de changer de vie. S’il ne reste qu’un mois à vivre, ou quelques heures, il n’y a qu’une chose à faire, aimer. Arrêtons toute querelle, réconcilions-nous séance tenante, rejetons racisme et toute forme d’exclusion.
la fin du monde serait finalement une bonne nouvelle, si elle nous convainquait qu’il suffit d’aimer.

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