Avec une telle parabole en noir et blanc, opposant le bien
et le mal, il est bien difficile de ne pas se croire immédiatement du bon côté.
Qui d’entre nous revendiquerait d’être le pharisien ? Qui pourrait écouter
sans se sentir agressé un propos qui le rangerait du côté du pharisien ?
Quand on voudrait que l’évangile nous conforte, voilà qu’il nous en met plein
la figure.
Le prédicateur devra-t-il pour ne déplaire à personne faire
croire que tous sont publicains ? Pas certain qu’il se fasse mieux
entendre. Car ces publicains de l’évangile sont ceux que l’on appelle
aujourd’hui les salauds, l’exact opposé de una
muy buena persona ! De sorte que l’on est soit quelqu’un de bien mais
empli de la conscience de soi jusqu’à l’écœurement, soit quelqu’un de
malhonnête que son humilité rachète.
Du coup, ce n’est pas une parabole en noir et blanc, c’est
une parabole en noir et noir. Personne pour racheter l’autre. Comment
voulez-vous que le prédicateur se fasse des amis ? Comment Jésus peut-il
attirer à lui avec de tels propos ? Nous mesurons le politiquement incorrect
de ses paraboles.
C’est que dans ces textes, un chemin est fermé, est dénoncé
comme impossible de façon appuyée. L’homme ne fait pas sa sainteté. L’homme ne
peut être un juste. Seule la contagion du Saint rend saint, autrement dit, seul
le service du frère rend saint puisque c’est à aimer le frère que l’on vit dans
la proximité du seul et trois fois saint.
Pour les hommes c’est
impossible. Et le pharisien est pire que le publicain, non que son crime
soit à la hauteur de la trahison, de l’amour de l’argent ou du sexe du
publicain, mais que le pharisien s’accommode de la vilenie ordinaire au point
de l’ignorer. Il se pense homme de bien. Ce mensonge est son crime, son hypocrisie
sa perte. Il est incapable de tout secours. Il n’a rien à demander, rien à
recevoir puisqu’il peut tout, puisqu’il peut de lui-même être saint, parfait.
Le publicain n’est pas plus humble que l’autre, ou du moins
nous n’en savons rien. Il est seulement dans l’incapacité de tricher avec sa
tricherie. Elle est telle qu’il ne peut la cacher ni l’ignorer. Sa forfaiture saute
aux yeux, on ne voit qu’elle. Heureux est-il, non d’être un salaud, mais d’être
contraint à attendre d’un autre la justice, sa justification, la vie.
Serait-ce que cette parabole nous oblige à nous reconnaître
misérables pour croire en Dieu ? Nietzsche aurait-il raison à dénoncer la
religion du petit homme ? Mais si Nietzsche a raison, c’en est fini de
l’évangile. Car jamais on ne montrera la grandeur de Dieu à diminuer l’homme,
car le dieu du petit homme n’est pas digne d’être Dieu. Le Dieu qui est digne
d’être cru est celui dont les fidèles n’ont pas besoin tant ils ont de
ressources pour vivre bien, bonnement, sans lui. Il est le Dieu d’hommes et de
femmes capables de tout, pour le meilleur et pour le pire, nous le voyons bien ;
capables de tout sauf de se donner ce qu’ils ne peuvent que recevoir.
On a inventé à la fin du Moyen-âge une expression qui
voulait rendre compte de la grandeur de Dieu. Ce monde est tellement bien, bien
fait, qu’il faut le comprendre etsi Deus
non daretur, comme si Dieu n’existait pas. La gloire du créateur, c’est
d’être ignoré !
C’est incroyable. C’est incroyable du moins tant que l’on
reste dans la logique de l’utilité, des préséances, des hiérarchies. Mais si
l’on entre dans la logique de l’amour, alors tout change. La gloire, la joie
des parents ne réside-t-elle pas dans le fait que leurs enfants n’aient plus
besoin d’eux ?
Notre publicain cependant fait encore un pas. Il n’est pas
le publicain, mais celui le publicain qui va au temple pour prier. Et nous
sommes invités à le suivre. Notre publicain se reconnaît en dette. Assurément
le péché est un chemin de la reconnaissance de dette. Le publicain ne nous
oblige pas à le suivre dans sa mauvaise vie, même si notre péché est chemin de
sainteté, pour peu que nous le regardions en fasse et ne nous croyions pas
blanc comme neige, tel le pharisien. Oui, notre péché chemin de sainteté. C’est
du saint Paul, là où le péché s’est
multiplié, la grâce a surabondé.
Il est certes d’autres chemins que celui du péché pour apprendre l’être en dette, par exemple celui de l’action de grâce. Et nous le savons bien nous qui venons faire eucharistie chaque dimanche. La gratuité, l’inutilité de notre Dieu que cependant nous continuons à chérir en est un autre. Nous vivons d’être en dette et la réside notre joie. Le publicain nous indique le chemin de l’être en dette. Notre bonheur est de tout recevoir. Comment pourrions-nous alors ne pas compter sur le Seigneur ? Mais que celui d’entre nous qui n’a jamais péché se bouche les oreilles et que les autres écoutent la béatitude. Bienheureux pécheur qui a trouvé son sauveur. Non pas bienheureux d’avoir fait le mal, mais bienheureux parce que, pécheurs, nous demeurons aimés
Il est certes d’autres chemins que celui du péché pour apprendre l’être en dette, par exemple celui de l’action de grâce. Et nous le savons bien nous qui venons faire eucharistie chaque dimanche. La gratuité, l’inutilité de notre Dieu que cependant nous continuons à chérir en est un autre. Nous vivons d’être en dette et la réside notre joie. Le publicain nous indique le chemin de l’être en dette. Notre bonheur est de tout recevoir. Comment pourrions-nous alors ne pas compter sur le Seigneur ? Mais que celui d’entre nous qui n’a jamais péché se bouche les oreilles et que les autres écoutent la béatitude. Bienheureux pécheur qui a trouvé son sauveur. Non pas bienheureux d’avoir fait le mal, mais bienheureux parce que, pécheurs, nous demeurons aimés
Pour ma part, ce texte me fait dire que je suis les deux. Tantôt pharisien tantôt publicain, et lorsque je passe de l'un à l'autre, au gré des évènements, des mes humeurs, de mes actes, je suis toujours dans une impasse….
RépondreSupprimersoit je me crois le meilleur (donc pas de raison de changer quoi que ce soit), soit je suis un un sale type, qui certes le reconnait, mais ne croit pas en un changement possible, dans le fait qu'il n'ose pas lever les yeux vers le ciel… c'est à dire qu'il ne veut pas affronter un regard qui l'aime… ni affronter une regard qui le jugerait...
Il faut donc une "troisième voie"….
Le chemin que je vois est celui de la gratitude. L'humilité de vivre que l'on a tout reçu et que l'on reçoit tout. (cette humilité n'étant pas rabaissement de soi). Et la reconnaissance que l'on s'y prend bien mal parfois avec ce "donné"…
Quelque part, reçu de "La Vie" où reçu "de Dieu"… c'est toujours un "reçu"...
Il me semble que cette reconnaissance-là ouvre le coeur à donner autour de soi, et même renouvelle la manière de donner.
Reste : le péché !
Ok pour les manquements, erreurs, conneries, faits graves et délictueux etc… Nul ne contestera que ce ne sont pas de bonnes choses !
Mais le péché : est-ce l'acte "mauvais" au regard d'un catalogue du bien et du mal ?
Est-ce le "code pénal" ?
Vous aurez remarqué que mon texte ne parle pas des péchés. J'emploie toujours le mot au singulier. Voilà écartée l'idée de listes.
RépondreSupprimerLe péché, c'est rater la cible, viser à côté. C'est le choix de la mort, de l'autre, de moi, de Dieu. Cela passe sans doute par telle ou telle action ou non action, mais ce n'est pas telle action en tant que telle.
Réponse trop rapide, mais au moins un brin de réponse.
Rapide peut-etre, mais éclairante !
SupprimerJ'ai mis aussi un singulier dans mon commentaire.
Parce que coté "manuel et catalogue de confession" ça me semble tellement ... comment dire... hors jeu ... Même si faire le point sur ses actes est une bonne chose.
Parfaitement d'accord avec les trois derniers paragraphes.Cependant chaque dimanche, si vous voulez, je fais eucharistie, comme vous dîtes, mais en premier lieu je me nourris de l'Eucharistie en même temps bien sûr que je me nourris de la Parole de Dieu.
RépondreSupprimerFaire eucharistie comme vous l'entendez c'est ,me semble-t-il partager la conception qu'ont nos frères réformés de la Cène au cours de laquelle ils se contentent,avec respect,certes, de partager le pain en rendant grâce.
Monsieur,
Supprimerje ne comprends pas comment pour savoir si bien ce que pensent nos frères réformés alors que je ne suis pas certain que vous sachiez ce que pense notre confession. Non que ce que vous dites soit faux, évidemment. Mais que, si je peux me permettre, cela vise trop court.
Je sais bien que l'enseignement anti-protestant de l'eucharistie chez les catholiques, mène à un rétrécissement dont les fidèles ne sont pas responsables.
Mais je pense que ce que vous vivez de l'eucharistie sans être remis en question nullement, trouverait une envergure incroyable à consentir à comprendre les saintes espèces comme métonymie de l'eucharistie et non son expression terminale. Ou bien, si elles sont expression dernière de l'eucharistie, elles ne le sont que comme concentré de ce dont elles sont métonymie.
Dire les choses ainsi est immédiatement soupçonné de relativisation de l'eucharistie. C'est pourtant l'enseignement de notre Eglise.
Puissiez-vous accueillir ses lignes avec l'esprit le plus pacifique. Nos échanges n'ayant pas toujours été des plus simples, je vous prie de croire qu'il n'y a dans ses lignes rien d'autre que ce que je comprends et crois être le coeur de la foi de notre Eglise.
Ce que vous ignorez ,et c'est normal, c'estque ma femme étant de confession réformée je n'ai pas été touché par ce que vous appelez un enseignement anti-protestant.Mes discussions avec quelques pasteurs m'ont confirmé dans le fait qu'il reste un désaccord manifeste entre nos deux confessions,et lorsque je participe à la Cène et que j'entends le Pasteur dire que le pain reste du pain je ne suis évidemment pas en accord avec cette affirmation,même si bien sûr lorsque je communie je ne considère pas pour autant que je mange le corps terrestre du Christ.
RépondreSupprimerPour moi je ne peux considérer l'Eucharistie comme une simple action de grâce.
Il me semble que chez les catholiques lors de la Consécration c'est Dieu qui
prend l'initiative de venir alors que chez les Réformés ce serait plutôt l'inverse:ils mangent le pain et boivent à la coupe en pensant à Dieu et lui rendent alors grâce.Bien sûr, n'étant en rien théologien...
Mais vous savez comme moi qu'il faut se méfier des mots, même si tous les protestants n'ont pas la même théologie de l'eucharistie. Oui, bien sûr, cela reste du pain, et la théologie du changement de substance est surtout là pour sortir des impasses médiévales. Non, les croyants ne broient pas le corps du Christ quand ils mangent le pain eucharistique. Non, le Christ n'est pas plus présent s'il y a deux hosties qu'une, non, on ne déplace pas le corps du Christ quand on déplace la sainte réserve. C'est cela la doctrine de la transsubstantiation.
SupprimerEnfin, une simple action de grâce dites-vous. Oui, c'est Dieu qui se donne, mais l'incroyable, c'est que pour dire merci à Dieu, il faut encore recevoir ce qu'il donne. Pour faire eucharistie, il faut encore tendre les mains.
Et pourquoi une simple action de grâce serait un "pas assez". Il suffit de dire que l'action de grâce est le don le plus grand.
Mais bien sûr que nous sommes sans cesse piégés par les mots,mais justement il me semble qu'en disant comme vous le faisiez la semaine dernière que le lépreux guéri avait eucharisttié le Christ aux yeux de beaucoup vous ramenez l'Eucharietie à une simple action de grâce de notre part,alors que je suis poussé à considérer que dans l'Eucharistie tout vient de Dieu,et que ce n'est pas une simple démarche humaine dont nous aurions l'initiative.Ce n'est pas nous qui allons vers le Dieu trine, c'est lui qui prend l'initiative et qui frappe à notre porteOui il faut tendre les mains,mais pas que les mains,mais tout notre ^étre,,tout notre esprit!
RépondreSupprimerNon ce n'est pas un simple morceau de pain que nous prenons en pensant au Christ,c'est infiniment plus que cela
@ dominique bargiarelli
RépondreSupprimerPourriez-vous préciser à un homme de bonne volonté qui n'est pas chrétien (et donc, si possible, sans jargon religieux ou théologique que je ne comprends pas) ce que signifie la fin de votre commentaire : "c'est infiniment plus que ça. "
Désolé,mais je crois sincèrement que seul quelqu'un partageant la foi chrétienne peut comprendre ce que je veux exprimer,ou alors il faudrait au minimum comprendre que Dieu -Père , Fils et Saint Esprit agissent pendant toute la Messe et au-delà bien sûr,et que celui qui préside n'a strictement aucun pouvoir par lui-même.Je pense qu'il faudrait en discuter pendant des jours et des jours et sûrement pas dans l''espace d'un blog.
SupprimerSi seuls les chrétiens peuvent comprendre les chrétiens, c'est pour le moins de l'ésotérisme, sans doute réduire l'Eglise à une secte. Comme tout cela est terrible pour prétendre sauver la foi...
SupprimerVous connaissez 1 P 3 16 ? Cela peut valoir le coup....
Excusez la faute de frappe, c'est 1 P 3,15 : Soyez toujours prêts à justifier votre espérance devant ceux qui vous en demandent compte. (trad. de la TOB). le verbe justifier traduit la racine qui donne apologétique en français.
Supprimer@ dominique bargiarelli
Supprimeralors évidemment... si celui qui cherche est incapable de comprendre celui qui dit avoir trouvé....
Mieux vaut en effet se taire et ranger l'Evangile dans une armoire close...
J'espérais simplement un témoignage personnel : ce qu'il en est POUR VOUS Dominique...
Ayant une formation à la compréhension de l'autre quel qu'il soit... je me croyais un minimum capable de d'intelligence compréhensible....
Vous préférez me fermer la porte...
Pas de problème, j'irai voir ailleurs...
Voyageur,si je vous ai heurté veuillez m'en excuser car ce n'était pas mon but La Trinité je ne vous cacherai pas que c'est également un problème pour moi,que je ne suis pas à l'aise avec lui comme avec d'autres dogmes comme celui de la transsubstantiation par exemple,et pourtant je les admet et même j'y crois alors que mon épouse est de confession protestante réformée et qu'il m'aurait été si facile de changer de confession...Pour en revenir à la Trinité,il me semble que la lecture du prologue de Saint Jean est une bonne approche.
SupprimerVoyez,contraiorement à ce que vous dîtes au début de votre message,je n'affirme en rien avoir trouvé,absolument pas.;Même si je puis dire que je crois,je me garderai toujours de proclamer Euréka en la matière.
Je pense que seule la prière (et l'intelligence dans une certaine mesure aussi bien sûr) peut aider à comprendre.
Mais j'ai bien conscience qu'en disant cela je ne peux en rien satisfaire un désir purement rationnel de compréhension.
Désolé d'être aussi sec.
Merci, Dominique B, pour m'avoir répondu.
RépondreSupprimerCela me suffit.... Voila, vous avec une foi qui se pose aussi des questions sur ce qui demeure et demeurera "part de mystère" et donc source de contemplation et d'étonnement qui je crois peut nourrir plus qu'on ne le pense.
Là je vous rejoins. Je "contemple" aussi les mystères de "la vie à l'oeuvre" en moi bien sûr, mais aussi chez ceux que je côtoie et qui se mettent "à revivre" alors que parfois tout semble si "perdu"....
"Qui" donc est ainsi à l'oeuvre ?
Je ne vous dirais pas ma réponse...vous la connaissez déjà...
SupprimerBonne route!