31/05/2019

Quand Jésus prie, Dieu n'est plus le même (7ème dimanche de Pâques)


Qu’en est-il de l’historicité de cette prière (Jn 17, 20-26) ? Sans doute pas grand-chose ! Comment l’évangéliste a-t-il pu recueillir les paroles de l’intimité de Jésus avec le Père ? La prière est-elle d’ailleurs d’abord des mots ? N’est-elle pas davantage une disposition de toute la personne, tournée vers Dieu, comme le Verbe, ainsi que le dit le premier verset de l’évangile, est « vers le Père » ? Cette prière est un commentaire de ce verset premier : « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était (tourné) vers Dieu, et le Verbe était Dieu. »
Jean rapporte ce qu’il a compris de l’attitude de Jésus qui est (tourné) vers le Père autant qu’il est pour nous. La prière de Jésus montre l’orientation de toute sa personne vers le Père et, en même temps, son désir d’union avec ceux que le Père lui a donnés.
Le découpage liturgique que nous venons d’entendre, termine la prière par ces mots : « pour que l’amour dont tu m’as aimé soit en eux, et que moi aussi, je sois en eux. » Nous sommes tellement habitués à dire que Dieu est amour que nous ne nous rendons plus même compte de l’énormité de l’affirmation. La mission du Fils se réduit, si l’on peut dire, à une seule chose, manifester, par l’union de Jésus avec « les siens », l’amour dont Dieu nous aime.
Que Dieu aime les hommes, cela n’a rien d’évident, non seulement si l’on parcourt l’histoire des religions ou les discours actuels des religions. Mais dans le christianisme aussi, il semble que l’on n’ait cessé de l’ignorer, qu’il ait été nécessaire de le redécouvrir. Le Traité de l’Amour de Dieu de François de Sales en 1615 et la dévotion au Sacré Cœur (à partir de 1673) ont été des tournants dans ce retour à l’évangile selon lequel « Dieu est amour ».
Cela ne saute pas aux yeux ! On ne voit guère la bonté de Dieu avec tout ce qui arrive de malheur et de mort ! Mais Dieu n’est pour rien là-dedans. Il n’est pas davantage pour le bien que nous pourrions voir. C’est surtout que, si nous croyions pour de vrai que Dieu est amour, nous serions obligés de changer de vie. Si nous continuons à craindre Dieu, à le penser comme un juge inique ou inflexible, prêt à détruire qui s’oppose à lui, c’est que cela nous va très bien parce que point n’est besoin de changer pour un tel dieu-commun. Confesser le Dieu amour, c’est finalement plus radical, plus exigeant.
Dire que Dieu est amour ce n’est pas lui attribuer ce qui serait bon, l’amour. C’est faire de l’amour ce à partir de quoi nous devons nommer Dieu. Pour dire ou savoir quelque chose de Dieu, prenez l’amour pour modèle, sans tout ce qui vient l’abimer ou le détruire. L’amour unit, « ils ne sont plus deux, mais un ». Ainsi Dieu : « Qu’ils soient un en nous, eux aussi, […] comme nous sommes un : moi en eux, et toi en moi. »
« L’amour prend patience, l’amour rend service, il ne jalouse pas, il ne plastronne pas, il ne s’enfle pas d'orgueil, il ne fait rien de laid, il ne cherche pas son intérêt, il ne s’irrite pas, il n’entretient pas de rancune, il ne se réjouit pas de l’injustice, mais il trouve sa joie dans la vérité. Il excuse tout, il croit tout, il espère tout, il endure tout. L’amour ne disparaît jamais. »
Remplacer tout par Dieu : « Dieu prend patience, Dieu rend service, il ne jalouse pas, il ne plastronne pas, il ne s’enfle pas d'orgueil, il ne fait rien de laid, il ne cherche pas son intérêt, il ne s’irrite pas, il n’entretient pas de rancune, il ne se réjouit pas de l’injustice, mais il trouve sa joie dans la vérité. Il excuse tout, il croit tout, il espère tout, il endure tout. Dieu ne disparaît jamais. » Est-ce bien ce que nous pensons et croyons lorsque nous pensons à Dieu ? L’amour est communion. Ainsi, il nous faut penser Dieu. L’amour se donne. C’est ainsi que nous croyons Dieu. Il nous aime gratuitement. C’est pour cela qu’il se donne à nous.
Etre unis à Dieu, ainsi que Jésus prie, c’est pour nous être un avec l’amour. Il nous aime et nous devons nous aimer les uns les autres. Il nous aime pour que nous nous aimions les uns les autres. C’est encore mal dit. Nous nous aimons les uns les autres, et c’est lui. La prière de Jésus nous oblige à changer de Dieu. Quand Jésus prie, Dieu n’est plus le même. Il ne se connaît que là où l’on aime ou désire l’amour. « Qu’ils deviennent ainsi parfaitement un, afin que le monde sache que tu m’as envoyé, et que tu les as aimés comme tu m’as aimé. »

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