25/09/2020

Le Christ Jésus en forme d'esclave (26ème dimanche du temps)

Paul insère dans la lettre aux Philippiens un texte que les spécialistes repèrent comme plus ancien, sans doute connu par nombre des croyants de l’époque. Nous écoutons ce portrait du Christ Jésus le dimanche des Rameaux. La lecture continue des épitres nous donne de l’entendre dans son contexte.

Ce que l’on appelle l’hymne aux Philippiens paraît décrire le chemin du « Christ Jésus », depuis l’éternité du Père jusqu’à sa mort en croix et son retour dans la gloire du Père. Descente et remontée.

Est-il historiquement possible de lire le texte ainsi ? Comment pourrions-nous nous-mêmes imiter le mouvement d’incarnation : « Ayez entre vous les mêmes dispositions qui sont dans le Christ Jésus » ? Faut-il supposer que Paul et ses auditeurs pensent à la préexistence du Christ ? Aucun indice littéraire ne permet de l’affirmer. L’incarnation serait-elle affaire de dispositions, de comportement ?

« C’est divin ! » « Tu as été divine, ce soir ». Ainsi parlons-nous ; un vin, une interprétation musicale, une personne, toujours des situations où l’on se délecte, où l’on jouit de la vie. On exprime ainsi l’excellence, une perfection qui fait goûter la vie. Non pas profiter de la vie, s’en servir, mais la déguster, fruition disait le vieux français. Que Jésus, le Christ Jésus, soit divin en ce sens, n’est peut-être pas dogmatiquement suffisant. Cela n’en a pourtant pas moins de sens. Il fait goûter la vie comme bonne, jouissive.

 L’homme qui « passait en faisant le bien », qui avait « une telle sagesse », l’homme dont le centurion a vu « comment il avait expiré » présente une perfection qui n’est ni morale ni idéale, mais qui donne saveur à la vie. Pourtant il fut et demeure méconnu voire contesté.

Comment est-il possible qu’un tel homme ait été ignoré, conduit à la mort ignominieuse de la croix au point de « n’avoir plus figure humaine » ? Il ne l’a pas ramené. Il n'a rien fait valoir, il ne s'est pas comporté en avare par rapport à ses qualités ou sa manière de vivre. Elles ne lui appartenaient pas parce qu’il vivait comme offert. Il est l’homme pour les autres. Il a choisi la forme d’esclave, serviteur.

Il ne peut vivre qu’incognito, serviteur. Il est « l’incognito du Père ». Il se donne parce que c’est ce qu’il est. C’est ainsi qu’il envisage la vie, devant et avec Dieu, avec et au milieu des hommes. Par lui, la vie n’est pas seulement vallée de larmes, mais jardin des délices. Son nom ‑ un nom qui est une vie, une manière de vivre avec sagacité, une sagesse pratique ‑ est un chant à la gloire du Père, parce que l’univers entier jouit par lui de la vie en abondance.

Paul invite les baptisés à emprunter ce chemin : « Ayez entre vous les mêmes dispositions », sentiments, comportez-vous comme, ayez la même astuce pour vous comporter que le Christ Jésus. Ne pas la ramener, s’oublier jusqu’à se vider de tout ce qu’on est. Vivre en forme d’esclave. Quand ainsi on se vide quitte à s’écraser ou être écrasé, il est possible à l’univers de reconnaître le Père.

Qui cependant revendique la forme d’esclave, vivre sous forme d’esclave ? C’est l’inverse qui se passe dès le jardin des commencements. L’homme et la femme, à la ressemblance de Dieu, prennent le fruit, s’en servent pour « être comme des dieux ». Le portrait de Jésus donné en exemple aux Philippiens n’est pas une exhortation à la vie morale. Il est chemin d’une source où la vie se puise bonne avec et pour les autres.

Tu veux connaître Dieu ? Sers. Tu veux parler de Dieu, l’annoncer ? Sers. Tu veux un monde où il fasse « bon pour les frères de vivre ensemble et d’être unis » ? Sers !

C’est la vocation de l’humanité d’être fraternité. Jésus est le nom qui ouvre la fraternité universelle, et c’est la gloire de Dieu. Nous célébrons la journée des migrants et réfugiés, il y a urgence : Ayons la même sagacité que le Christ Jésus, lui, divin, vécut dans la forme du serviteur.

 

 

 

Seigneur, nous voici devant toi. Dans le silence de nos cœurs, dans le silence de notre assemblée, nous te confions tous ceux qui ont quitté leur pays pour échapper à une mort certaine, pour fuir la guerre et la violence ou tout simplement pour accéder à une vie meilleure.
Sur le trajet, certains sont morts, notamment noyés en Méditerranée. D’autres sont victimes des passeurs ou réduits en esclavage comme en Lybie. Privés de liberté et de dignité, ils s’entassent dans des camps, en Grèce, à la porte de l’Europe. Des camps ont pris feu il y a peu. Les pays européens laissent l’Italie, Malte et la Grèce se débrouiller ou payent la Turquie qui pourtant devient toujours plus un adversaire et de l’Europe et de la démocratie.
Parmi nous certains sont disposés à accueillir ces personnes venues d’ailleurs. D’autres pensent au contraire qu’il faut encore durcir les lois et réduire les possibilités d’accueil.
Nous voici en silence devant toi, en te confiant ces femmes, ces enfants, ces hommes qui ne sont pas seulement des migrants, mais des frères et sœurs que tu nous as donnés, toi, le Père de tous.

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