13/09/2024

La confession de foi comme sacrilège (24ème dimanche du temps)

 

Kike Chumillas, Va de retro, 2017, Acrylique, Encre sur panneau synthétique, 65x54cm*

 

A en croire l’évangile (Mc 8, 27-35), il y aurait quelque chose de diabolique à confesser le Christ, à croire que le confesser installe dans le vrai et l’infaillible, que le défendre est conforme à ses penser. Vade retro, Satana ! Il est si facile de mettre une étiquette sur le front de Jésus, y compris la bonne ‑ pour autant que le qualificatif soit sensé ‑, et de se laisser mener par le bout du nez par nos rêves les plus contraires à la foi en lui.

Dire Christ signifie, du moins avec Jésus, premièrement, tout autre chose qu’une affirmation, mais un changement de vie. On se moque des confessions de foi même les plus élaborées si elles ne sont l’expression de vies converties, à la suite de Jésus, le converti du Père, celui (qui est tourné) vers Dieu, comme dit le Prologue de Jean. Nommer Dieu ou son Christ n’est pas une affaire de paroles, parce que, comme le dit Thomas d’Aquin, à strictement parler, Dieu n’a pas de nom. Un nom ne convient qu’à ce qui appartient à l’ordre du monde. Jésus est le nom de cet homme, né de Marie. Christ fait signe, dans le lien que nous avons avec Jésus, vers quelque chose de son lien au Père ; et ce lien est innommable.

On passe si vite de l’innommable qui ne peut être nommé à l’innommable abject, parce que, sans changement de vie, les paroles non seulement s’opposent aux actes, mais elles sont sacrilèges ; elles prétendent dire vrai et défigurent celui qu’elles désignent, pire que ne pourrait le faire n’importe quel ennemi de la foi. Par le hasard des lectures continues, la lettre de Jacques (Jc 2, 15-18) donne les mots pour qualifier une telle foi : elle est morte. Elle pollue des germes de décomposition toute eau que l’on y boirait et tue.

Dire Christ signifie, du moins avec Jésus, deuxièmement, renoncer à l’image infantile de Dieu, celle de la toute-puissance préœdipienne, le dieu pervers comme dit Maurice Bellet. Le Dieu de Jésus et son Christ manifestent leur puissance dans le refus de recourir à la puissance. Et il faut être fort pour choisir la voie des béatitudes, doux, miséricordieux, amoureux, gratuité, grâce, pur don par amour de l’autre.

Aimer l’autre pour lui est le chemin qui, loin de toute récompense, rétribution ou calcul, ouvre la vie heureuse, celle que tous cherchent, parce « nous voulons tous être heureux ». Le do ut des, « je donne pour que tu donnes » est inepte en ces matières. Si l’on veut de la réciprocité, c’est l’inverse, : je reçois pour que tu reçoives.

La première lecture (Is 50, 5-9) témoigne que ce que Jésus enseigne comme Christ n’est pas une invention. Elle est la source, toujours obstruée par la volonté de puissance, d’où la vie sourd, souvent goutte-à-goutte, voire suinte seulement.

Nous passons habituellement en pertes et profits notre péché ; il n’aurait pas de conséquence sur la véracité de la confession de foi. Les scandales des agressions sexuelles de l’abbé Pierre et de tant de ceux qui étaient ordonnés à la conduite de la foi montre à l’envi ‑ et l’on s’en serait passé ‑ combien est destructrice de la foi, diabolique, semblable nomination. Comme aucun n’est exempt de mal commis, la confession de foi doit inventer une manière de n’être pas sacrilège : Ne pas la ramener, faire et ne pas se montrer, la fermer et l’ouvrir uniquement si nos paroles disent en acte « je t’aime ». Faire de la vie un "je t’aime".

La charité n’est pas une conséquence de la foi, laquelle disparaîtra, à en croire Paul. Elle est la vie même selon le Christ Jésus parce que « Dieu est amour ». Nous nous moquons d’avoir raison par les mots si toute notre vie dit le contraire. L’Eglise se passerait bien de ce genre de membres. Nous ne voulons ni d’artistes, ni de hérauts de la charité, ni de théologiens poètes lyriques ou virtuoses de l’abstraction, ni de priants édifiants, s’ils ne se taisent d’abord à savoir combien ils ratent la cible, ils sont pécheurs, quand il s’agit de mettre leurs pas dans ceux du Seigneur.

Il n’y a aucune méthode d’évangélisation ou de christianisation. Ce sont toujours des manières pour éviter de se convertir, divertissement pascalien, pire mensonge qui évite aux disciples de se laisser véritablement convertir, reflets de la sainteté de celui qu’ils confessent Christ, fils du Dieu vivant.

 

 *Va de : se montrer pour (ce qu'on n'est pas) / Vade retro : passe derrière moi 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire