18/07/2025

Ecouter, quel job ! Lc 10, 38-42 (16ème dimanche du temps)

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Je ne suis pas certain de savoir me renouveler dans la lecture de Marthe et Marie, et cela depuis déjà plusieurs années, tout particulièrement une séance de caté, avec des CM2. Qui est la servante dans le texte que nous venons de lire ? Marie, bien sûr ! C’est elle qui est assise comme une servante aux pieds de son maître, le Maître. Quant à Marthe, elle ne fait que donner des ordres et adresser des reproches à celui qu’elle appelle Seigneur, alors même que c’est elle qui a l’autorité. Elle reçoit Jésus dans sa maison. Une servante n’a pas de chez soi, encore moins pour y recevoir quelqu’un, surtout le Maître.

Une fois les yeux en face des trous, une fois l’évangile remis à l’endroit alors que tant de commentaires depuis longtemps le lisent à l’envers, à tort et de travers, on est pris de vertige. Comment avoir raison contre la tradition de lecture ? Et que dire, si ce n’est constater que ceux qui se disent au service sont dans l’Eglise les maîtres. Subversion du vocabulaire même, lorsque le ministère est magistère, lorsque les ministres, les petits, ont le pouvoir sur le corps du Christ, eucharistique et ecclésial ? Comment ne pas voir que sous prétexte de recevoir le Seigneur et le servir, on le plante au salon, et on s’enferme dans la cuisine, histoire de ne pas entendre, de ne pas écouter, assurés cependant qu’on est là pour lui.

C’est quoi, ces pères de famille, chrétiens déclarés, qui, avec leur épouse, ont tout donner pour leurs enfants, mais règnent en despote domestique ? Qui sert qui ? On ne va pas béatifier d’un seul coup toutes les femmes en raison de leur sexe, mais enfin, combien ont été et sont servantes domestiques pour que la famille soit si belle ? J’ai tout fait, j’étouffais !

La lecture commune du texte ‑ phallocrate, les femmes à la cuisine – décrit ce que vit l’Eglise qui ne se rend même pas compte de la dénonciation exprimée. Rien ne renverse la conviction que c’est Marthe qui est au service ! Et avec l’Eglise, les sociétés qui exploitent les femmes et refusent une égalité effective. On dira que les choses changent. Oui, si vous voulez, mais si lentement, mais pas de partout, mais avec tellement de contre-exemples.

Voir dans la posture assise de Marie l’action la plus déterminée et exigeante, celle que l’on attend des domestiques. Nous avons du mal ? Est-ce qu’à regarder Jésus, le serviteur, on ne verrait pas mieux ? Or cet homme, ce que l’on retient de lui, dans le credo, c’est sa naissance, où il ne fait rien puisqu’une autre Marie le met au monde, et sa passion, bien nommée, souffrance sans doute aucun, mais aussi passivité. Mais qui dirait qu’il est passif ? Souvent ‑ ainsi sommes-nous ‑ nous voyons mieux quand il s’agit d’un homme. « Voici la servante du Seigneur. Qu’il m’advienne selon ta parole. » disent toutes les Marie.

Jésus écoute. Il écoute son père, il écoute les gens. « Il écoute, attentif à leur cri » comme dit le psaume. Marie écoute. Et écouter est une activité de service. Ecouter, c’est prendre soin. Elle n’écoute pas une leçon de catéchisme. Jésus n’est pas en train de faire un cours de théologie, fût-ce de théologie spirituelle, mystique. Elle écoute Jésus. Nous ne savons pas ce qu’il raconte. Peut-être sa fatigue, ou sa joie de la voir et de profiter d’un moment de repos, ou sa colère devant le mal, surtout l’hypocrisie des bien-pensants, ou son admiration devant la bonté de la veuve et sa piécette, devant la foi de tel ou telle, etc. Elle l’écoute, comme il est, qui il est et l’accueille, non en sa maison, mais en son cœur.

Et même si Jésus lui apprenait le catéchisme ‑ ce qui est risible, n’est-ce pas ‑ Marie lui rendrait service. Aucun maître n’est maître sans quelqu’un pour écouter et apprendre. Son écoute permet à Jésus d’exister. Combien crève de n’avoir personne pour qui exister ?

Ecoute d’une parole vive, de la vivacité de la parole, d’une parole de vie, d’une parole qui donne la vie. Et cela, c’est du boulot. Ça devrait se voir, une vie transformée par la parole de vie. Vous en voyez beaucoup ? Sommes-nous à l’écoute ou claquemurés dans la certitude de notre cuisine, à faire notre petite cuisine ?

Pour ceux d’entre-nous qui essayent de transformer leur vie selon cette parole, de vivre de cette parole (non par une profession verbale de la foi mais dans les actes), pour ceux donc, entre-nous ou ailleurs, qui essayent de changer de vie à l’écoute d’une parole, quel job !



D. Vélasquez 1618 C'est une servante, une vieille femme, qui montre à Marthe ce qui se passe dans la pièce d'à côté, où elle est aussi représentée, en présence de Jésus et de Marie. Une Jean-Baptiste qui tend le doigt pour désigner le Christ. Le service occupe toute la place, du moins les richesses de la table de Marthe. Le pilon d'argent devient la coupe pour laver les pieds dont Marie se sera sans doute servie pour accueillir Jésus.

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