30/11/2013

Pour commune qu'elle soit, la haine n'est pas notre avenir (1er dimanche de l'Avent)

Rêver d’un monde meilleur, qui ne l’a pas fait ? Mais si ce monde que nous rêvons est hors d’atteinte, n’est-il pas préférable de le renvoyer pour après la mort, quand plus rien ne permettra d’en vérifier la réalité ? Et de fait, les chrétiens ont été accusé de construire un arrière monde qui les autorisait à mépriser ce monde-ci.
Le retour du Seigneur, c’est pour quand ? Pour aujourd’hui ou pour demain, après la fin, lorsque nous tous serons morts ? Nous proclamons dans le credo qu’il y a une vie éternelle. Reste à savoir si la vie éternelle, c’est la vie après la mort, ou si, dans cette existence de chaque jour que nous recevons du Seigneur, cette vie éternelle est déjà commencée.
Pourquoi donc cette incertitude sur la vie éternelle, sur le monde nouveau et meilleur ? L’évangile ne répond pas, mais confirme l’incertitude. Les gens ne se doutent de rien. « Tenez-vous donc prêts, vous aussi : c’est à l’heure où vous n’y penserez pas que le Fils de l’homme viendra. »
Dans la catéchèse, dans ce que l’on raconte aux enfants, surtout en famille, la vie éternelle se situe après la mort. La vie éternelle est la réponse à la question à laquelle personne ne sait répondre, parce que personne ne sait y répondre : « Qu’est-ce qui se passe quand on est mort ? » Et pour faire bonne mesure, nous racontons que l’avent, c’est pour se préparer à Noël. Mieux vaut parler de naissance que de mort, c’est plus gai ! Mais voilà, rien dans les textes d’aujourd’hui ne parle de Noël et tout pose la question d’un monde nouveau.
Certes, quand la vie n’est pas trop agressive, violente, quand on peut réussir sa vie, plus personne n’attend vraiment un monde nouveau. Lorsqu’un pays donne l’impression de vivre en paix depuis soixante-dix ans, qui rêve de ce que cesse la guerre ? Pourtant, notre pays n’a pas arrêté d’être en guerre depuis soixante dix ans, en Indochine, en Algérie, lors des nombreuses interventions en Afrique, en Afghanistan, au Proche et au Moyen Orient, sans parler de la guerre mené par et contre le terrorisme.
Il y aurait bien de quoi faire nôtre l’espérance prophétique. « De leurs épées ils forgeront des socs de charrue, et de leurs lances, des faucilles. On ne lèvera plus l'épée nation contre nation, on ne s’entraînera plus pour la guerre. »
A regarder notre monde, nos sociétés, nos communautés ecclésiales, nos familles, notre propre cœur, nous sommes désespérés. Le cri de Paul VI à la tribune des Nations Unies en 1965, repris des mouvements pacifistes après la première guerre mondiale, nous paraît une douce illusion, bien loin des vrais problèmes : Plus jamais la guerre !
Alors, quel sens y a-t-il à lire le prophète Isaïe ? D’autant que dans le pluralisme de la mondialisation, la loi du Seigneur ne saurait plus faire l’unanimité ; elle est plutôt source de nouvelles violences. L’évangile est moins utopique, qui nous met la violence sous le nez, qui raconte la venue du fils de l’homme sur le modèle de la catastrophe diluvienne.
La venue du Fils de l’homme, l’avent du Fils de l’homme, inscrit dans notre monde, non la fuite vers un arrière monde, mais une impossible résignation. Elle renvoie dos-à-dos la désertion et le cynisme désabusé. Dans les deux cas, il n’y aurait rien à faire, puisque le vrai monde serait ailleurs ou puisque de toute façon, on ne pourrait rien faire, rien changer. La venue du Fils de l’homme met un pied dans la porte du désengagement, du découragement, ou du laisser-faire coupable. Pour commune que soit la haine, elle n’est pas notre avenir.
Voilà peut-être la bonne nouvelle qui nous est donnée à entendre ce matin. Pour commune que soit la haine, elle n’est pas notre avenir. Notre avent est ailleurs, justement dans la venue du Fils de l’homme. Nous attendons la vie éternelle, mais elle est déjà là s’il est établi que la haine n’a pas le dernier mot. Nous attendons le Fils de l’homme, mais il est déjà là s’il est sensé que nous nous engagions pour la paix. C’est parce qu’il est nécessaire, contre toutes nos guerres, en nous, en famille, dans la société, dans l’Eglise, dans le monde, de renoncer au fatalisme de la violence que l’évangile et la foi trouvent leur validité.
Jamais tous les pays ne monteront à la montagne de Sion pour entendre la loi du Seigneur, ils n’y sont d’ailleurs jamais tous montés. L’unanimité religieuse semble n’être possible que par la violence, ce qu’à raison, nous rejetons. Mais c’est pourtant bien la loi du Seigneur qui nous enseigne l’engagement pour la paix, à être des artisans de paix.
La venue du Fils de l’homme, son avent, qui est notre avenir, fait retentir un cri qu’il nous faut faire résonner encore et toujours : la haine n’est pas notre avenir.

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