La traversée de la mer (Ex 14). Lisez le texte ne serait-ce
qu’à des CE2, pour beaucoup, ça ne passe pas. Je pense à ceux qui vont au caté.
Alors, vous imaginez les autres ! La mer ne s’ouvre pas ainsi, avec un
bâton, pour former deux murailles. J’ai entendu cela de mes oreilles, il y a à
peine quinze jours. Ce qui est bien avec les enfants, c’est que les censures ne
sont pas encore totalement en place et que l’on peut entendre ce qu’ils
pensent, ou répètent. La traversée de la mer, cela ne passe pas.
Cela tombe bien, parce que ce n’est pas ce dont parle le
texte. Mieux, le texte en rajoute si évidemment qu’il interdit qu’on le
prenne pour le compte-rendu technique d’une bataille. Pharaon, ses chars, ses
guerriers et toute son armée ont-ils historiquement péri dans la mer ?
Tout a été inventé pour rendre compte, tout en gommant le miracle, de
l’historicité de ce texte, raz-de-marée, passage par des marécages, histoire de
fugitifs qui se racontent leur fuite réussie, où des poursuivants sont morts
dans la mer ; à se la répéter de génération en génération, quelques-uns sont
un peuple, Israël, quelques Egyptiens tout une armée, Pharaon compris.
La liturgie ne donne pas à entendre tout le texte et empêche
de le comprendre. Juste avant ce que nous avons lu, on rapporte que « les Israélites eurent grand-peur et crièrent vers le
Seigneur. Ils dirent à Moïse : "Manquait-il de tombeaux en Égypte,
que tu nous aies menés mourir dans le désert ? Que nous as-tu fait en nous
faisant sortir d'Égypte ? Ne te disions-nous pas en Égypte :
Laisse-nous servir les Égyptiens, car mieux vaut pour nous servir les Égyptiens
que de mourir dans le désert ? »
Rendez-vous compte ! Ils étaient esclaves et massacrés,
mais c’était mieux avant. Le bon vieux temps ! Ils préfèrent servir les
Egyptiens que mourir dans le désert. Autrement dit, ils préfèrent mourir
esclaves que mourir libres, ils préfèrent mourir que mourir. Et cette ineptie
est profession de non-foi. Car c’est Dieu que l’on sert et eux préfèrent « servir
les Egyptiens ». La servitude volontaire a toujours séduit plus que l’âpre
vie de la liberté.
A la fin du texte, nous avons entendu : « Le peuple craignit le Seigneur, il mit sa foi dans le
Seigneur et en Moïse son serviteur. » Profession de foi.
Que s’est-il passé
entre-temps ? Comment passer de la non-foi à la foi ? Une expérience
de salut. Le peuple est sorti de la mort. Il ne s’attribue pas cette
résurrection, mais au Dieu que Moïse sert. La peur est grande, parce que l’on
ne traverse pas la mer en touriste, on y perd beaucoup. Tous les Egyptiens sont
morts, « il n’en resta pas un seul ».
Dans la mer, le peuple est mort au péché, au mal, pour vivre
libre et confiant, libre et croyant, c’est la même chose. Les Egyptiens sont
morts, tout ce qui nous empêche la vie, la liberté, la confiance et la foi.
Mais c’est terrible, parce que nous les aimions bien, on préférait même les
servir ! Dieu nous a menés là où l’on ne pouvait imaginer vivre, là où
l’on ne voyait que mort ‑ c’est le comble ! ‑ aux chemins de la
vie, de la liberté, de la confiance et de la foi.
Le récit de la mer n’est pas le compte-rendu technique d’une
bataille, il est le mode d’emploi de la conversion, comment fait-on pour passer
de la non-foi à la foi, c’est-à-dire de la mort à la vie, de l’esclave à la
liberté. Non plus esclaves du mal mais serviteurs libres et vivants du Dieu de
la vie, du Dieu vivant. C’est un baptême, une résurrection. Etre croyant, disciples
de Jésus, c’est se fier à celui qui veut nous libérer de la mort, des
esclavages et servitudes, du mal. Etre croyant, c’est vouloir servir le Dieu
qui renverse le mal. Et comment le servirions-nous à vouloir encore et toujours
servir les Egyptiens ? Comment le servirions-nous autrement qu’à rejeter
le mal ?
Nous voulons en finir avec le mal, dans notre vie ‑ notre péché ‑ et autour de nous. Consentirons-nous à tuer nos Egyptiens,
ce qui nous empêche de croire, de vivre et d’être libres ?
Préfèrerons-nous mourir sous leurs coups ? De la servitude volontaire,
petits arrangements parce que la vie et la liberté effrayent, c’est si grand,
trop. Dieu nous y conduit.
En cette nuit très sainte où nous renouvelons notre baptême ‑ est-ce
autre chose célébrer la résurrection du Seigneur ? – choisissons la
vie !
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