On parle de nouvelle évangélisation depuis des années. Nombre de diocèses s’interrogent sur les méthodes d’évangélisation et
lorgnent sur ce qui se passe outre-Atlantique, notamment vers les évangélistes
qui font baver d’envie tant leurs succès paraît évident.
Tout cela me laisse plus que perplexe. Dans une société
mondialisée et technico-scientifique, une société de l’univoque, du ça marche
ou ça ne marche pas, c’est utile ou ça ne sert à rien, les religions me
paraissent devoir être minoritaires, toujours plus et pour longtemps. La
superstition ne disparaitra pas, fût-ce sous la forme des fake-news, mais contrairement
à ce que chantait l’Action Catholique dans l’entre deux guerres, nous ne referons pas chrétiens nos frères.
L’envie, si ce n’est la jalousie, suscitée par les
évangélistes pourrait être mauvaise conseillère, voire péché. Faire du nombre
est-ce bien ce qui importe ? Les méthodes pour annoncer l’évangile
seraient-elles mauvaises ou dépassées ? Le penser évite de se remettre en
question plus radicalement. Et si c’était le manque de conviction de l’Eglise
qui était en jeu. Les catholiques pratiquants réguliers ont-ils effectivement
le souci de l’évangélisation, non comme un refrain incantatoire mais en étant
« disciples missionnaires » ?
Plus encore, notre Eglise, par notre péché et ses limites
institutionnelles ne peut qu’être facteur de déchristianisation. Bien sûr, il y
a la pédophilie, mais aussi la médiocrité de ce que nous vivons, le ronflant
des cérémonies, des titres et des costumes, la vacuité de nombre de discours et
homélies, le positionnement d’opposition dans la société. Mais non, tout va
très bien, nous n’avons pas à nous interroger, seulement à haranguer une
société qui se détourne de la vérité, de ce qui fait vraiment vive. France Culture qui offre une tribune aux divagations
de Michel Onfray, mettait pourtant à la une de son site la semaine passée la
religion comme rempart contre une société en perdition, des enfants suspendus à
un écran !
Alors l’évangile de ce jour, les marchands chassés du
temple, prend un relief et une actualité particuliers. Détruisez ce temple. Détruisez ce qui représente le religieux,
détruisez le religieux. Je le rebâtirai,
en trois jours. Et nous l’avons rebâti… depuis des siècles.
Car le temple dont parlait Jésus, ce n’était pas un nouveau
culte, de nouveaux espaces sacrés, temples ou églises, une nouvelle religion
plus vraie que la précédente. Certes, « le temple de Dieu est sacré »
mais « ce temple, c’est vous ». Le temple c’est le corps de
Jésus, et donc chacun avec les autres, à commencer par ces petits qui sont les
siens. Le culte nouveau, c’est le lavement des pieds, le service des frères. Le
psaume le savait déjà : « Écoute, mon peuple, j'accuse, Israël, et je
t'adjure, moi, Dieu, ton Dieu. Ce n'est pas tes sacrifices que j'accuse, tes
holocaustes sont constamment devant moi. […] L'impie, Dieu lui déclare
"Que viens-tu réciter mes commandements, qu'as-tu mon alliance à la
bouche, toi qui détestes la règle et rejettes mes paroles derrière toi ?
Si tu vois un voleur, tu fraternises, tu es chez toi parmi les adultères ;
tu livres ta bouche au mal et ta langue trame la tromperie. Tu t'assieds, tu
accuses ton frère, tu déshonores le fils de ta mère. Voilà ce que tu fais, et
je me tairais ? Penses-tu que je suis comme toi ? Je te
dénonce." »
Ils sont pourtant nombreux les chrétiens à revêtir la tenue
de service, mais ce n’est pas comme cela que l’Eglise est connue. On pourra
toujours dire que c’est la faute aux média, aux ennemis de la foi. Mais tant
que la charité ne sera pas ce qui définit spontanément et évidemment les
chrétiens, surtout aux yeux des non-chrétiens, la nouvelle évangélisation sera
une gesticulation hypocrite et stérile, une distraction comme dirait Pascal. Et
que l’on ne vienne pas dire que l’Eglise n’est pas une ONG ! C’est le
commandement du Seigneur, précisément en ce chapitre du lavement des pieds, ou
encore au chapitre 15 du même évangile de Jean : « Ce que
je vous commande, c'est de vous aimer les uns les autres. »
Nous connaissons par cœur l’évangile des marchands chassés
du temple, mais pour nous asseoir dessus. C’est une dénonciation du temps de
Jésus qui ne nous concernerait pas. Non, la condamnation du religieux est sans
appel dans l’évangile. Le business ecclésial mérite le même sort que les tables
des changeurs. Que notre foi soit d’abord et principalement service des frères.
C’est encore le chapitre du lavement des pieds qui donne la règle de l’action
missionnaire : « À ceci tous reconnaîtront que
vous êtes mes disciples : si vous avez de l'amour les uns pour les autres. »
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