Is 61, 1-3a - Ps 88,
2-3, 6-9, 16-17 - Ph. 1, 20c-24 - Mt 25, 31-40
Nous voici rassemblés comme chaque dimanche pour célébrer la
mort et la résurrection du Seigneur jusqu’à ce qu’il revienne. Mais ce dimanche,
c’est aussi la fête de saint Martin, patron de notre église. Nous avons écouté
les textes de cette fête. Et ce dimanche, c’est encore, jour pour jour, le
centième anniversaire de l’armistice de la guerre qui saigna la France, l’Allemagne
et pour la première fois une bonne partie du monde. Alors que dans tous les
villages et villes de France, les citoyens se rassemblent pour commémorer la cessation
des hostilités ‑ et nous étions nombreux avec eux, il y a quelques
instants ‑ c’est maintenant pour nous, disciples de Jésus, le service
urgent, le ministère de prier pour la paix. Tout affaire cessante, nous sommes venus
implorer, ensemble et liturgiquement, le Prince de la paix.
Nous le savons, l’armistice de 1918
n’a pas été ferment de paix. Il a au moins mis fin à l’une des guerres les plus
meurtrières, de l’ordre de dix-huit millions de personnes. Il n’est que de passer
dans le moindre des villages français pour y trouver un monument aux morts.
Pour une petite ville de deux milles habitants en 1911, ce sont quatre-vingts hommes
morts au front, sans compter les victimes civiles, sans compter les blessés,
sans compter ceux qui moururent des conséquences immédiates de la guerre.
Quelles sont les familles qui n’eurent pas leur combattant, qui
n’eurent pas leurs victimes ? La commémoration de l’armistice nous engage
à agir pour la paix. Nous n’avons pas en main la
destinée des peuples, mais un bulletin de vote. Il faudra voter dans quelques
mois pour les européennes, dans un an pour les municipales. Nous le savons,
tout nationalisme exclusif, qui prétend défendre notre identité, est un mensonge
mortifère, porteur de violence ; accréditer ce mensonge est criminel. La
destinée des nations est désormais, que l’on veuille ou non, qu’on le regrette
ou non, une destinée commune. Nous ne pouvons vouloir la paix et agir pour le
repli national. On peine à trouver une prière de la Grande guerre qui ne soit pourrie
par le nationalisme. C’est, en une immense proportion, entre chrétiens que l’on
s’est massacré… Les migrations, l’Europe, c’est notre destin, que cela nous plaise
ou non. Comment en ferons-nous, avec la démocratie, des chances pour la paix ?
Que notre foi nous garde des ferments de guerre et de haine.
Martin a été, semble-t-il, obligé d’être soldat. Si les
militaires se comprennent sentinelles de la paix, la violence, dont ils sont aussi
les victimes, est rendue possible, ou pour le moins, multipliée par les ventes
d’armes. Que de temps et d’argent dépensés à préparer la guerre ! Je n’ai
pas la naïveté pacifiste de penser que pour garantir la paix, il suffirait de
refuser d’armer un pays. Mais enfin, nous consacrerions à la paix la moitié de ce
que nous dépensons pour les armes, notre monde ne s’en porterait-il pas mieux ?
Nous consacrerions à la lutte contre la corruption et l’exploitation de l’Afrique
la moitié de ce que nous dépensons à la lutte contre la migration, notre monde
ne se porterait-il pas mieux ?
Martin, lui, n’a pas été l’homme de la demi-mesure. S’il ne
donne que la moitié de son manteau, sa doublure sans doute, c’est qu’il donne
tout ce qui lui appartient. S’il se met au service du Seigneur, ce n’est pas à
moitié, mais en s’engageant à l’école du cloître, de la pauvreté puis au
service, au ministère du peuple chrétien, lorsque celui-ci le fait évêque. Il
meurt il y a mille-six-cent-vint-et-un ans, presque jour pour jour, le 8
novembre 397. Celui qui évangélisa la Gaule était un migrant, venu de Hongrie.
A accueillir les étrangers, Abraham avait reçu des anges, et les Gaulois un père
dans la foi.
Pour vivre en disciples, il n’y a
pas d’autre chemin que celui de la charité. L’amour des frères, de tous, est
missionnaire, est évangélisation. Certes, la générosité attire, mais plus encore,
c’est à visiter les frères malades ou en prison, à les vêtir ou les nourrir,
que l’on veille sur le Christ et en est ainsi l’index. Chaque fois que nous l’avons
fait ou pas à l’un de ces petits qui sont les siens, c’est à lui que nous l’avons
fait… ou pas.
Oui, il est sensé
de s’attacher au Christ en se donnant aux hommes et aux femmes, à commencer par
les plus pauvres. Oui, c’est bien le Christ que nous servons à servir les
pauvres. Pour ne pas mentir et trahir à fêter saint Martin, que chacun d’entre-nous
s’interroge sur son service des pauvres, des autres, et prenne les décisions
qui s’imposent.
La charité est
union avec Jésus, la charité est union mystique. Qu’ils dénigrent l’action humanitaire
les cathos qui refusent que l’Eglise soit une ONG ! La charité demeure lieu
de la rencontre avec Jésus. Chaque fois que nous l’avons fait à l’un de ces
petits qui sont les siens, c’est à lui que nous l’avons fait. Ainsi
pourrons-nous dire comme Paul, « pour moi, vivre, c’est le Christ. » Etre
uni à Jésus pour vivre de lui c’est notamment secourir les frères. Et secourir
les frères, c’est faire reculer la guerre qui vient si souvent du mépris en
lesquels nous tenons les autres. « Le développement est le nouveau nom de
la paix » (Paul VI). Cela vaut tant pour les relations entre pays que pour
le partage à l’intérieur même de notre pays.
- Seigneur, nous te
prions pour la paix. Nous te prions pour que nous mesurions ce que c’est de voir
son pays sans conflit armé pendant plusieurs générations de suite. Donne-nous d’aimer
la paix. Donne-nous de choisir ce qui construit la paix, dussions-nous, à court
terme, ne pas tout gagner.
- Seigneur, nous te
prions pour l’Eglise. Elle se déchire en orthodoxie, elle a tant de mal à se
convertir en catholicisme. Donne-nous de chercher ensemble comment demeurer à
ton service, toi, le Prince de la paix.
- Seigneur, nous te
prions pour la paix dans nos familles. Que chacun de nous sache apporter ce qu’il
faut de renoncement pour permettre à chacun de vivre en paix.
- Seigneur, nous te
prions pour tous ceux qui sont tombés il y a cent ans au champ de bataille,
pour les victimes des guerres aujourd’hui.
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