30/11/2018

Attente de Dieu (1er dimanche de l'avent)


Le lectionnaire nous donne l’impression, en ce premier dimanche de l’avent, de revenir en arrière, à la thématique apocalyptique du trente-troisième dimanche du temps. L’horreur de la fin plane sur nos têtes, et ce n’est pas seulement notre fin, celle de nos proches, mais aussi celle de l’humanité tout entière qui s’annonce, avec le dérèglement climatique et l’appauvrissement terrifiant de la biodiversité. Chacun peut essayer de réduire son impact en termes de pollution, mais nous nous sentons surtout impuissants. Ce ne sont pas seulement les guerres qui nous menacent, mais la disparition d’un écosystème hospitalier.
Nous y sommes ; ce n’est plus pour demain. « Il y aura des signes dans le soleil, la lune et les étoiles. Sur terre, les nations seront affolées et désemparées par le fracas de la mer et des flots. Les hommes mourront de peur dans l’attente de ce qui doit arriver au monde, car les puissances des cieux seront ébranlées. » Si tel est notre calendrier, nous ne devrions pas tarder à voir « le Fils de l’homme venir dans une nuée, avec puissance et grande gloire. »
Il n’en est évidemment rien. Et nous voilà ébranlés par la terreur du monde, et aussi dans notre foi. Qu’en est-il de ce retard du Seigneur ? Il tenaille les disciples depuis sa mort, depuis le début. Le temps de l’avent n’est pas une préparation à Noël comme on ne cesse de le répéter, à l’encontre des oraisons et préface de ce dimanche. Le temps de l’avent orchestre liturgiquement la condition même de la vie de disciples alors que les temps touchent à leur fin ; notre destin de disciples, depuis le début, est d’attendre sa venue, de nous tenir prêts.
La vie de disciple est attente de Dieu. C’est à la fois une évidence et un défi, un truisme et une contestation de nos discours sur la présence de Dieu, la présence réelle, et autres arguties pieusardes qui permettent d’éviter les rudes chemins de l’aventure chrétienne. Non, le Seigneur n’est pas là, et il nous manque, et c’est notre tourment. Voilà ce que les trois premières semaines de l’avent, au moins, et les dernières du temps ordinaires, nous font vivre, la condition même de la vie chrétienne, l’attente de Dieu.
Elles sont une école de la vie chrétienne en ce monde qui touche à sa fin, espérer le salut, en termes théologiques aseptisés, attendre Dieu, languir après lui de toute notre chair tel le cerf qui cherche l’eau vive, telle la terre aride, assoiffée, disent les psaumes, à ras la glèbe.
Nous sommes comme tant d’hommes et de femmes, d’enfants, à manquer de Dieu. Nous autres, ce manque nous taraude, nous creuse. Il fait mal comme les vastes nefs de nos églises qui semblent crier la désolation de leur vide. Quand je pense à la transverbération de Thérèse, c’est exactement cela que je comprends. Derrières les mots de la présence, sans cesse biffés, se dit ce qui n’est pas religieusement correct, la vérité de l’expérience évangélique.
À la mesure sans mesure / De ton immensité / Tu nous manques, Seigneur.
Dans le tréfonds de notre cœur / Ta place reste marquée / Comme un grand vide, une blessure.
Veiller dans la foi ne comble pas le vide, au contraire, cela le creuse. Et cette blessure est l’unique indice de celui que nous attendons. Nous sommes entraînés à abandonner encore et encore ce qui nous tient, si nous voulons qu’en nos corps si fragiles se tienne son immensité, si nous voulons qu’en notre chair habite le Verbe. Pour ne pas trop mentir à cet espace où nous l’attendons, où il nous attend, il y a les frères à aimer. Les aimer à la folie mais rester seuls, parce qu’ils ne sont pas à nous, n’ont pas besoin de nous. La dépossession de la charité redouble l’absence du Dieu qui tarde.
Dans le cri, la prière de cette espérance que patiemment nous avons consenti à laisser se creuser, l’attende de Dieu n’est pas tant la nôtre que la sienne ; c’est lui qui nous attend.
Mais en cette vie recluse, je te cherche quand même !
ma quête est insensée, rassure-moi.
Si orgueilleuse que puisse être l’enquête,
si fatale que soit la chute de ma voix,
Ne me laisse pas tomber dans un gouffre d’air rare,
ni étouffer au sol que tu travailles d’en-bas.

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