01/11/2018

Le règne de Dieu est au milieu de vous (Commémoration des fidèles défunts)


La prière pour les défunts a quelque chose d’archaïque qui rejoint ce qu’exprime l’animisme. Il n’est pas possible de vivre sans ceux que l’on a aimés ou haïs. Ils sont encore là, ils nous habitent. Prier pour eux est une façon de nous libérer de leur emprise. Ce ne sont pas eux qui peuvent nous visiter, c’est nous qui pouvons intercéder pour eux.
On doit reconnaître que l’on ne sait guère ce que cela signifie dès lors qu’ils ont rejoint l’éternité de Dieu. Il n’y a pour eux ni temps ni lieu. Il convient surtout d’apprendre à les penser aimés de Dieu, purifiés par Dieu, vivants de Dieu.
La première lecture que nous avons entendue (Sg 1,7-15) assène ce que nombre de chrétiens n’ont pas encore entendu. « Dieu n'a pas fait la mort, il ne prend pas plaisir à la perte des vivants. » Ce n’est en effet pas Dieu qui fait mourir, qui rappellerait à lui, comme le dit de façon erronée le missel des défunts. Si Dieu rappelle à lui, c’est de la mort. Dieu rappelle à la vie, ce que l’on appelle résurrection. Dieu ne fait pas mourir en rappelant à lui. En rappelant à lui, il fait vivre, car Dieu est le vivant, et il n’y a pas de mort en lui et par lui.
Dieu est affligé par la mort, pire encore, si c’est possible, que nous ne le sommes. Non seulement ses amis meurent, mais encore sa création est mise en péril, est combattue. C’est lui qui sombre lorsque l’un de nous meurt. Le dernier ennemi que Dieu fait plier, le plus redoutable sans doute, c’est la mort (1 Co 15, 26). La mort est l’ennemie de Dieu. « Car Dieu n'a pas fait la mort, il ne prend pas plaisir à la perte des vivants. »
Avec nos défunts, ceux qui nous habitent, ceux que nous souffrons de ne plus serrer dans nos bras, ceux que nous ne verrons plus jamais, du moins tant que nous ne serons pas morts nous-mêmes, c’est un peu de nous aussi qui est mort. C’est ce que nous avons vécu avec eux, ce qu’ils ont vécu avec nous qui est mort. Je ne suis pas consolé d’entendre dire qu’ils vivent près de Dieu ; je ne suis pas consolé d’entendre qu’on se retrouvera. C’est maintenant que leur absence est cruelle. C’est ici et maintenant que j’ai besoin d’eux.
Peut-être la seule façon de ne pas les perdre tout à fait, c’est de vivre ici et maintenant avec Dieu, puisque c’est désormais leur lot, d’une manière certes différente. Cependant, nous vivons la même chose qu’eux, la vie avec Dieu. Nous avons avec eux Dieu en partage, même si c’est de manière différente. En étant à Dieu ici et maintenant, nous sommes comme ils sont. Le royaume de Dieu nous est commun.
Qu’est-ce que ce royaume ? L’évangile que nous venons de lire (Lc 17, 20-25) n’en dit que la localisation, paradoxe évident puisque ce royaume n’a ni lieu ni temps. Il est deux lieux où il ne risque pas d’être, dans ce qui se voit comme une nouveauté soi-disant étonnante, ou demain. Ne courrons pas après les nouveautés religieuses, les communautés qui prétendent renouveler les choses parce qu’enfin, elles auraient compris l’évangile à la différence des autres. « N’y allez pas, n’y courrez pas. » « La venue du règne de Dieu n’est pas observable. »
Le royaume n’est pas demain non plus, après la mort, parce que « voici que le règne de Dieu est au milieu de vous ». Il n’y a rien à voir, il n’y a rien de merveilleux, il y a ici et maintenant l’urgence de changer nos vies pour qu’elles soient participation au royaume, la présence de Dieu en nos vies.
Nos défunts ont en commun avec nous la présence du royaume et, en ce sens, ne sont pas morts. Entretenir leur mémoire n’est-ce pas vivre encore avec eux, non pas demain, ailleurs, mais ici et maintenant ? Entretenir leur mémoire, n’est-ce pas accueillir ici et maintenant le règne de Dieu qui est au milieu de nous ?
La commémoration des fidèles défunts à la suite de Jésus ne consiste pas à en un culte des morts, mais en un changement de vie, notre conversion, pour accueillir le règne de Dieu qui est déjà milieu de nous. Nous vivons avec eux dans le même royaume, la présence vivifiante de notre Dieu.

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