Dans la bible, lorsqu’on parle d’adultère, c’est toujours d’une
femme qu’il s’agit. Certes, il y a David avec Bethsabée. Mais David n’est pas l’homme
adultère ou le roi adultère ; il a un nom et une histoire ; il n’est
pas réduit à sa faute, à une infidélité conjugale.
Les Ecritures parlent souvent, même si ce n’est pas
exclusivement, des femmes d’un point de vue phallocratique. Nous nous devons de
lire les textes, à la fois conscients du contexte idéologique de production et
de lecture pendant des siècles, à la fois décidés à rompre avec la dépréciation
des femmes.
L’évangile de « la femme adultère » (Jn 8, 1-11) d’ailleurs
ne parle pas de femme adultère. On se moque de cette femme. Les interlocuteurs
de Jésus n’ont rien à faire d’elle. Ce qu’ils veulent, c’est coincer Jésus. « Ils
parlaient ainsi pour le mettre à l’épreuve, afin de pouvoir l’accuser. » Le
procès de Jésus a déjà commencé (et ce depuis plusieurs chapitres).
Au regard de Jésus, attentif à cette femme, aux femmes,
certes cette femme compte. Le regard de Jésus sur elle ajoute une pièce à conviction
contre Jésus et oblige à rejeter la domination masculine. Mais dans l’économie
narrative, effectivement, on constate que le récit ne s’intéresse ni à la femme
ni à l’adultère.
L’adultère dans les Ecritures, y compris en Jean, ne désigne
pas seulement la faute conjugale et sociale ; il sert à exprimer l’infidélité
du peuple envers son Dieu. C’est le peuple qui est adultère, et lorsqu’on parle
du peuple, dans une logique phallocratique, on parle des hommes qui courent
après les idoles et les faux dieux. La rupture de l’alliance, l’infidélité au
Seigneur, est une maladie, une faute, un péché. C’est comme si le peuple se
prostituait, n’avait aucune estime de soi, pour se livrer au plus offrant, en
son intimité même, en son identité même, alors qu’il est la fiancée, l’épouse
de son Dieu.
Les scribes et les pharisiens amènent à Jésus une femme
surprise en situation d’adultère (et l’on se demande où donc est l’homme avec
qui elle est en pareille situation) pour avoir de quoi accuser Jésus. Le piège se
referme sur eux. Non seulement à cause de l’astuce, faut-il dire la fourberie
de Jésus, mais aussi par l’arrière fond théologique. L’adultère désignant l’infidélité,
qui est adultère dans cette histoire, sinon les scribes et les pharisiens ?
L’évangile parle bien en ce sens d’une femme adultère, mais
ce n’est pas celle que l’on amène à Jésus, ce sont les scribes et les
pharisiens. Ils ont, par fidélité à leur idole politico-théologique,
socio-théologique, abandonné le Seigneur. Pour servir d’autres dieux, ils
pensent toujours servir le Seigneur. L’adultère est comme au carré, redoublé
par l’aveuglement, le mensonge ou l’hypocrisie.
Quels sont ces dieux ? Ceux qui mènent à la condamnation
de Jésus, à son éradication. Ce que Jésus dit de Dieu est inadmissible pour ces
fidèles des faux-dieux aux habits de véritables adorateurs. Autrement dit, ces
faux-dieux sont ce que la religion, les religions disent de Dieu. Les
faux-dieux, c’est chaque fois que nous remplaçons Dieu par la représentation
que nous nous en faisons. C’est précisément cela une idole. Si le premier
testament est aussi anti-idolâtrique, ce n’est pas d’abord pour dénoncer des
statues, ouvrages de mains humaines, qui ont une bouche et ne parlent pas, des
yeux et ne voient pas. C’est parce que de Dieu, nous sommes portés à nous faire
une représentation ‑ comment penser autrement ? ‑ et confondons
cette représentation avec Dieu.
Il n’y a pas de représentation possible de Dieu, en dehors du
visage d’homme de Jésus. Il faudrait dire, en dehors du visage d’humain, ou du
visage humain de Jésus. (S’il faut bien avoir un genre, ce n’est pas la masculinité
de Jésus qui nous sauve mais son humanité.)
Nous avons tous des idées, des représentations de Dieu. Même
ceux qui ne croient pas, sans quoi ils ne pourraient pas ne pas croire celui en qui
précisément ils ne portent pas foi. Mais lorsque les gens qui croient en Dieu
ont une image de Dieu, c’est plus dangereux. Voilà la conversion que nous
indique l’évangile aujourd’hui. La faute de la femme est bien peu par rapport à la trahison,
véritable adultère, des scribes et pharisiens, fine fleur des gens de religion.
Notre Eglise doit dire et vivre que tout ce qu’elle dit sur
Dieu, on ne peut jamais s’y arrêter comme si c’était LA vérité. Nos vérités, même
et surtout théologiques, dès lors que nous les pensons définitives, point
final, sont des idoles qui tuent et lapident, notamment les petits, sans
défense, que représente de façon archétypale la femme, au milieu de tous ces
hommes ! Elle est le modèle même de la victime de la religion. Tiens, l’évangile
n’a plus rien de phallocratique et dénonce les comportements machistes, jusque
dans l’Eglise aujourd’hui !
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