05/04/2019

La religion adultère, Jn 8, 1-11 (5ème dimanche de carême)


Dans la bible, lorsqu’on parle d’adultère, c’est toujours d’une femme qu’il s’agit. Certes, il y a David avec Bethsabée. Mais David n’est pas l’homme adultère ou le roi adultère ; il a un nom et une histoire ; il n’est pas réduit à sa faute, à une infidélité conjugale.
Les Ecritures parlent souvent, même si ce n’est pas exclusivement, des femmes d’un point de vue phallocratique. Nous nous devons de lire les textes, à la fois conscients du contexte idéologique de production et de lecture pendant des siècles, à la fois décidés à rompre avec la dépréciation des femmes.
L’évangile de « la femme adultère » (Jn 8, 1-11) d’ailleurs ne parle pas de femme adultère. On se moque de cette femme. Les interlocuteurs de Jésus n’ont rien à faire d’elle. Ce qu’ils veulent, c’est coincer Jésus. « Ils parlaient ainsi pour le mettre à l’épreuve, afin de pouvoir l’accuser. » Le procès de Jésus a déjà commencé (et ce depuis plusieurs chapitres).
Au regard de Jésus, attentif à cette femme, aux femmes, certes cette femme compte. Le regard de Jésus sur elle ajoute une pièce à conviction contre Jésus et oblige à rejeter la domination masculine. Mais dans l’économie narrative, effectivement, on constate que le récit ne s’intéresse ni à la femme ni à l’adultère.
L’adultère dans les Ecritures, y compris en Jean, ne désigne pas seulement la faute conjugale et sociale ; il sert à exprimer l’infidélité du peuple envers son Dieu. C’est le peuple qui est adultère, et lorsqu’on parle du peuple, dans une logique phallocratique, on parle des hommes qui courent après les idoles et les faux dieux. La rupture de l’alliance, l’infidélité au Seigneur, est une maladie, une faute, un péché. C’est comme si le peuple se prostituait, n’avait aucune estime de soi, pour se livrer au plus offrant, en son intimité même, en son identité même, alors qu’il est la fiancée, l’épouse de son Dieu.
Les scribes et les pharisiens amènent à Jésus une femme surprise en situation d’adultère (et l’on se demande où donc est l’homme avec qui elle est en pareille situation) pour avoir de quoi accuser Jésus. Le piège se referme sur eux. Non seulement à cause de l’astuce, faut-il dire la fourberie de Jésus, mais aussi par l’arrière fond théologique. L’adultère désignant l’infidélité, qui est adultère dans cette histoire, sinon les scribes et les pharisiens ?
L’évangile parle bien en ce sens d’une femme adultère, mais ce n’est pas celle que l’on amène à Jésus, ce sont les scribes et les pharisiens. Ils ont, par fidélité à leur idole politico-théologique, socio-théologique, abandonné le Seigneur. Pour servir d’autres dieux, ils pensent toujours servir le Seigneur. L’adultère est comme au carré, redoublé par l’aveuglement, le mensonge ou l’hypocrisie.
Quels sont ces dieux ? Ceux qui mènent à la condamnation de Jésus, à son éradication. Ce que Jésus dit de Dieu est inadmissible pour ces fidèles des faux-dieux aux habits de véritables adorateurs. Autrement dit, ces faux-dieux sont ce que la religion, les religions disent de Dieu. Les faux-dieux, c’est chaque fois que nous remplaçons Dieu par la représentation que nous nous en faisons. C’est précisément cela une idole. Si le premier testament est aussi anti-idolâtrique, ce n’est pas d’abord pour dénoncer des statues, ouvrages de mains humaines, qui ont une bouche et ne parlent pas, des yeux et ne voient pas. C’est parce que de Dieu, nous sommes portés à nous faire une représentation ‑ comment penser autrement ? ‑ et confondons cette représentation avec Dieu.
Il n’y a pas de représentation possible de Dieu, en dehors du visage d’homme de Jésus. Il faudrait dire, en dehors du visage d’humain, ou du visage humain de Jésus. (S’il faut bien avoir un genre, ce n’est pas la masculinité de Jésus qui nous sauve mais son humanité.)
Nous avons tous des idées, des représentations de Dieu. Même ceux qui ne croient pas, sans quoi ils ne pourraient pas ne pas croire celui en qui précisément ils ne portent pas foi. Mais lorsque les gens qui croient en Dieu ont une image de Dieu, c’est plus dangereux. Voilà la conversion que nous indique l’évangile aujourd’hui. La faute de la femme est bien peu par rapport à la trahison, véritable adultère, des scribes et pharisiens, fine fleur des gens de religion.
Notre Eglise doit dire et vivre que tout ce qu’elle dit sur Dieu, on ne peut jamais s’y arrêter comme si c’était LA vérité. Nos vérités, même et surtout théologiques, dès lors que nous les pensons définitives, point final, sont des idoles qui tuent et lapident, notamment les petits, sans défense, que représente de façon archétypale la femme, au milieu de tous ces hommes ! Elle est le modèle même de la victime de la religion. Tiens, l’évangile n’a plus rien de phallocratique et dénonce les comportements machistes, jusque dans l’Eglise aujourd’hui !

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