La résurrection, ça ne passe pas ce truc-là, ça ne passe
plus. Ce n’est pas tant que nous soyons devenus païens, au contraire. C’est que
les superstitions religieuses et les désirs d’immortalité, de vie après la
mort, l’idée qu’on se retrouvera, tout cela parait suspect. Je ne doute pas de
l’authenticité de la démarche des familles en deuil ; je constate que la demande
d’un geste religieux met à mal la foi en la résurrection.
On l’aura compris, il ne s’agit pas ici de juger la foi des
gens, mais de constater qu’elle interroge voire contredit la résurrection.
Devant le désarroi et la peine, nous sommes souvent interrogés, provoqués dans notre
foi parce que ce que disent les gens, pas sûr que ça passe pour nous. Oui, nous
sommes blessés, heurtés parce que ça s’arrête. Oui, nous pensons que le défunt
nous laisse quelque chose, que sa vie a poids d’éternité ; oui, il nous marque
encore et continuera, pour un temps au moins, à nous inspirer. Mais, en
disciples du Verbe, un minimum rationalistes, en disciples d’un homme, qui ne
pouvait que mourir, nous savons que la fin est définitive. Ne convient-il pas
de se méfier des consolations qui ne coûtent pas cher : « on se
retrouvera » et autre immortalité de l’âme ?
Ce n’est ni le lieu ni le moment d’analyser le sens des demandes
de funérailles religieuses. C’est seulement un point de départ, en ce jour de
la résurrection, à une réflexion sur ce que nous croyons. Préparer des
funérailles, accompagner les familles dans le deuil, je vous prie de le croire,
cela interroge la foi, notre foi en la résurrection.
Bien sûr, nous connaissons le catéchisme et pouvons le
réciter. Mais on n’est pas croyant à savoir le catéchisme ! On est croyant
à essayer de laisser sa vie être transformée par la parole de Jésus, n’est-ce
pas. On est croyant à quêter Dieu, à le chercher. Ainsi parle le psaume des dimanches
et jours de fête : Dieu, tu es mon
Dieu, je te cherche dès l’aube.
Alors, la résurrection, si elle fait sens, c’est dans ce
cadre de la vie avec Jésus. Si la résurrection n’a pas de rapport avec notre
quête de Dieu, notre volonté d’essayer de nous laisser façonner par sa parole, sa
crédibilité est plus que limitée.
Un verset de l’évangile de Jean est ici important : « Je
suis la résurrection et la vie » (Jn 11, 25). La résurrection, ce n’est
pas un état, ce n’est pas un moment, après la mort. La résurrection, c’est une
personne ‑ quelqu’un dit « je » ‑ ; la résurrection, c’est
Jésus.
Confesser la résurrection, ce n’est pas une affaire de vie
après la mort, au moins dans un premier temps, au moins si l’on veut bien mettre
en évidence le cœur de la foi, en distinguant les affirmations centrales et
leurs conséquences plus ou moins lointaines.
Qu’est-ce que cela signifie que Jésus est la résurrection et la vie ? J’en
vois une traduction dans une formule de Paul : « Pour moi, vivre, c’est
le Christ » (Ph 1, 21). N’est-ce pas cela que nous voulons confesser :
la vie, nous la vivons par le Christ, grâce au Christ, en forme de Christ. Si vivre
c’est le Christ, ça veut dire que vivre ce n’est pas « moi d’abord »,
moi au centre. Du coup, la première place est libre, par le Christ, pour les
autres. Nous le voulons, c’est notre conversion. Ne t’occupe pas de toi, toi d’abord, mais de
vivre. Ce qui importe c’est la vie. « Choisis la vie » disait le
vieux Moïse. Vivre, c’est le Christ.
Est-ce que cela change quelque chose, est-ce que nous sommes
plus vivants ou meilleurs que les autres ? Là n’est pas la question, du
moins si c’est encore se préoccuper de soi. La résurrection, c’est la vie en
forme de Christ après le renoncement, non un happy end. Dire que Jésus est notre résurrection, c’est croire que
la vie de qui la perd est sauvée. Nous croyons la vie plus forte que la mort, pas
tant comme dernier souffle que renoncement à soi.
Jésus fait vivre aujourd’hui – et comment le
pourrait-il s’il n’était vivant ? Il fait vivre, c’est-à-dire nous
entraîne dans la vie, quelles que soient les morts, les renoncements, mais avec
eux, car on ne peut vivre sans perdre sa vie. Jésus nous entraine vers la vie,
pour que la vie ici et maintenant soit vie comme la sienne. Vivre, c’est le
Christ, il est la résurrection.
Nous attendons la résurrection, non pour demain d’abord,
quand nous ne serons plus là, mais maintenant, pour vivre et choisir encore la
vie, pour transformer notre vie et transformer le monde. Il a tout pour être un
paradis, qu’en faisons-nous un enfer ? La résurrection, parce que Jésus
est ressuscité, c’est faire de cette terre un Eden.
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