01/04/2019

Le vote unanime des conseils du diocèse de Lyon


Version modifiée le 02 04


Comment expliquer le vote unanime des conseils du diocèse de Lyon du 26 mars dernier demandant la démission rapide et effective de P. Barbarin. Je ne réponds pas par les éléments d’un sondage d’opinion que j’aurais organisé. Je propose une hypothèse qui demanderait sans doute à être concrètement valider mais qui rend compte pour partie du malaise de nombre de catholiques dans le diocèse de Lyon et en France.
Les catholiques sont dans l’immense majorité légitimistes envers leur évêque. Ils n’ont d’ailleurs pas bien le choix. L’évêque, dont le nom est mentionné au cœur de chaque célébration eucharistique, tient la place symbolique, celle qui, littéralement, rassemble, (à l’inverse d’un rôle dia-bolique). L’évêque manifeste l’unité de l’Eglise en un lieu, et la communion de cette Eglise avec toutes les autres Eglises. Il n’est pas possible pour les catholiques de ne pas être en union avec leur évêque s’ils célèbrent l’eucharistie.
On pourra penser légitime de contester cette théologie. Ce n’est pas ce dont il s’agit ici. Le mono-épiscopat et son idéologie théologique remonte ou prend ses racines dès la première décennie du second siècle, avec Ignace d’Antioche. Le concile Vatican II cite Ignace à plusieurs occasions. « Suivez tous l'évêque, comme Jésus-Christ suit son Père, et le presbyterium comme les Apôtres ; quant aux diacres, respectez-les comme la loi de Dieu. Que personne ne fasse, en dehors de l'évêque, rien de ce qui regarde l'Église. Que cette eucharistie seule soit regardée comme légitime, qui se fait sous la présidence de l'évêque ou de celui qu'il en aura chargé. Là où paraît l'évêque, que là soit la communauté, de même que là où est le Christ Jésus, là est l'Église catholique. Il n'est pas permis en dehors de l'évêque ni de baptiser, ni de faire l'agape, mais tout ce qu'il approuve, cela est agréable à Dieu aussi. Ainsi tout ce qui se fait sera sûr et légitime. » Lettre aux Smyrniotes, VIII
Cette théologie ne signifie pas que l’on doive être toujours d’accord avec l’évêque ; elle ne conduit pas inéluctablement à une sorte d’autocratie ecclésiale. Il est légitime de ne partager les idées personnelles de l’évêque, ni sa manière de gouverner, ni son projet pastoral. Avec Babel, on ne confond pas unité et uniformité. Mais on ne pourra rien faire sans l’évêque, au sens où c’est toujours en communion avec lui que l’on agit si l’on agit en Eglise. Lorsque l’évêque et les siens ne laissent pas dans le diocèse exister d’autres perspectives pastorales, théologiques et ecclésiales que les leurs, les choses deviennent invivables et les catholiques sont pris dans un conflit de légitimité. Si l'évêque n'apparaît plus avec évidence au service de sa mission parce que, par exemple, il est occupé par la défense de sa personne, il ne peut plus être l’évêque. C'est ce qui se passe à Lyon.
Le gouvernement et la pastorale de P. Barbarin divisaient profondément le diocèse, mais, par ce que l’on appelle « l’affaire Barbarin », l’empêchement de la mission prend une autre dimension.
Comment lire l’évangile dans l’attitude de P. Barbarin qui, depuis qu’il a été rencontré par Alexandre Hezez, balade les victimes ? On sait ‑ le procès en a offert des illustrations ‑ que P. Barbarin ment. Il n’y a pour s’en convaincre, et à titre d’exemple, qu’à comparer les différentes dates qu’il a avancées sur le moment où il a été mis au courant des crimes de B. Preynat. Durant le procès, il a affirmé avoir demandé pardon en novembre 2016 non en son nom personnel mais institutionnellement. Il n’est qu’à lire le texte de cette célébration de novembre 2016, encore disponible sur le site même du diocèse, pour constater qu’il demandait pardon aussi en son nom personnel.
A partir du moment où son attitude provoque en réaction la création de la Parole Libérée, P. Barbarin ne devait-il pas, ainsi que plusieurs le lui conseillaient, plutôt qu’à s’enferrer dans de nouveaux mensonges et parades toutes plus pitoyables les unes que les autres, jusqu’au trop funeste « grâce à Dieu, les faits sont prescrits », reconnaître son erreur à avoir tenté de protéger l’Eglise voire B. Preynat ? On a appris dernièrement qu’il avait fait sa connaissance en 1991, lors de la retraite à laquelle Preynat a été envoyé par le Cardinal Decourtray, prêchée par… P. Barbarin.
« Par trahison j’entends que l’on vous promet d’être de votre côté, et que l’on se range plus ou moins du côté de l’autre, ou que l’on fait tout pour retarder l’instant où il faudra agir en faveur de la miséricorde. Il y a un mot simple et douloureux dans la langue française pour désigner ce comportement, c’est l’infidélité. Le contraire de la foi. » (F. Boyer, La croix, 28 03 19)
La lecture des évènements que P. Barbarin propose est celle du bouc émissaire, qui paye pour les autres, qui prend sur lui le péché des autres. Alors qu’il dit reconnaître des erreurs, il se pose en victime et assume comme le Christ le péché du monde. N’y a-t-il pas ici une confiscation scandaleuse ou pour le moins problématique de la foi ?
Les catholiques du diocèse ont été pris dans un conflit de légitimité, non parce qu’ils auraient voulu se séparer de leur évêque, mais parce que ce dernier, par son rôle et son sens ecclésiologique, a pris en otage leur foi. L’évêque dont le rôle est de faire l’unité apparaissait comme un de ceux qui, moralement si ce n’est pénalement, pratiquait publiquement « l’infidélité, le contraire de la foi ». Il paraissait soucieux de son sort plus que de celui des victimes, et plus largement du diocèse. Dans la conférence de presse du 7 mars où il annonce vouloir présenter sa démission au Pape, il n'a pas même un mot pour le diocèse. P. Barbarin a pris en otage les chrétiens.
L’attachement personnel que l’on peut avoir envers la personne P. Barbarin, l’appréciation positive que l’on peut avoir de sa pastorale, la défense de la présomption d’innocence tant que tous les recours judiciaires ne sont pas épuisés, n’étaient dès lors plus la question.
Appartenir à un diocèse ne peut signifier être du clan de l'évêque. Le positionnement de P. Barbarin l’a peu à peu enfermé dans une attitude de gourou qui réclame un assentiment aveugle et total. Comment garantir la liberté spirituelle des catholiques dans ces conditions ? Des gourous ont prétendu avoir la solution pour l’Eglise, qui, comme chacun sait, va si mal depuis 68 ! Ils se sont servis de l'Eglise pour leur intérêt propre, parfois criminel, souvent de recherche des honneurs et du pouvoir.
Le vote des conseils du 26 mars exprime la prise de conscience d’une menace sur la foi, d’un empêchement de la foi. C’est cela qui a été rejeté, unanimement, salutairement.

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