31/10/2011
Le culte des saints (Toussaint)
29/10/2011
Paroles d'hommes ou parole de Dieu ? (31ème dimanche)
27/10/2011
25° aniversario del encuentro des Asis
Hoy, el Papa está en Asís con los repre-sentes de las religiones en el mundo. Es un encuentro muy importan-te para la paz en el mundo. Sabemos que la concordan-cia entre las naciones pasa también por las religiones. Nos podemos alegrar que los cristianos tengan la posibilidad y la voluntad de servir tal proyecto.
Pero hay más importante. Este encuentro es un acto en la recepción del último concilio, Vaticano secundo. La Iglesia romana, nuestra Iglesia, puede aparecer en medio de las religiones, haciéndose semejante a ellas. Hay un risco de relativismo. ¿ Seria la fe católica una producción cultural, expresión de las tradiciones de los ancestros ? ¿ No es la verdad revelada por Dios ? El encuentro de Asís en 1986 y su celebración y renovación ¿ no serian la renunciación a la verdad de la única fe ?
Después y con el último concilio hemos aprendido que la verdad católica no es exclusiva. Decir que la fe católica es la verdad, no significa que las otras religiones serian solamente error y mentira. “Debemos creer que el Espíritu Santo ofrece a todos la posibilidad de que, en la forma de sólo Dios conocida, se asocien a este misterio pascual.” (GS 22,5). Habla el Concilio de elementos de gracia y de verdad (AG 9). “La Iglesia católica no rechaza nada de lo que en estas religiones hay de santo y verdadero. Considera con sincero respeto los modos de obrar y de vivir, los preceptos y doctrinas que, por más que discrepen en mucho de lo que ella profesa y enseña, no pocas veces reflejan un destello de aquella Verdad que ilumina a todos los hombres.” (NA 2)
22/10/2011
Journée missionnaire mondiale
14/10/2011
Rendez à César ce qui est à César (29ème dimanche)
11/10/2011
Habemus Papam, Moretti
Je ne suis pas certain d’avoir aimé le film, sans que pour autant, je le trouve sans intérêt.
Il me semble qu’il s’agit d’une fable. On n’y parle pas, contrairement aux apparences, de l’Eglise, ni même de la peur du pouvoir. Finalement on sait assez peu ce que pense le personnage de Piccoli ; on filme sa peur, sa fuite, assez peu ses motivations. La peur est panique, et non thèse ou réflexion. C’est un comble qu’avec un psy dans le scénario, on n’en sache pas plus. Sauf que le psy lui aussi ne peut exercer son métier.
Le grotesque du tournoi de volley dénonce le premier degré. Les cardinaux ne sont tout de même pas niais comme le montre le film ! Il s’agit d’autre chose. Il s’agit d’une critique du pouvoir. D’abord par une question : comment se fait-il que tant de gens bien moins bien que le Pape Piccoli courent après le pouvoir alors qu’ils devraient être effrayés. Suivez mon regard dit Moretti, les Berlusconi, les Sarkozy, etc. Ensuite et surtout, par la dénonciation du phénomène des courtisans. Ces cardinaux en deviennent cons. Que l'on pense à leur stupidité lorsque bougent les rideaux de l'appartement papal. Et pour le coup, c’est ce qui se passe dans l’Eglise. Je ne sais si les applaudissements dès qu’on comprend qui sera Pape sont véridiques. J’espère que non. Ils sont l’indice d’un dévoiement du pouvoir, ce que veut montrer Moretti. Et le Cardinal Melville a un sourire hébété, interprétable comme dénonciation de ces courtisaneries. Est-ce lui ou eux qui sont à côté de la plaque ?
Certains me semblent être tombés dans le panneau dans leur critique du film. Ils pensent que l’on parle du Pape, de l’Eglise, et font chou blanc, comme le cardinal du film qui veut savoir combien les bookmakers ont misé sur lui. Ils s’étonnent de ce qu’on ne voie pas les cardinaux prier, mais ils ne s’étonnent pas du tournoi ! Ils font l’éloge de ces gens très sérieux. Evidemment le vote des cardinaux est le fruit de l’action de Dieu, puisqu’ils ont prié. Heureusement que Moretti est moins sot, cela épargne à l’Eglise ce type de ridicule.
C’est l’analyste qui cite les Ecritures, analyste non croyant, et les cardinaux refusent de l’entendre, de l’écouter. Ce n’est pas Moretti qui ne montre pas la foi, ce sont les hommes d’Eglise qui refusent de croire, dans le film… seulement dans le film ?
Tout est dans les mains de celui qui manipule tout le monde, un Guéant (ou un Hortefeux avant sa disgrâce), hyper-puissant, avant qu’il ne veuille lui aussi passer sur le devant de la scène.
Vu comme critique du pouvoir (lequel, en France du moins veut mettre les analystes au pas, comme dans le film) le propos ne manque pas de pertinence même si je ne suis pas complètement convaincu de sa lisibilité et peu séduit par la force, ou plutôt l’absence de force, de conviction narrative. Je trouve que Moretti ne sait pas raconter les histoires, ou au moins cette histoire. Woody Allen nous fait avaler n’importe quoi et ça marche. Moretti n’y parvient pas.
La critique du pouvoir est aussi, bien sûr, critique du pouvoir dans l’Eglise. Mais n’est pas dit grand-chose, ni sur ce que vit le Pape Piccoli, qu’il faut sans doute aller chercher en Tchekhov (même si je n’ai pas été assez attentif pour voir comment), ni sur les solutions à envisager. Faut-il penser que Moretti est comme l’expert interviewé qui reconnaît qu’il ne sait pas ce qu’il veut dire ? Peut-on d’ailleurs lui reprocher de ne pas savoir que penser du pouvoir ?
Le Pape Piccoli peut être compris par son double, l’acteur fou, qu’il comprend et semble être le seul à comprendre. Il paraît heureux au milieu des gens, incognito. Populisme ? A moins que cela ne désigne l’attention aux autres, ce que devrait être le pouvoir. En même temps, le Pape Piccoli est plus au milieu des gens qu’il ne les écoute. Il se croit le pouvoir de piquer des colères. Il n’entend pas le pauvre amoureux éconduit dans le bus. C’est d’ailleurs curieux car la seule chose qui pourrait lui faire accepter d’être Pape, c’est la fidélité à ces gens via son ministère. On pourrait peut-être dire que pour Moretti, la seule justification du pouvoir c’est la fidélité aux gens. Le contraire de cet amoureux qui se voit lâché, victime d’une infidélité, ou plutôt d’une non-fidélité.
Le Pape Piccoli lui, à la différence des cardinaux, écoute la parole de Dieu, prie. C’est un prêtre qui prêche. Et le Pape entend. Le Pape qui se convertit en écoutant un prêtre, figure du pouvoir pour Moretti, un service anonyme ? Ici la foi n’est pas caricaturée. Si les cardinaux de Moretti ne prient pas, ce n’est pas qu’il leur a enlevé leur raison, mais pour ne pas blasphémer, car la prière des cardinaux-courtisans ne saurait être autre chose que sacrilège. Il faudrait que je me souvienne quel texte commente ce prêtre. C’est un moment où l’on pense que le Pape Piccoli pourrait accepter sa charge.
07/10/2011
Lumen gentium : qu'est-ce que l'Eglise ? (50 ans Vat II n°2)
1. Regard (trop rapide) sur l’avant Vatican II
Pour la première fois lors d’un concile, on s’interroge sur ce qu’est l’Eglise. Certes on en avait déjà parlé, mais indirectement. Les Ecritures et les Pères la présentent en dépendance du Christ, comme son corps ; le Moyen Âge adopte un point de vue juridique traitant des pouvoirs dans l’Eglise et entre l’Eglise et les Etats. La Réforme protestante, au début du XVIe, puis la science rendent nécessaire une apologétique, démonstration que la véritable Eglise est l’Eglise romaine et défense de cette Eglise comme instance ultime de vérité.
Peu à peu, se forge une formule sans cesse reprise : l’Eglise est une société parfaite et hiérarchique, c’est-à-dire inégalitaire. Pour qui n’est pas spécialiste, le faux sens est assuré (parfaite signifie complète, c’est-à-dire autonome et libre par rapport aux Etats). Le pape, vicaire du Christ, concentre tous les pouvoirs et résume l’Eglise à lui seul, surtout depuis la définition de son infaillibilité à Vatican I (1870). L’Eglise se réduit à la hiérarchie et sa théologie à une « hiérarchologie », fondée sur la distinction juridique fondamentale entre clercs et laïcs.[1], les uns ayant des pouvoirs, les autres le devoir de s’y conformer.
Vatican I, interrompu par la guerre, laisse une œuvre inachevée et de ce fait déséquilibrée. Dès les années 1880, on cherche à revenir au mystère de l’Eglise (Cf. l’encyclique de Pie XII sur le corps mystique du Christ en 1943). On resitue surtout l’Eglise et la théologie dans l’histoire. Non, l’Eglise n’est pas sortie toute faite de la tête de Jésus qui a surtout annoncé le Royaume. L’institution des Douze exprime davantage l’identité de Jésus qui peut rassembler les enfants de Dieu dispersés que la préparation de sa succession.
2. La constitution dogmatique Lumen gentium (1964)
Paul VI pensait que l’axe majeur de la réflexion du concile était l’Eglise. De fait, presque tous les documents en parlent, à commencer par Lumen gentium et Gaudium et spes.
Les premiers mots de Lumen gentium désignent le Christ[2]. C’est lui la lumière des nations dont la clarté rejaillit sur l’Eglise. L’Eglise n’a de sens que référée au Christ et aux hommes : On ne peut en parler indépendamment de sa mission, qu’elle a reçu du Seigneur ; c’est lui qui la tourne vers le monde pour l’annonce de l’Evangile (Cf. Mc 16,15).
L’Eglise et le monde, l’humanité, ne sont pas en opposition ou en conflit comme deux sociétés ou cités rivales. Le rapport est de compénétration ; il est service de l’humanité. L’Eglise est sacrement du salut ; cela veut dire qu’elle indique la vocation de l’humanité et participe à la réalisation de cette vocation, la sainteté, dont elle-même est bénéficiaire. Certes, elle demeure toujours à réformer à cause du péché. Par elle et en elle, tous sont appelés à la sainteté c’est-à-dire au salut (1 Tm 2,4 cité § 16)[3]. C’est la vocation universelle à la sainteté.
De nombreuses expressions scripturaires décrivent l’Eglise ; les plus importantes la structurent trinitairement : peuple de Dieu, corps du Christ, temple de l’Esprit. L’Eglise tire son unification de l’unité du Père, du Fils et de l’Esprit (St Cyprien) pour être envoyée par le Père comme le Fils et l’Esprit. Communion et mission (appel et envoi) sont toujours liés.
Le plan du texte et son évolution au cours des débats montrent la réorientation voulue de la théologie de l’Eglise. On part du peuple de Dieu avant de parler de son organisation, avec des ministères comme autant de services. Tous, à égalité, ministres et laïcs, forment le peuple sacerdotal, chargé de la louange et partagent le sens de la foi[4] par lequel le Christ est annoncé et cherché en vérité. Les religieux et religieuses, par une sorte de radicalité baptismale, témoignent de la vocation à la sainteté. Pour finir, Marie apparaît comme le modèle de l’Eglise ; réintégrée dans l’histoire du peuple de Dieu et non absolutisée, elle est toujours comprise par rapport à son Fils et Seigneur et ne fait que renvoyer à lui.
L’Eglise romaine n’est plus purement et simplement identifiée à l’Eglise une, sainte, catholique et apostolique. La véritable Eglise subsiste dans[5] l’Eglise catholique ; l’enjeu œcuménique de la formule est immense. De même l’Eglise ne coïncide pas avec le Royaume ; elle l’annonce, marche vers lui et trouve en lui son terme, vie en Dieu, déjà-là et pas encore là.
« Eglise universelle » (ou catholique) signifie souvent l’Eglise quand on veut souligner le lien au Pape. Or « l’Eglise catholique existe dans et à partir » des Eglises locales (§ 23). Elle n’est pas une multinationale avec des succursales ; les évêques ne sont pas les représentants du Pape. Ils conduisent collégialement l’Eglise, dans la communion avec l’évêque de Rome, premier entre des égaux, qui veille à l’unité et à la charité (§ 22)[6]. L’épiscopat est pour la première fois défini comme un des degrés du sacrement de l’ordre. La collégialité, mieux la synodalité, avec des conseils, à l’instar des ordres religieux, dans les paroisses, dans les diocèses comme au niveau mondial, est le mode de délibération et de gouvernement de l’Eglise. Si elle n’est pas une démocratie, l’Eglise n’est pas non plus une autocratie.
3. Questions pour aller plus loin
Quelle conception de l’Eglise ressort de Lumen gentium ? Qu’en pensez-vous ?
Lire un peu plus largement les textes cités en note 2 à 4. Qu’en retenir ?
Comment percevez-vous le rapport Eglise catholique / autres confessions chrétiennes ?
Que signifient pour la vie de l’Eglise, pour la mission, et pour chaque chrétien le sacerdoce commun, la vocation universelle à la sainteté et le sens de la foi (sensus fidei) ?
[1] Pie XII, selon l’enseignement commun, écrit : « Par la volonté du Christ, les chrétiens sont divisés en deux ordres, celui des clercs et celui des laïcs. Par la même volonté a été constitué un double pouvoir sacré ; celui de l’ordre, celui de la juridiction. De plus, également par juridiction divine, on accède au pouvoir d’ordre ‑ celui qui fait la hiérarchie des évêques, prêtres et ministres – par la réception du sacrement de l’ordre ; quant au pouvoir de juridiction, il est directement en vertu du droit divin lui-même conféré au Pontife suprême, et aux évêques en vertu du même droit, mais uniquement par le Successeur de Pierre. » (Ad sinarum gentes, 7 oct 1954)
[2] « Le Christ est la lumière des peuples (lumen gentium) ; réuni dans l’Esprit Saint, le saint Concile souhaite donc ardemment, en annonçant à toutes les créatures la bonne nouvelle de l’Évangile répandre sur tous les hom-mes la clarté du Christ qui resplendit sur le visage de l’Église (cf. Mc 16, 15). L’Église étant, dans le Christ, en quelque sorte le sacrement, c’est-à-dire à la fois le signe et le moyen de l’union intime avec Dieu et de l’unité de tout le genre humain, elle se propose de mettre dans une plus vive lumière, pour ses fidèles et pour le monde en-tier, en se rattachant à l’enseignement des précédents Conciles, sa propre nature et sa mission universelle. » § 1
[3] « L’Eglise, dont le saint Concile présente le mystère, est, selon notre foi, indéfectiblement sainte. En effet, le Christ, Fils de Dieu, qui avec le Père et l’Esprit est célébré comme le « seul saint », a aimé l’Eglise comme son épouse, se livrant pour elle en vue de la sanctifier, et il se l’est unie comme son corps et l’a comblée du don de l’Esprit Saint, pour la gloire de Dieu. C’est pourquoi dans l’Eglise, tous, qu’ils appartiennent à la hiérarchie ou qu’ils soient conduits par elle, sont appelés à la sainteté, selon les paroles de l’Apôtre : « La volonté de Dieu, c’est notre sanctification ». Cette sainteté de l’Eglise se manifeste et doit se manifester sans cesse par les fruits de grâce que l’Esprit produit chez les fidèles ; elle s’exprime sous de multiples formes en chacun de ceux qui, dans la conduite de leur vie, tendent à la perfection de l’amour, en édifiant les autres. » § 39
[4] « Le Peuple saint de Dieu participe aussi de la fonction prophétique du Christ ; il répand son vivant témoi-gnage avant tout par une vie de foi et de charité, il offre à Dieu un sacrifice de louange, le fruit de lèvres qui cé-lèbrent son Nom (cf. He 13,15). La collectivité des fidèles, ayant l’onction qui vient du Saint (cf. 1 Jn 2, 20.27), ne peut pas se tromper dans la foi ; ce don particulier qu’elle possède, elle le manifeste moyennant le sens surnaturel de foi qui est celui du peuple tout entier, lorsque, « des évêques jusqu’aux derniers des fidèles laïcs » (St Augustin), elle apporte aux vérités concernant la foi et les mœurs un consentement universel. Grâce en effet à ce sens de la foi qui est éveillé et soutenu par l’Esprit de vérité, et sous la conduite du magistère sacré, pourvu qu’il lui obéisse fidèlement, le Peuple de Dieu reçoit non plus une parole humaine, mais véritablement la Parole de Dieu (cf.1 Th 2,13), il s’attache indéfectiblement à la foi transmise aux saints une fois pour toutes (cf. Jude 3), il y pénètre plus profondément par un jugement droit et la met plus parfaitement en œuvre dans sa vie. » § 12
[5] Cette expression (§8) a été voulue pour correspondre à l’abandon de formules employées par Pie XII dans Mystici corporis 5 et 6 (1943), identifiant le corps du Christ à l’Eglise catholique romaine. On peut l’entendre dans un sens large, inclusif : la véritable Eglise demeure dans l’Eglise catholique (sous-entendu : sans doute ailleurs aussi) ou dans un sens minimal, voire exclusif : c’est dans l’Eglise catholique que subsiste cette véritable Eglise (traduction du site web du Vatican). On obtient un équivalent du verbe être, écarté par les rédacteurs.
[6] La collégialité, qui rééquilibre l’unilatéralisme de Vatican I quant au pouvoir du Pape et renoue avec la plus antique tradition a paru contester la suprématie papale de sorte qu’à été imposée aux pères conciliaires une Note explicative en annexe à la constitution (d’où le faible poids juridique reconnu aux conférences épiscopales).
05/10/2011
La fin de la sécularisation ?
Suite aux JMJ madrilènes, sans doute emporté par un enthousiasme aussi compréhensible que peu réfléchi, un des responsables locaux de l’événement déclare dans La Croix du 16 août : « Ces journées vont marquer la fin d’une époque : celle de la sécularisation de notre société ».
C’est n’avoir rien compris à ce qu’est la sécularisation ; c’est ainsi passer à côté de ce qu’est la culture occidentale contemporaine. On peut sans doute se lever contre cette culture, voire la considérer comme non-culture, mais imaginer que l’on pourrait en stopper le mouvement de fond suffirait à vous discréditer à tout jamais et l’on s’étonne que des personnes portées par autant de naïveté ou de refus de voir la réalité, occupent des postes de responsabilité dans l’Eglise. A moins que ce ne soit pour tenir un discours idéologique, contre les faits, qu’elles n’occupent ces postes.
Je ne vais pas refaire ici une analyse de ce qu’est la sécularisation. Même de façon diverse voire contradictoire, elle est suffisamment décrite, y compris par des théologiens ou évêques, y compris par des discours théologiques et pastoraux. Je pose la question contre laquelle semble buter les espoirs fous de notre homme.
Si la sécularisation est inexorable, si on ne peut envisager voir sa fin, quelle chance reste-t-il à l’Eglise ou à l’Evangile ? A l’Eglise, pour le dire tout net, si elle n’accepte pas de changer son regard sur la société moderne, il ne lui reste d’autre avenir que celui d’une secte. Et l’on dirait qu’ils sont nombreux les responsables ecclésiastiques, notamment parmi les plus en vue, qui s’emploient à la sectarisation de l’Eglise.
L’Evangile réchappera-t-il au naufrage annoncé de l’Eglise ? Le pire n’est pas toujours sûr et la force de conversion de l’évangile, une fois encore, pourrait toucher l’Eglise elle-même. Si nous acceptons de ne pas défendre des positions (territoriales mais surtout idéologiques) mais de tout perdre ‑ car celui qui veut sauver sa vie la perdra, à commencer par l’Eglise – alors tout n’est pas perdu. Si nous acceptons de persévérer dans le service des frères, à commencer par les plus pauvres, comme le fait nombre de chrétiens, à titre personnel et/ou dans des institutions ecclésiales, alors tout n’est pas perdu. Si le Seigneur a été rejeté et a connu la mort, l’Eglise pourrait-elle rêver pour elle-même d’autres chemins ? Elle se mentirait et trahirait son Seigneur. La victoire de la résurrection n’appartient à ce monde que sous la forme des arrhes de l’Esprit.
Déjà en 1987, le Cardinal Kasper écrivait : « Partout l’Eglise est devenue plus ou moins une Eglise dans la diaspora du monde moderne, et cette diaspora, qui est la situation ordinaire de l’Eglise […] elle doit l’accepter dans l’obéissance comme le moment historique que le Seigneur a disposé pour elle. En un certain sens, cette situation est même plus conforme à ce qu’est l’Eglise que celle où Eglise et société se recouvrent. Dans cette perspective, le Moyen Age représente davantage l’exception que la norme et la règle. [1]
Dans une société pluraliste, personne ne peut plus imposer des repères au nom de son autorité ou d’une révélation. Ce que l’on peut faire, plutôt que de se lamenter, c’est éduquer les uns et les autres à ce qu’ils puissent se forger des repères ou accueillir des repères raisonnables. Non que ces repères devraient être réduits à ce qu’une humanité seulement humaine ‑ trop humaine ‑ pourrait concevoir. Mais ces repères doivent pouvoir apparaître, dans leur extravagance même, le cas échéant, susceptibles de conduire l’humanité sur les chemins de la vie en abondance, celle que dans la foi, on nomme divinisation. Qui dit éducation, dit tâche à sans cesse recommencer, jamais achevée, peu capitalisable.
Il y a nécessité à faire entendre dans la société la bonne nouvelle de l’évangile ; c’est notre devoir de disciples et un droit pour tout homme. Que l’évangile soit accueilli ou non, ce n’est pas notre affaire, si ce n’est pour nous inviter à toujours plus d’écoute de ceux auxquels nous voulons nous adresser. Nous devons faire en sorte de ne rien trahir de l’évangile et cependant ôter tout ce qui dans notre discours le rend inaudible avant même que nous n’ayons ouvert la bouche. Cela nous mènera sur des chemins que nous ne pouvons pas prévoir. Un autre te mettra ta ceinture (Jn 21,18). Certains payent le prix du martyre, mais avant d’en venir là, et de façon générale, nous devons commencer par consentir à notre propre conversion, abandonner nos certitudes, celles qui nous rendent inaptes à faire résonner la parole de vie dont pourtant nous sommes les dépositaires comme baptisés-confirmés, comme Eglise. Avant d’aller au bras de force avec la société, avant d’aller fanatiquement ou bêtement au casse-pipe, il y a à concéder que nous sommes parfois plus attachés à telle pratique qu’à l’évangile. La réforme est urgente, je n’y reviens pas une fois de plus. On n’est juste étonné, puis scandalisé, de ce que les responsables l’empêchent malgré les nombreux appels que ne cesse de susciter le sensus fidei. Vous annulez la parole de Dieu au profit de votre tradition (Mt 15,6).
L’annonce de l’évangile n’est pas proportionnelle au nombre de chrétiens. Au contraire, rarement autant qu’aujourd’hui et comme aux premiers siècles, on annonce l’évangile. Il n’était‑ quel malheur ! – plus à annoncer quand on croyait que tous étaient chrétiens. Avec les hommes de bonne volonté, avec les croyants d’autres religions, nous pourrons nous mettre d’accord sur ce qui semble raisonnable pour le vivre ensemble, pour limiter la violence et les injustices. Et cela ne marchera pas forcément plus mal qu’en des époques très chrétiennes qui n’ont pas été épargnées par les pires crimes, commis, par la force des choses, par des chrétiens.
Nous avons notre grain de sel à mettre dans ce monde qui demeure celui de l’injustice, de l’inhumain (Cf. Mt 5,13). Et si le sel de la terre relève le goût de l’humanité, le commandement du Seigneur de faire entendre à tous son amour n’aura-t-il pas été respecté ? Comme se plaît à le dire l’évêque émérite de Poitiers, si tout le plat est sel, il est immangeable. Le sel ne se montre pas, ne se voit pas dans le plat. Dès qu’on l’a oublié, tous voient le problème.
Il ne s’agit pas plus de montrer ses légions que de refuser une certaine visibilité. Cela non plus n’importe pas. Il ne s’agit pas de déserter ce monde sous prétexte que la sécularisation est très avancée, il vaudrait d’ailleurs mieux dire, sous prétexte que la déchristianisation est un fait avéré. L’Eglise a sa forme normale, naturelle oserai-je dire histoire de provoquer les défenseurs de la loi naturelle, comme diaspora. Il ne s’agit pas de se réfugier dans une bastide fortifiée. Il ne s’agit pas non plus de baisser les bras et de cesser d’annoncer l’évangile. Cherchez d’abord le Royaume et sa justice et le reste vous sera donné par surcroît (Mt 6,33).