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Eglise St François, Abrahamic village (EAU)
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C’est bien embêtant ces petits morceaux d’évangile découpés
pour l’occasion. Matthieu ne raconte pas la Pentecôte, alors on imagine que
Jean le fait et l’on entend un bout (Jn 20, 19-23) de ce que nous avons lu il y
a six semaines, la rencontre avec Thomas (Jn 20, 19-29). Quel sens ont ces
versets hors contexte ? L’introduction temporelle a été trafiquée. Nous
sommes au soir de Pâques, et non un dimanche après la mort de Jésus.
Voilà un évangile à lire en prison, au plus fort de la guerre, dans
la crise, lorsque la maladie va l’emporter. « Les portes du lieu où se
trouvaient les disciples étaient verrouillées par crainte des Juifs. » Une
crainte à mourir de trouille ! Et, dans la mort, un souffle… de vie.
Le contraire de la foi n’est pas l’athéisme, mais la peur. Croire,
c’est refuser l’inéluctable ; croire, c’est la vie qui échappe à l’emprise
de la nécessité ; c’est le contraire de la vie sans avenir, non que l’adversité
soit dissipée, la mort renversée. Croire, c’est refuser que la mort é-dicte le
dernier mot, surtout par anticipation. Les Onze sont morts alors qu’ils
respirent encore, suffisamment pour calfeutrer la prison où ils se réfugient et
s’enterrent.
Voilà ce que fait la résurrection, l’insurrection. La peur, la mort
au terme de la maladie, le handicap qui limite nos relations et nos capacités à
jouir de l’existence, cela n’est pas l’horizon ni notre avenir, ici,
maintenant, dans les jours, mois, années qui viennent. La vie, que l’on ne découvre
pas autrement qu’à croire, à faire le pari de la confiance avec et pour les
autres dans des sociétés que nous voulons justes, c’est possible ; tant la
pratiquent.
Il ne s’agit pas d’imaginer que ce qui fait peur, ce qui tue, ce
qui ampute va ‑ coup de baguette magique ‑ disparaître. Il s’agit,
dans ce qui tue, d’être attentif au souffle de vie, imprévisible, ou du moins,
imprévu, survenant comme un don, la gratuité, le superflu.
Dans l’impossible ‑ « pour les hommes, c’est
impossible » ‑ reconnaître une brèche, ou du moins, une fissure par
où entre le souffle. Jésus est mort. Voilà qui met tout en l’air (!), pour les
disciples, de leur espoir. Ils seraient surpris que 2000 ans plus tard, on
célèbre encore le don de l’Esprit : « il souffla sur eux et il leur
dit : "Recevez l’Esprit Saint" ».
Notre Eglise va mal, nos communautés. Avec Jésus, nous pouvons
légitimement poser la question de savoir s’il y aura, non à la fin mais dans
quelques générations, la foi sur la terre, du moins dans la vieille Europe.
Certains, pour faire face, s’emploient à colmater les brèches. C’est tout le
contraire qu’il faut faire ! S’ouvrir au souffle. Non pas mastiquer les
fissures, mais les agrandir pour que le vent souffle où il veut, comme il veut,
grandes rafales. Ce qu’est l’avenir d’une communauté de consacrés, d’une
paroisse, d’un mouvement d’apostolat, de nos structures qui ont tant porté, ne peut
pas, ne doit pas être notre préoccupation.
S’il n’y a plus personne pour être prêtre comme nous définissons
qu’il faut l’être, va-t-on continuer à euthanasier les communautés ? S’il
n’y a plus personne pour s’engager dans la vie consacrée, va-t-on continuer à
dire que la vie de la majorité est moins donnée, disponible ?
« Recevez l’Esprit saint. Pardonnez. » Annoncez à temps
et à contretemps, non par des paroles ‑ assez de blabla ! ‑ mais
par votre vie que la paix est là, juste derrière nos haines, qui attend qu’on
veuille bien ouvrir les yeux et les mains. Nous sommes tous pour la paix, à
condition que cela ne nous empêche pas de gagner voire de seulement continuer
nos guerres ! Nous sommes plusieurs à vouloir la vie de l’Eglise, mais
nous refusons d’abandonner ce qui la fait mourir. Soyons sérieux !
L’inéluctable n’est pas l’insurrection de Jésus, mais le souffle.
Nous avons tous vécu qu’à croire l’inattendu, on était vivant, qu’à
mourir on ressuscitait. C’est psychologiquement commun. Parfois, c’est de
l’auto-persuasion. Mais c’est un fait, un souffle de vie s’engouffre dans nos
failles et nos morts, on est relevé, ressuscité. « Cherchez le royaume et
sa justice et le reste sera donné par-dessus le marché ! »
« Le problème n’est pas de savoir s’il sera possible de
restaurer l’entreprise ‘Église', selon les règles de restauration de toutes
entreprises. La seule question qui vaille est celle-ci : se trouvera-t-il
des chrétiens pour vouloir rechercher ces ouvertures priantes, errantes,
admiratrices ? S’il est des hommes qui veuillent encore entrer dans cette
expérience de foi, qui y reconnaissent leur nécessaire, il leur reviendra d’accorder
leur Église à leur foi. » Certeau, La
faiblesse de croire, p. 313).