Lorsqu’il faut parler de la résurrection, nous sommes assez
démunis, c’est le moins que l’on puisse dire. L’expérience de la résurrection
échappe à ce que nous connaissons. La résurrection est à ce point nouveauté
radicale, jamais vue, qu’elle n’a pas de mots pour se dire.
Certains diront que, puisque justement l’expérience de la
résurrection échappe à ce que nous connaissons, nous ne pouvons, et partant, ne
devons rien en dire. Mais s’il en va ainsi, c’est le cœur de notre foi qui est
frappée d’impossibilité. Nous ne saurions en convenir.
Les auteurs du Nouveau Testament ont construit leurs
discours sur la résurrection notamment en puisant dans les Ecritures. Ils ont
lu les Ecritures comme une prophétie. Ils ont cherché comment l’annonce de la
résurrection s’y disait pour trouver des mots moins impertinents que d’autres. Dans
la nuit de la Pâque, la longue liturgie de la parole semble nous dévoiler l’immensité
de la prophétie scripturaire. Sept lectures nous sont proposées pour que l’on
puisse un peu, à la fin, entendre l’annonce de la résurrection.
Mais pour choisir dans
toutes les Ecritures ce qui le concernait, ou mieux, pour voir que tout
dans les Ecritures le concernait, il fallait le croire vivant. Nous sommes
habités par la même foi que les premiers chrétiens. Il n’y a pas de preuves de
la résurrection. Elle n’est pas constatable. Au mieux y a-t-il un tombeau vide,
que d’autres ont interprété ‑ les premiers chrétiens le savent bien puisqu’ils
le rapportent ‑ comme le vol du corps. Il n’y a pas de preuves de la
résurrection. Vous n’en deviendrez pas les croyants après avoir beaucoup
réfléchi, après avoir rassemblé des éléments de crédibilité. Certes, votre
réflexion pourra montrer qu’il n’est pas contraire à l’humanité de l’homme de
confesser une résurrection, mais rien de plus.
D’abord, peut-être, vous croyez ; ensuite, vous
comprenez. Comment croire ? Là encore, pas de mots. C’est comme si l’on
demandait : comment aimer ? Nous disons avec Paul que nous avons été
saisis. Nous ne savons pas bien ce que cela veut dire. Mais nous constatons en
notre vie que Jésus est pour nous le vivant qui fait vivre. Nous constatons que
Jésus n’est pas définitivement mort. Voilà, c’est un fait, nous l’aimons.
Voilà, c’est un fait, nous le croyons vivant, comme des millions avant et avec
nous.
Autosuggestion ? Habitude née d’une culture et d’un
enseignement sans cesse ressassé ? Oui, la foi est un habitus, comme disaient
les anciens, cette espèce de disposition qui devient naturelle. Oui la foi naît
aussi d’une culture et d’un enseignement, elle se reçoit. Mais cela ne l’épuise
pas, ne la dit pas entièrement. Il y a autre chose. C’est comme l’amour. Voilà,
c’est un fait, nous aimons nos parents, nous aimons nos frères et sœurs, nous
aimons notre conjoint, nous aimons nos amis. C’est viscéral. C’est aussi un
habitus, c’est aussi dans le discours, mais c’est.
Ainsi donc, nous ne pouvons que constater que nous sommes
croyants. Alors, nous voulons comprendre ce que nous croyons, alors nous
voulons rendre compte de l’espérance qui
nous habite, l’annoncer. Et, après les premiers chrétiens, nous cherchons
des mots. Avec eux, nous puisons dans les Ecritures, notamment.
Le prophète Isaïe, qui nous a accompagnés particulièrement
durant la sainte semaine avec les Chants du Serviteur, nous offre encore une
fois les mots de notre foi (Is 54,5-14). Si la résurrection est nouveauté, elle se dit comme
un début, comme une création. La résurrection est une nouvelle création, un
retour au début, pour autant que le début soit une façon d’exprimer la
perfection, le sens, la vocation. Le début, c’est la création : le début,
ce sont les épousailles ; le début, c’est la mère qui accueille son
enfant.
Ton époux, c’est ton
créateur. Est-ce que l’on rejette la
femme de sa jeunesse ? C’est incroyable ce raccourci. Dieu fait
alliance, comme une alliance conjugale, avec sa créature. Si la résurrection a
un sens, c’est que la vie du Créateur est désormais la nôtre. Rien de moins !
Dans mon amour éternel
j'ai pitié de toi, dit le Seigneur, ton Rédempteur. L’amour éternel de Dieu
ne peut être que salut, rédemption. Notre vie menacée par la mort a besoin d’être
récupérée, tirée de nouveau de l’abîme, du chaos, du tohu-bohu. Créer pour
Dieu, cela veut dire aimer éternellement ; cela veut dire ne jamais lâcher
sa créature ; cela veut dire la sauver. Cet amour n’a rien de la sévérité
d’un pater familias intransigeant. Il est tendresse. Quand les montagnes changeraient de place, quand les collines
s'ébranleraient, mon amour pour toi ne changera pas, et mon Alliance de paix ne
sera pas ébranlée, a déclaré le Seigneur, dans sa tendresse pour toi.
Vous imaginez une ville construite de pierres précieuses,
des fondations souterraines que personne ne voit jusqu’au sommet du toit ou le
créneau des murailles. Voilà le prix que nous avons aux yeux du Seigneur. Bon,
admettons que cette image ne nous touche guère, nous ne sommes pas tous joailliers.
Et bien ce qui orne notre monde, ce qui le gouverne, ce sera, c’est la justice.
Tu seras établie sur la justice, délivrée
de l'oppression que tu ne craindras plus, délivrée de la terreur qui ne viendra
plus jusqu'à toi. Et bien ce qui fait nos écoles, nos lieux de savoir et de
croissance, c’est le Seigneur lui-même. Tes
fils seront tous instruits par le Seigneur.
Un psaume interroge : qui nous fera voir le bonheur.
Isaïe prophétise lorsque son texte est annonce de la résurrection : nous goûterons un bonheur sans limites.