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23/11/2018

Jésus n'est pas roi (Le Christ, roi de l'univers)


Quel intérêt y a-t-il à dire Jésus roi ? Ne faudrait-il pas se méfier, alors que Jésus se dérobe à ceux qui viennent le chercher, parce qu’ils voulaient le faire roi (Jn 6, 15) ? Plus encore, toutes les images que nous avons de la royauté, spécialement en République, spécialement en France, sont plutôt négatives, ou alors celles d’un faste qui pose problème appliqué à Jésus. Est-ce bien ainsi que nous devons l’imaginer ? Est-ce ainsi qu’est Jésus ?
« Vous le savez : ceux que l’on regarde comme chefs des nations les commandent en maîtres ; les grands leur font sentir leur pouvoir. Parmi vous, il ne doit pas en être ainsi. Celui qui veut devenir grand parmi vous sera votre serviteur. Celui qui veut être parmi vous le premier sera l’esclave de tous : car le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir, et donner sa vie en payant le prix pour la multitude. » (Mt 10, 42-45).
La fête du Christ roi est récente, elle a moins de cent ans, instituée par Pie XI en 1925, dans un contexte d’entre deux guerres. Il s’agissait d’affirmer, alors que montait le fascisme et que l’on fêtait le mille six-centième anniversaire du concile de Nicée, proclamant la seigneurie du Christ comme nous le disons chaque dimanche ‑ « je crois en un seul Seigneur, Jésus Christ » ‑ que la visée de toute action politique et sociale réside dans l’avènement du Règne de Dieu, ainsi que nous prions à la suite du Seigneur : « Que ton règne vienne ! »
Mais dès le début, cette fête fit problème ; en contestant le culte du tyran, elle se ralliait - malgré elle ? - des soutiens royalistes, elle était marquée par la nostalgie d’une chrétienté fantasmée, lorsque le but de la société rejoint celui de l’Eglise, est celui de l’Eglise. La résistance par rapport à la dimension théologico-politique de la fête s’exprime bien avant le concile Vatican II.
Suffira-t-il de spiritualiser, de dire que la royauté du Christ n’est pas de ce monde, comme il le dit lui-même dans l’évangile que nous venons de proclamer (Jn 18, 33-37) ? C’est un peu court, c’est fumeux comme chaque fois que l’on ne parvient pas à dire le sens des choses de la foi et qu’on en fait des réalités spirituelles.
Les théologiens savent qu’il est impossible de nommer Dieu adéquatement et l’interdit juif de prononcer le nom sacré en est l’expression la plus obvie. Quand vous dites « dieu » vous avez une idée de ce que cela signifie, que vous soyez croyant ou non, chrétien ou non. Tous comprennent le mot mais tous ne s’accordent pas sur son sens, et encore, n’a-t-on pas précisé s’il fallait mettre une majuscule ou non ? Le mot dieu pour parler de Dieu est dangereux car il charrie avec lui de très nombreuses confusions, dommageables pour la foi.
Dans les Ecritures, on dit par exemple que Dieu est un rocher, un roc, solide. Cette métaphore est tellement éloignée de la vérité ‑ Dieu n’est évidemment pas un caillou, même gros ‑ que l’on ne risque pas, à l’utiliser, de semer la confusion ou de s’y mouvoir, que l’on est obligé à un instant de recul pour réévaluer ce que l’on dit de Dieu, veut dire de lui.
Puisque la royauté appliquée au Christ fait problème pour beaucoup d’entre nous, nous nous trouvons dans la même situation ; nous ne pouvons pas croire que ce titre convient au Christ. Il ne convient fondamentalement pas ; les textes évangéliques que nous avons cités le montre à l’envi. Le Christ n’est pas roi. C’est Pilate qui dit que Jésus est roi. Mais lui dit autre chose. « C’est toi-même qui dis que je suis roi. Moi, je suis né, je suis venu dans le monde pour ceci : rendre témoignage à la vérité. » Jésus n’est pas plus roi que Dieu est roc.
Et pourtant, nous attendons un règne de paix, nous attendons son règne de paix, nous voulons qu’il soit le Seigneur de nos vies, nous voudrions que sa paix s’étende sur l’univers entier. Ce paradoxe, peut-être cette contradiction, doit être assumé ; celui que nous que nous appelons notre maître est Seigneur ‑ et nous avons raison car il l’est (Jn 13, 13) ‑ se dit dans le même temps le serviteur.
Le renversement des valeurs par le Christ met notre monde, et aussi la nomination de Dieu, en crise. Il faut bien le reconnaître, c’est un retournement de l’idée même de Dieu y compris pour les chrétiens. Nous n’avons sans doute pas encore compris jusqu’où la prédication et la vie de Jésus subvertissent la conception commune de Dieu. La crise religieuse que provoque Jésus qui se fait serviteur nous permet de voir naître le Royaume.

16/11/2018

Ses paroles ne passeront pas (33ème dimanche du temps)


Le changement climatique et ses conséquences laissent deviner un bouleversement de nos modes de vies et prennent parfois un aspect de fin du monde. L’extinction de nombreuses espèces animales pose la question de la survie de l’espèce humaine. Que les causes du changement de climat et de l’appauvrissement de la biodiversité soient humaines ou indépendantes de l’action des hommes est un faux problème. Le changement climatique et ses conséquences, la diminution de la biodiversité sont un fait avéré, qui ne peut être stoppé dans la minute. La catastrophe qui se profile non pas à l’horizon, mais toujours plus proche, a des apparences apocalyptiques.
On est étonné à lire la littérature apocalyptique de la précision de ses images. On les croyait mythiques, elles paraissent descriptives et historiques. Ce n’est évidemment pas à une homélie de déterminer l’imminence de la fin. Chacun en pensera ce qu’il veut. Force est de constater que les textes que l’homélie est invitée à présenter revêtent une actualité inquiétante. Et si la peur est mauvaise conseillère, le sentiment de proximité de la fin pourrait au moins être l’occasion d’une réflexion sur notre attitude dans ce climat de fin.
A dire vrai, et au risque de relativiser la crise écologique actuelle, la fin c’est une histoire aussi vieille que le début. Depuis le début, il y a de la fin, et l’on n’en finit pas de finir : la fin de chacun d’entre nous, avec la mort assurée même si nous ne savons ni le jour ni l’heure ; la fin de sociétés, de cités, de civilisations, de religions, la fin d’espèces, l’épuisement de ressources naturelles, etc.
Ce tableau de cataclysme dit la catastrophe que sont toutes ces morts, ces fins. Nous ne pourrons nous résoudre, sous prétexte pourquoi pas de développement des espèces, de renouvellement des générations ou de civilisations, à la disparition de la vie, spécialement celle d’hommes, de femmes, d’enfants. Aujourd’hui le ciel ne s’assombrit plus seulement à cause des guerres et des bombes, qui n’ont jamais été aussi nombreuses, mais aussi du dérèglement de la nature et de la pollution.
Le texte biblique peut décrire la fin parce que déjà nous la connaissons. Il ne la nie pas mais l’annonce plutôt. Elle viendra, il y aura une fin, parce qu’il y a déjà eu tant, parce qu’il y en a tant. Les bouleversements et catastrophes sont évidents mais, curieusement, quelque chose les traverse ou leur échappe. Le ciel et la terre passeront, mes paroles ne passeront pas.
Qu’avons-nous à faire de paroles qui ne passent pas si nous passons, trépassons ? Que nous importe la solidité de telles paroles ? Précisément leur solidité. Il y a quelque chose de solide dans les paroles de Jésus. Et c’est pourquoi l’on peut dire, oui, ça tient, amen ; c’est pourquoi l’on peut, on devrait, s'y accrocher, comme à un roc sur lequel construire notre vie.
Dans le plus sombre de toutes les fins possibles et imaginables, Jésus est l’amen du Père. Sa manière de s’attacher à Dieu et de nous attacher à Dieu laisse entrevoir que quelque chose demeurera de ce qui nous a été adressé, non pas une parole en l’air, mais des mots qui nous sont destinés, qui sont pour nous. Lesquels ? Il ne s’agit pas de mots seulement, mais de toute une vie, parce qu’aimer en parole n’a pas de sens si ce n’est pas aussi en acte.
Chacun choisira dans les mots de Jésus ceux qui traduisent pour lui la parole qui ne passera pas, Jésus lui-même, en sa vie, parole du Père. Je retiens aujourd’hui des mots qui traversent les temps et les lieux, les cultures et les expériences humaines, des mots qui nous sont adressés par toute la vie de Jésus. « Je vous appelle amis », « je vous appelle mes amis. »
La fin des temps, quelques soient les catastrophes que nous vivons déjà aujourd’hui, c’est la révélation d’un inouï. Révélation, c’est la traduction du mot grec, apocalypse, dévoilement. Et le voilà ce dévoilement qui est de toujours, depuis le début, mais que nous entendons dans la fin des temps où nous sommes. Jésus nous appelle ses amis. C’est solide.
Ecoutez le bien que cela nous fait de s’entendre appeler amis. Ecoutez la dose de bonté que nous recevons en nous entendons appeler ensemble amis, pour un monde de l’amitié, pour un monde où à la suite de Jésus, nous nous mouillons les uns pour les autres. Le prix que nous avons les uns pour les autres, les uns avec les autres, les uns les autres pour Dieu, voilà ce qui demeure même si passent le ciel et la terre. C’est solide, ça tient. Amen !



- Seigneur, nous te prions pour l’Eglise. Qu’elle soit dans les sociétés le témoin de ce que, au milieu de tout ce qui passe, change et se renouvelle, la parole de Jésus est solide et que l’on peut s’y appuyer pour mener sa vie.
- Seigneur, nous te prions pour notre pays, avec ses contradictions. Il veut, par exemple, un monde plus écologique mais réclame un accès facile à ce qui pollue ; il veut changer de sources d’énergie mais refuse les éoliennes… Que l’engagement de chacun pour la réforme du pays soit dicté par le bien commun et non l’intérêt particulier ou sectoriel. Que ceux qui votent les lois sachent que les inégalités sont une violence envers ceux qui sont privés du nécessaire et source de violence entre citoyens.
- Seigneur, en cette journée mondiale des pauvres, journée du Secours Catholique, nous te prions pour ceux qui ne parviennent pas à vivre dignement d’un travail ou d’une retraite. Que nous sachions leur venir en aide.
- Seigneur, nous te prions pour notre communauté. Elle accueillera la semaine prochaine son évêque. Que ce soit pour elle l’occasion de se retrouver pour rompre le pain de ta parole et témoigner de ta présence jusqu’au jour de ton retour.