17/05/2024

Laissez-vous conduire par l'esprit / Ga 5, 16 (Pentecôte)

 

Soeur Samuelle

 

Pourquoi sommes-nous rassemblés ? Parce que nous sommes catholiques et que nous pratiquons le culte de notre religion ? Une religion, c’est en effet un certain nombre d’obligations à remplir pour être en paix avec soi-même et la divinité, parmi lesquelles la participation au sacrifice. Nous aurons fait notre devoir en venant ce matin. Nous aurons dans le même temps pu rencontrer d’autres personnes, moment de fraternité où l’on goûte combien « il est bon pour des frères de vivre ensemble et d’être unis » (Ps 132/133, 1).

Ainsi pensent nombre d’entre nous. Or la pratique de l’évangile n’est pas un culte ou, pour le dire autrement, le culte véritable, « la juste manière de rendre un culte » consiste « à présenter à Dieu notre corps ‑ notre personne tout entière ‑ en sacrifice vivant, saint, capable de plaire à Dieu ». (Rm 12, 1)

Pratiquer l’évangile c’est écouter la parole et la mettre en pratique (Mc 7, 24). Croire selon l’évangile, ce n’est pas remplir des obligations, ni obéir à des commandements, ni donner son assentiment à des vérités, mais mettre sa confiance en Dieu, père de tous, qui nous fait frères de tous, quoi que nous en pensions. Etre disciples c’est se laisser mouvoir par l’esprit qui est Dieu-même pour que son règne arrive, pour que ce monde soit son règne, car « Dieu a tant aimé le monde » (Jn 3, 16) qu’il ne veut pas un autre monde, mais ce monde autrement, selon son amour.

Il est hypocrite ou païen celui qui se dit catholique, qui vient au culte et ne change rien à sa vie, parce que le Dieu de l’évangile ne cesse de faire toutes choses nouvelles, à commencer par les cœurs. Le prophète de la nouvelle alliance l’annonce : « Je vous donnerai un cœur nouveau, je mettrai en vous un esprit nouveau. J’ôterai de votre chair le cœur de pierre, je vous donnerai un cœur de chair. Je mettrai en vous mon esprit. » (Ez 36, 26-27a)

Je sais, d’expérience personnelle mais aussi de tant de rencontres, combien il paraît impossible de mettre la parole en pratique. Il faut se défendre dans un monde où le risque que l’on nous marche sur les pieds est important. Je sais d’expérience personnelle et de tant de rencontres combien est confortable l’ancien esclavage, celui du péché, où domine en nous la force qui nous fait croire être maîtres de nous-mêmes. Je sais combien est reposante la servitude volontaire, à la remorque d’un maître ou d’idoles, d’idées toutes faites et dans l’air du temps, y compris en termes d’exclusion, de non remise en cause de ses opinions. Mais…

Mais « le vent de l’esprit souffle où il veut : tu entends sa voix, mais tu ne sais ni d’où il vient ni où il va. Il en est ainsi pour qui est né du souffle de l’esprit. » (Jn 3, 8) La pentecôte est un rituel magique si elle n’est une nouvelle naissance pour chacun et la communauté. « Il vous faut naître d’en haut ». (Jn 3, 7)

Il faut nous laisser guider par l’esprit, « marcher sous la conduite de l’esprit saint » (Ga 5, 13). Cela veut dire que nous ne sommes pas les maîtres à bord de nos vies, c’est un autre qui nous guide, non qu’il nous aurait volé notre liberté mais que nous avons consenti à nous en remettre à lui pour être libres, libérés. Cela signifie exactement que nous sommes entraînés à vivre comme vit Dieu, à mettre dans les relations l’amour qu’il met, à nous aimer, nous respecter les uns les autres.

C’est autre chose que des commandements, des normes à observer, un prêchi-prêcha qui nous donne une conscience d’autant meilleure qu’une fois terminé le culte, nous pouvons tout en oublier ; c’est une conversion ensemble de chaque instant, renouvellement de l’existence entière, personnelle et commune.

Si l’Esprit de Dieu habite en nous, nous ne vivons plus nous mais lui, et laisser la vie de Dieu agir, ça déménage. Si ça ne déménage pas… Ne nous étonnons pas de faire du sur-place, de ce que le monde ne change pas, de ce que nous nous noyions dans le marasme de notre médiocrité, que nous n’ayons d’autre choix que celui de la force et de la violence.

« Vous, frères et sœurs, vous avez été appelés à la liberté. Mais que cette liberté ne soit pas un prétexte pour votre égoïsme ; au contraire, mettez-vous, par amour, au service les uns des autres. Car toute la loi est accomplie dans l’unique parole que voici : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Mais si vous vous mordez et vous dévorez les uns les autres, prenez garde : vous allez vous détruire les uns les autres. Je vous le dis : marchez sous la conduite de l’esprit saint. » (Ga 5, 12-16)

10/05/2024

P. Auster, Baumgartner (roman)


Paul Auster, Baumgartner, Actes sud, Arles 2024

 

Un titre de biographie : Baumgartner. Aucune allusion biblique explicite, et cependant ce nom a une saveur d’Eden, jardinier, littéralement gardien de l’arbre. Si peu de lignes, et déjà la narration démarre en trombe. Des possibles s’ouvrent à l’infini.

Professeur de philosophie ‑ de phénoménologie, attaché à ce qui apparaît comme si l’être était toujours déjà une construction – l’homme demeure comme amputé ; sa femme, os de ses os et chair de sa chair est morte depuis dix ans. Elle était poétesse. Plus rien ne fait sens. La vie et le monde ont-ils d’ailleurs jamais eu un sens ? Qu’est la vie s’il n’y a plus de nord pour s’orienter ?

Provoqué par des je-ne-sais quoi, des presque-rien, il y a urgence à commencer autre chose. Et, d’un seul coup, plus rien. Ou plutôt, avec les mots de saint Augustin, le dédale des vastes « palais de la mémoire » et davantage de possibles encore, non pas seulement retour en arrière, puisque c’est aujourd’hui que l’on se souvient. (En creux, on constatera que l’affirmation de la vie après la mort aurait au moins l’intérêt de libérer de la prison du souvenir, au risque de la fin, but ou dernière échéance.)

A partir d’un certain âge, on a connu plus de personnes décédées que l’on ne connaît de vivants. Paul Auster, qui se sait proche de sa mort, interroge avec humour et délicatesse la capacité d’être gardien de l’arbre de la vie, vivant jusqu’à la fin. L’amour est la seule parabole de la vie, à moins que ce ne soit l’inverse. Dans un dernier pied-de-nez à l’exigence de sens, il ne raconte pas la fin de ce qui sera son dernier roman. Baumgartner n’est pas Moïse qui seul put raconter sa mort, mais il n’entra pas dans la Terre…

 

 

« La petite fleur était si petite
qu'elle n'avait pas de nom
aussi appelai-je ma découverte
la "Gemme"
mais alors je me ravisai
et renommai le petit, tout petit point
de rouge vif éteincelant
le "Comment allez-vous
Mrs Dolittle et où
étiez-vous donc ces derniers temps ?
» (p. 55)
« Le moment venu, que lui soit accordée une fin digne, un arrêt cardiaque au milieu d'une dernière phrase à lui, de préférence les derniers mots d'un grand allez-vous-faire-foutre adressé aux fous avides de pouvoir qui règnent sur le monde. Ou mieux encore, de rendre l'âme dans la rue, en route vers un rendez-vous de minuit avec celle qu'il aime. » (p. 71)
« Le père, prisonnier de sa propre détresse, contemple la scène comme de l'extérieur, horrifié par ce qu'il vient de faire, se rétractant après l'éclat de fureur jailli de sa main, qui l'a conduit à attaquer son enfant, comme si, pour la première fois depuis qu'il est père, il commençait à comprendre que les pères ont sur leur fils un pouvoir illimité et qu'abuser de ce pouvoir, c'est se changer en tyran et en brute épaisse. » (p.122)
« Ce qui me ramène à mon point de départ, à cette question sans réponse : que faut-il croire si on ne peut être sûr que ce qui est présenté comme un fait est vrai ? » (p. 164)


Une union avec Dieu ? La prière de Jésus Jn 17 (7ème dimanche de Pâques)

 

Est-il possible de savoir ce que Jésus a compris et vécu de son rapport au Père et partant de son identité de fils, de reconstituer sur ce point quelque chose de sa biographie, de connaître l’intimité du Jésus historique ? Pourquoi le faudrait-il puisque le dogme enseigne ce qu’il faut croire ? Quelle pertinence cela aurait-il et historiquement et dogmatiquement ?

Le Nouveau Testament est tout entier la relecture post-pascale, par les disciples, de ce qu’ils ont vécu et compris de leur rabbi. Remonter à Jésus indépendamment du témoignage des disciples est voué à l’échec. Cependant, pendant quelques siècles, convaincus dogmatiquement de la vision béatifique dont bénéficiait Jésus, on en avait oublié qu’il était un homme de foi et de prière. Jésus croit en Dieu, Jésus prie son Dieu, et ce d’une manière si originale qu’il met en crise le judaïsme et les religions, cause de sa mort.

Des affirmations, qu’elles soient de Jésus ou de ce que les disciples lui mettent sur les lèvres, expriment des éléments du lien entre Jésus et son Dieu. Jean offre même un chapitre entier constitué d’une prière de Jésus. Pour lui au moins, il n’est pas sans importance d’entendre Jésus prier, quand bien même ces paroles seraient sa propre reconstruction ou une reconstitution déjà reçue de la tradition.

Personne ne doute de ce que Jésus appelle ce Dieu Père, abba. Et l’on sait l’originalité scripturaire de ce qui s’impose dès la littérature paulinienne comme une évidence dans la pratique des disciples.

Qu’en est-il du lien entre le père, donc, et Jésus ? S’agit-il de filiation ? Curieusement, le mot fils est utilisé deux fois seulement pour désigner Jésus dans ce chapitre où, avant cette évidente filiation de la part d’un père, il semble que l’unité soit plus décisive.

Dans l’histoire, l’union de l’homme à Dieu, l’unité de l’homme avec la divinité, parfois appelée père, se rencontre ici où là. Les textes qui rapportent cela ne diminuent en rien l’originalité de ce que Jésus vit et saisit ; il ne les connaît pas. En revanche ils ont soufflé au long des âges aux disciples un vocabulaire et des tropes qui font que l’on ne peut les ignorer.

Des hommes et des femmes, à la suite de Jésus, ont aussi parlé d’unité avec le père et le fils, expression de leur destinée. Ils reprenaient explicitement ou retrouvaient seulement une expérience rapportée par des textes qui ignorent tout de Jésus. Cette union prend la forme de celle des amants en leur accouplement, se fondant l’un en l’autre ; et c’est ainsi qu’a souvent été lue le Cantique des cantiques. Mais son érotisme, son aspect charnel, a sans doute invité à penser, à tort ou à raison une union, supérieure, des esprits.

Nombre de disciples disent l’union avec Dieu, avec le Père ou Jésus, de telle sorte qu’il leur paraît ne faire plus qu’un avec lui, au point de ne plus exister par eux-mêmes mais seulement en lui. Certes, l’union avec l’absent crée une situation qui oblige à parler analogiquement ou plutôt elle est re(con)duite à un désir, elle se dit comme désir.

Cela n’a rien de surnaturel, de magique, d’exceptionnel. C’est la vie dans l’Esprit, c’est la vie de l’Esprit dans les disciples qui tentent de se laisser enflammer par l’amour de celui qui donne sa vie pour ses amis. « Il faut insister sur le fait que l’objet de l’expérience n’est pas Dieu, car il ne saurait être contenu à l’intérieur des limites humaines. Tout l’émoi et tous les effets ‑ ces scories de la rencontre ‑ sont de notre côté, ils sont l’empreinte du visiteur une fois celui-ci parti. » (R. Burrows)

Ce que nous pensons aujourd’hui de l’inconscient interdit de faire une motion divine d’un état émotionnel original. Les grands spirituels de la tradition se méfiaient finement de ces états. Jésus existe dans le retrait de la préoccupation de soi, pour exister pour l’autre, Dieu et les frères, le père par les frères et sœurs. Tout l’évangile en témoigne. Sa vie est unité, union, unification à tel point que ses rencontres sont la fraternité avec tous qui en devient comme tangible et qu’il comprend comme don reçu. Ainsi il dépose sa personne en l’amour, il s’expose à l’amour du Père ; il tutoie l’indicible et se tient là, persévère dans l’existence, « tient bon comme s’il voyait l’invisible ». La sainteté de Dieu le sanctifie : il est « saint comme le père est saint »

Son unité avec le père est comme toute son existence, pour les autres. Si nous autres vivons, que nous le sachions ou non, comme lui dans le retrait de la préoccupation de soi pour exister pour l’autre, nous touchons la fraternité avec lui, avec les autres quand bien même ce n’est que dans une douloureuse fugacité, déchirure comme une éclaircie dans le ciel, désir de (l’union avec) lui.



08/05/2024

Elle se trompe, l'Eglise, elle trompe le monde. Pierre Claverie

« Nous sommes là-bas à cause de ce Messie crucifié. À cause de rien d’autre et de personne d’autre ! Nous n’avons aucun intérêt à sauver, aucune influence à maintenir. Nous ne sommes pas poussés par je ne sais quelle perversion masochiste ou suicidaire. Nous n’avons aucun pouvoir, mais sommes là comme au chevet d’un ami, d’un frère malade, en silence, en lui serrant la main, en lui épongeant le front.  À cause de Jésus parce que c’est lui qui souffre là, dans cette violence qui n’épargne personne, crucifié à nouveau dans la chair de milliers d’innocents. Comme Marie, comme saint Jean, nous sommes là au pied de la Croix où Jésus meurt abandonné des siens, raillé par la foule.  Est-ce que ce n'es pas essentiel pour un chrétien d’être là, dans les lieux de souffrance, dans les lieux de déréliction, d’abandon ?

Où serait l’Église de Jésus-Christ, elle-même Corps du Christ, si elle n’était pas là d’abord ? Je crois qu’elle meurt de n’être pas assez proche de la Croix de Jésus. Si parodoxal que cela vous paraisse, et saint Paul le montre bien, la force, la vitalité, l’espérance, la fécondité chrétienne, la fécondité de l’Église viennent de là. Pas d'ailleurs, ni autrement. Tout le reste n'est que poudre aux yeux, illusion mondaine.

Elle se trompe, l’Église, et elle trompe le monde, lorsqu’elle se situe comme une puissance parmi d’autres, comme une organisation , même humanitaire ou comme un mouvement évangélique à grand spectacle. Elle peut briller, elle ne brûle pas du feu de l’amour de Dieu, « fort comme la mort » comme le dit le Cantique des cantiques. Car il s’agit bien d’amour ici, d’amour d’abord et d’amour seul. Une passion dont Jésus nous a donné le goût et tracé le chemin. “Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime”… »

Homélie du 23 juin 1996, Prouilhe (La Vie spirituelle, 1997, pp. 833-834). version de la liturgie des heures, propre d'Afrique du nord, 8 mai. Assasiné le 1er août 1996.


Mgr Pierre Claverie

07/05/2024

Un grand vide, une blessure (Ascension)

S. Dali, L'Ascension du Christ 1958, huile sur toile, 115 x 123 cm, collection privée

 

L’épisode de l’ascension dit plusieurs choses à la fois : l’identité de l’homme Jésus dans sa relation à celui qu’il appelle son Dieu et père ; la vie à laquelle la mort ne mettrait pas un terme ; la cardinalité de la chair : il n’est pas d’humanité qui ne soit vulnérable et trouve dans cette contingence la possibilité de la jouissance.

Plus jamais ne s’opposent éternité et éphémère, fragilité et dignité ‑ ce qui vaut, ce qui vaut le coup ‑ joie et douleur. Se dessine une anthropologie singulière, toujours intempestive, contre laquelle s’élève aussi bien le scandale de la souffrance que le réalisme de l’observation. Contre les religions, il est dit que la vraie vie n’est pas ailleurs que dans l’hic et nunc de la chair – la chair est par définition située, dans le temps et l’espace. Contre le bon sens et l’observation, l’utilité et la rentabilité, il est dit que la vie est fondamentalement gratuité, qu’elle vaut pour soi, en soi, injustifiée, don si l’on veut, ce qui nous échoit sans que nous n’ayons rien demandé, pour le meilleur et pour le pire, joie de vivre, douleur lancinante de la rupture irréversible de la mort.

Si l’on traduit le mot chair pour l’entendre plus aisément, notamment après Freud, on pourrait parler de sexe. (On évitera de confondre sexualité et génitalité !) Comme la chair, le sexe est jouissance et pire des violences et souffrances (que l’on pense aux viols, aux prises de corps, aux possessions, à la puissance). Comme elle, il est fragilité et dépassement de soi.

Cette traduction permet de penser une anthropologie de la relation, l’être humain n’est pas sans les autres. La chair, par sa contingence, est moins finitude qu’ouverture. Elle est appel à ce qu’elle n’est pas, ce dont elle manque, depuis le besoin jusqu’au désir, depuis l’envie ‑ et pire l’envieux ‑ jusqu’au désir de Dieu.

Jésus disparaît dans la nuée qui le soustrait aux yeux des disciples comme derrière la pierre du tombeau. Son absence avive une brûlure, celle du désir non pas tant de le retenir que de demeurer en sa présence, demeurer en son amour, comme dirait saint Jean. Et cela n’est possible que dans sa disparition, rupture de la relation qui instaure l’ère du désir.

À la mesure sans mesure
De ton immensité
Tu nous manques, Seigneur.
Dans le tréfonds de notre cœur
Ta place reste marquée
Comme un grand vide, une blessure.

L’anthropologie que dessine l’ascension n’est pas une théorie, une vision du monde, un système de penser, mais un acte. Exister comme humain est un acte qui a pour nom agapè, charité, amour. Amour de Dieu, certes, si cela a un sens, amour des frères assurément, parce que le Dieu de Jésus ne se dit pas ailleurs qu’avec les frères, dans la chair, hic et nunc, dans la fragilité, dans le tout ou rien des relations, pour le meilleur et pour le pire, une fois encore.

Le mythe de l’ascension, fictionnel, dit le réalisme glèbeux, incontournable, de la chair. Il disparaît à leurs yeux pour qu’ils regardent les frères qui sont son corps et auxquels ils devront se vouer, se lier par des vœux, s’ils veulent demeurer en son amour, jusqu’à la fin des temps, fin – à tous les sens du terme – de leur vie.

On en apprend un peu de l’identité de l’homme Jésus. Assurément, il ne se réduit pas à l’individualité de sa personne puisque la chair qu’il a pour corps est l’humanité entière. De qui d’autre pourrait-on dire cela ? A faire disparaître Dieu derrière et dans les frères, il élargit son corps et la fraternité aux dimensions de l’humanité. On comprend que le prophète ordonne de renforcer les piquets et d’allonger les cordages : déployer pour d’autres, pour les autres, todos, todos, todos, la tente qui t’abrite.

L’effacement de Dieu au profit des frères, à commencer par les plus méprisés et écrasés, est révélé par toute la vie de Jésus et scellé dans l’abandon ou la disparation du Père que manifeste le pourquoi du Golgotha face au mal, sans réponse jusqu’à la consommation des siècles. Il engage un autre effacement, abandon et disparition aussi, celui de Jésus, soustrait au regard des siens. Puis d’autres, indéfinis, à sa suite, dans le renoncement à eux-mêmes de ceux qui se reçoivent frères et sœurs de tous par le service.

Dans ce triple effacement se joue une reconnaissance de paternité. Jésus est reconnu comme fils ; « moi, aujourd’hui, je t’ai engendré » et ceux qui servent à sa suite. « Resplendissement de sa gloire, effigie de sa substance, ce fils qui soutient l’univers par sa parole puissante, ayant accompli la purification des péchés, s'est assis à la droite de la majesté dans les hauteurs, devenu d’autant supérieur aux anges que le nom qu’il a reçu en héritage est incomparable au leur. Auquel des anges, en effet, Dieu a-t-il jamais dit : Tu es mon Fils, moi, aujourd’hui, je t’ai engendré ? Et encore : Je serai pour lui un père, et lui sera pour moi un fils. » (He 1, 5)

 


 Looking at the Masters: Ascension and Assumption by Beverly Hall ... 

Des pieds. La nuée, pierre qui obstrue la vue comme à la tombe, mort, amputation qui fait vivre un corps, celui des disciples, de l'humanité. Rupture instauratrice. Vouloir toucher et conserver ou pouvoir (se) bouger quite à se perdre. Qui garde sa vie la perdra. Il en va de même avec Dieu, qui le garde le perd.
v. 1180 Psautier de Fécamp

Peut être une image de 2 personnes, bateau et Camogli
Biennale de Venise 2024. Pavillon du Vatican. Prison de femmes de la Giudecca