L’évangile que nous venons d’entendre (Jn 20, 19-23) est un
extrait de l’apparition aux Onze, alors que Thomas n’est pas là. Notre texte se
finit abruptement, parce qu’il ne retient pas le deuxième volet de l’épisode,
avec la présence de Thomas, dès le verset suivant.
La transmission de l’Esprit, l’envoi en mission, l’assemblée des
Onze, l’apparition du Ressuscité et le don de la paix sont un seul et même évènement,
un seul mystère, Dieu qui se donne. La communauté ne reçoit pas l’Esprit pour
elle, mais pour la mission. La mission n’est pas tant annonce que présence du Ressuscité.
Il est notre paix, il est la libération du mal, « délivre-nous du mal ».
L’Esprit, présence et présent du Ressuscité donne à la communauté de délier du
mal qui enchaîne, ou de maintenir ce lien, parce qu’on ne peut être délivré du
mal si l’on refuse de cesser de s’y adonner.
Notre théologie a tellement saucissonné les facettes de l’histoire
du salut, ici de la résurrection ‑ le catéchisme et l’insistance sur l’année
liturgique plus encore ‑ que l’on oublie l’unité de la mission de Jésus et
que l’on ne se rend plus compte de ce que l’on croit.
C’est l’Esprit même de Jésus, qui est aussi l’Esprit du Père, qui
nous est donné. Nous rendons-nous compte de ce que nous confessons ? Nous
sommes habités par l’Esprit du Saint ! Nous rendons-nous compte ? A
voir la médiocrité de nos vies, rien n’est moins sûr.
Comment pouvons-nous encore nous laisser aller au péché ?
Dans l’évangile de Jean, plus carrément encore que dans les Actes,
c’est la communauté qui reçoit l’Esprit, c’est le corps qui est vivant, animé
par l’Esprit. Personne n’a l’Esprit sans les autres. Nous n’avons part à
l’Esprit que pour autant que nous avons part au corps.
Avec sa mort, ce n’est pas seulement Jésus qui est englouti par
l’abîme mais la communauté. Chacun fuit et se disperse ; son corps disparaît,
dissout par la peur et l’infidélité. C’est le corps des disciples qui
ressuscite. Le corps rassemblé des disciples est le corps du Ressuscité. Libérés
des liens du mal et de la peur, ils partent vers de nouveaux horizons, se
retrouvent et se manifeste et se déploie la vie de Jésus, la vie qu’il partage.
Comme depuis le début de l’évangile, Jésus n’existe pas sans son corps. Alors
que le corps se relève, que le corps comme les ossements desséchés de la
prophétie d’Ezéchiel se rassemble, Jésus est vivant, l’Esprit trouve une chair
à vivifier, à animer.
Offrir le corps que l’Esprit anime, c’est notre mission. Nous ne
sommes pas disciples pour avoir un dieu à prier. Nous sommes disciples pour
donner une chair, un corps au Seigneur, que l’Esprit puisse habiter. Moins
notre société se réfère à l’évangile, plus se fait nécessaire notre soin de la
communauté. Ne pas prendre soin de ce corps c’est piétiner ce que nous disons
honorer à venir communier au corps du Seigneur.
La première mission de l’Eglise consiste à rendre Jésus présent au
milieu du monde, non pas comme ferait la pub, non par tapage, mais sans rien
dire ni faire, si ce n’est à être son corps. Est-ce évident aux yeux de tous, à
nos propres yeux, que le Seigneur a un corps, au milieu du monde, non comme un
cadavre en décomposition, qui pue, dont tous se moquent y compris ses membres,
mais comme le vivant qui libère du mal, qui délie du mal ? En ce corps, il
ne se fait pas (ne devrait pas) faire de mal comme sur la montagne du Seigneur (Is
2, 3-5 et 11, 9).
Y aura-t-il dans les sociétés des lieux de paix et de relèvement,
de résurrection ? Le Ressuscité annonce par la communauté, par son corps, la
paix et par la communauté de son corps relève ceux que sa mort avait abattus. Serons-nous
un de ces lieux ?
C’est seulement cela notre mission, la vérité et la qualité de la
relation, de la vie entre nous comme avec tous. Non pour qu’entre nous ‑ faut-il
le redire ‑ nous soyons bien, souhaitant que personne ne vienne perturber
notre pré-carré, mais pour offrir au monde un havre de paix, pour donner envie
que le monde entier soit havre de paix, pour témoigner que la vocation de l’humanité
est la paix.
Que prenne le feu de la Pentecôte, qu’il s’empare de notre
assemblée, vivifie le corps que nous formons et nous consume en une contagion de
paix.
Esprit de vie, anime le
corps des disciples pour que l’Eglise ne soit pas un cadavre, fût-il embaumé,
mais la présence du Ressuscité auprès des hommes et des femmes de toute culture,
langue, peuple et nation.
Esprit de paix, inspire aux
gouvernants les mots de la concorde alors que la pandémie n’a pas amélioré les
relations entre les nations, et que les guerres tuent infiniment plus de
personnes que la covid.
Esprit de vérité, souffle à
chacun de chercher la vérité en toute chose, de rejeter le mensonge, les
théories complotistes, et autres fakes. Il en va autant de la survie des
démocraties et de la liberté que de la possibilité pour chacun de vivre d’authentiques
relations humaines.
Esprit de sainteté,
insuffle en chacun des baptisés le désir brûlant d’être attachés à Jésus de
sorte que nous fassions l’expérience de ta miséricorde et soyons toujours plus
transformés par sa parole.