La passion selon Marc s’ouvre par une onction, comme
l’embaumement d’un corps. Le ton est donné. S’enchaîne alors les trahisons de
Pierre puis de Judas. Mais rien, surtout pas le mal, n’arrête la course
salvifique de Jésus qui rassemble encore les Douze autour du repas, qui
rassemble la totalité pour partager le pain qui donne vie, pour donner sa vie à
l’humanité.
Au jardin, un baiser, Marc le dit en passant, laconiquement.
Le signe de l’amour pour livrer, pour tuer. La perversion est à son comble.
Tuer sous prétexte d’aimer, tuer sous les dehors de l’amour. Les ennemis de
Jésus ne sont pas des gens de l’extérieur, mais Pierre et Judas, deux
disciples, deux des Douze !
Aujourd’hui, qui assassine Jésus ? Les laïcards de la
République, les terroristes et intégristes islamistes au Pakistan, en Syrie, en
Inde, en Irak, au Nigéria, en Lybie… Sans doute. Mais malheureusement pas
seulement. Il en est, des disciples, qui sous prétexte de défendre l’Eglise,
assassinent Jésus. Il en est, des disciples, qui pour se protéger, eux et leurs
intérêts, leur idéologie, assassinent Jésus.
Qui sont-ils ? Les mal-croyants pas pratiquant ? Les
divorcés remariés et ceux qui ont vécu l’échec ? Les migrants et les
paumés, les Roms qui envahissent nos rues et mendient de façon indécente ?
Les homos qui imposent leur sexualité à l’exposer publiquement ? Ceux qui
osent prétendre que la miséricorde l’emportent sur le dogme, parce que le seul
commandement, c’est celui de l’amour du frère qui est égal à l’amour du Père ?
Etc.
La foi ne mourra pas des ennemis de l’Eglise car le sang des
martyrs est semence de chrétiens. Elle mourra de la faute des disciples. Pierre,
Judas… et nous. Nous avons confisqué Jésus, nous avons confisqué la miséricorde
divine. Nous faisant propriétaires de la vérité nous la travestissons, nous la
faisons mentir.
Comment échapper à pareil réquisitoire ? Il n’y a qu’une
solution. Consentir au chemin de la mort. Celui qui garde sa vie la perdra et
avec elle Jésus et l’évangile. Qui perd sa vie la sauvera.
« Le
Carême est un temps propice pour demander au Seigneur, "pour chacun de
nous et pour toute l’Eglise", la "conversion à la miséricorde de
Jésus". Trop souvent en effet, les chrétiens "se font une spécialité
de fermer la porte au nez des personnes" qui, usées par la vie et par
leurs erreurs, seraient en revanche disposées à recommencer, "des personnes
dont l’Esprit Saint bouge le cœur pour les faire aller de l’avant."
« "Toi tu ne peux pas, non, tu ne peux pas ;
tu as commis une erreur ici et tu ne peux pas. Si tu veux venir, viens à la
Messe dimanche, mais restes-en là, n’en fais pas davantage". C’est ainsi
que "ce que fait l’Esprit Saint dans le cœur des personnes, les chrétiens
à la psychologie de docteurs de la loi le détruisent". Aujourd’hui aussi
il existe des chrétiens qui se comportent comme les docteurs de la loi et
"font la même chose que ce qu’ils faisaient avec Jésus", en
objectant : "Mais celui-là, celui-là profère une hérésie, cela ne
peut se faire, cela va à l’encontre de la discipline de l’Eglise, cela va à
l’encontre de la loi". Et c’est ainsi qu’ils ferment les portes à tant de
personnes. C’est pour cela que "nous demandons aujourd’hui au
Seigneur" la "conversion à la miséricorde de Jésus": c’est
seulement ainsi que "la loi sera pleinement accomplie, parce que la loi
est d’aimer Dieu et son prochain comme nous-mêmes." » (François,
Homélie 17 mars 2015)
Des Eglises déchirées, alors que même ta tunique ne l’a pas
été, Seigneur prends pitié !
Des catholiques divisés lorsqu’il faut annoncer l’évangile
de miséricorde, alors que tu pardonnes à tes traitres de disciples, Seigneur
prends pitié !
De ce monde à feu à sang, alors que tu viens instaurer un
royaume de paix, Seigneur prends pitié !
De ceux qui souffrent, n’en peuvent plus, de la folie qui
jette dans la mort des dizaines de vies à qui l’on n’a rien demandé, Seigneur,
prends pitié !
De nous-mêmes, encore si peu convertis à ton amour, Seigneur prends pitié !