Durant la retraite de première communion, nous avons essayé
de conduire les enfants sur le chemin de l’eucharistie. Il s’agit évidemment de
dire le plus important. Et par quoi commencer sinon par ce que signifie le mot,
non traduit du grec, seulement transcrit. Eucharistie, action de grâce,
remerciement, merci. L’eucharistie est la manière pour les disciples de Jésus
de dire merci à Dieu. Nous ne disons pas merci pour le pain reçu, action de
grâce après la communion. Nous faisons l’action de grâce, nous disons merci en
communiant, en recevant le pain.
Mais de quoi dire merci ? Qu’est-ce que Dieu nous
donne ? Dans un monde sorti de la religion, dans un monde de la cause et
de l’effet, il devient bien difficile de repérer l’action de Dieu. Nos
benedicite sont des rites qu’il ne faut pas trop interroger. Prendre un moment
de prière, alors que l’on est rassemblé, alors que ce qui se passe est
important, se nourrir et se rencontrer, c’est sans doute très bien. Mais
remercier le Seigneur qui aurait rempli notre assiette, c’est plus difficile.
N’aurait-il donc pas rempli l’assiette de tous ces enfants qui meurent de
faim ? Quelle horreur !
Ainsi donc, de quoi dire merci ? Que signifie dire
merci à Dieu ? La seule chose, si l’on peut dire, que Dieu nous donne,
c’est son amitié, son amour. Et son amour c’est Dieu lui-même. La seule chose,
si décidément on peut dire, que Dieu donne, c’est lui-même. Et nous lui disons
merci de s’offrir à nous, d’être le compagnon de route, d’être celui qui
déclare, à tout bout de champ, tu es mon
enfants bienaimé ; tu as du prix
à mes yeux.
Nous voilà aimés, non seulement de nos parents, amis, et
autres. Nous voilà aimés par Dieu même. Et cela nous transforme, comme tout
amour. Cela nous transforme en celui que nous recevons, comme tout amour. Cela
élargit, dilate notre vie. Alors, oui, merci, nous rendons grâce à Dieu.
Nous rendons grâce à
Dieu, parole que nous répétons au cours de l’eucharistie précisément, dans
le chant du gloire à Dieu, pour acclamer les lectures, pour ouvrir la grande
prière, et au moment d’aller en paix, sur les routes du monde, envoyés en
mission. Quatre moments de la célébration comme chacun sait, quatre expressions
de notre merci.
Et comment fait-on pour remercier Dieu. Et bien, j’en
conviens, c’est un peu curieux, encore qu’à bien y penser, il n’y a pas bien
d’autres moyens. Pour rendre grâce à Dieu, nous tendons les mains, nous rompons
le pain que nous partageons. Pour remercier Dieu, il nous faut encore
recevoir !
Ce n’est pas si étrange, car que pourrions-nous
donner ? Quel cadeau conviendrait à Dieu ? Les colliers de nouilles
ne font guère plaisir si ce n’est la joie d’offrir sa joie, mais ils ne sont
supportables que de la part des petits. Allons-nous offrir au bon Dieu des
colliers de nouilles spirituels ? Oh oui, si nous avons cinq ans !
Après, mieux vaut retourner les mains, les ouvrir pour recevoir, encore,
toujours.
Si nous disons merci, c’est que nous reconnaissons l’autre
avant nous. Nous ne pouvons nous prendre pour la source. Pour rendre grâce à la
source de sa gracieuse générosité, il faut boire, se désaltérer, à profusion.
Il faut ouvrir les mains si grand pour retenir un peu de la surabondance. Je suis venu pour que les hommes aient la
vie et qu’ils l’aient en abondance.
Et que fait-on lorsque l’on a communié ? On ouvre les
yeux, on reste debout, et l’on contemple le corps du Christ se nourrir du corps
du Christ. On regarde l’assemblée communier, rendre grâce, et nous sommes
entraînés à ne former qu’un seul corps, et nous sommes émerveillés de tant de
générosité du Dieu qui ne cesse de s’offrir.
Le pain de l’action de grâce, nous allons aussi en conserver
pour les absents. Nous allons le conserver comme ce qui fait vivre. Rien de
plus, rien de moins. S’il est un second mot à dire de l’eucharistie, c’est
celui de communion. Elle est merci qui fait la communion.
Les disciples de Jésus, enfants d’un Père prodigue, généreux
à profusion, qui gaspille son amour, se reconnaissent à ce que, pour eux, vivre
c’est dire merci ensemble. Vivre, c’est reconnaître, au sens d’être
reconnaissant, et nous ne pouvons l’être qu’ensemble. Nous reconnaissons le
Père et son amour et nous sommes unis à lui comme le corps de son fils. Rendons grâce au Seigneur notre Dieu ;
cela est juste et bon.