Lorsqu’on lit l’apôtre Paul, le plus ancien auteur chrétien
dont nous ayons des écrits, et qu’on le compare avec les évangiles, on constate
des différences importantes. C’est certes le style propre à chaque auteur, mais
surtout la manière de présenter Jésus. Chez Paul, à la différence des
évangiles, on ne voit pas Jésus sur les routes, à la rencontre des gens.
Certains accusateurs du christianisme font de Paul son
inventeur contre Jésus. De fait Jésus n’a rien inventé, surtout pas une
nouvelle religion. Mais Paul n’a rien inventé non plus, il s’est compris comme
disciple, serviteur, esclave de Jésus.
Qu’est-ce que les communautés fondées par Paul connaissaient
du Jésus que nous livrent les évangiles ? Faut-il penser que la
prédication de Paul était différente de vive voix et dans ses lettres ?
Cela semble curieux. Il y aurait donc un évangile de Paul ‑ c’est une de
ses expressions – qui ne raconterait pas grand-chose de la vie de Jésus.
Que dit cet évangile ? Son point de départ semble les
questions que se posent ses destinataires sur la vie, leur attente de la
justice, leur déception de vie commune en famille comme dans la cité, leur
désir de servir un Dieu qui permette de ne pas recourber ce monde à ce que les
puissants en manipulent. Le point de départ, ce sont aussi les questions qu’il
pose lui-même, les questions que l’on ne se pose pas, par confort et sommeil
dogmatique, comme on dira plus tard, à cause des chrétiens installés, contre
cet évangile.
Paul, c’est l’expérience du péché. Rendez-vous compte. Au
nom de Dieu il a persécuté, mené à la mort. Faire de Dieu la cause du mal,
n’est-ce pas le péché le plus terrible ? Non seulement criminel, mais
criminel pour faire le bien, entraînant Dieu dans le mal, tuant ainsi Dieu
lui-même. Y aura-t-il une délivrance, une rémission, un salut ? Si c’est
l’observation de la loi qui a conduit à pareil mal, seule la gratuité de
l’amour qui disqualifie la loi, non par anarchisme, mais parce qu’elle est
toujours trop étroite, a la force de nous relever, de nous ressusciter.
Et comment l’amour nous aura-t-il ainsi relevés ? Par la
destruction de l’injustice, par la destruction d’un homme qui dans l’histoire
représente et rassemble toutes les justes bafoués. Un juste parmi les justes,
peut-être le seul juste véritable, à été tué pour sa justice. A dire vrai,
lorsque ce juste parlait de justice, il parlait de Dieu : cherchez d’abord le royaume et sa justice,
et tout le reste vous sera donné de surcroît. Jésus a été tué à cause de
Dieu. Les religions tuent pour faire le bien, qu’elles soient théistes ou
athées. Le plus grand crime, c’est de tuer Dieu au nom de Dieu, ce que l’on
continue à faire lorsque l’on transforme l’évangile en force d’oppression.
Qui donc est cet homme qui conforme sa vie à la justice de
Dieu, qui engage sa vie pour défendre la cause de Dieu ? Qui osera
défendre la cause de Dieu, non par la force des armes, mais par la faiblesse et
l’acceptation du mépris ? Qui osera défendre le Dieu tout-puissant des
religions en s’identifiant au paria ? Le seul qui fit de Dieu l’amour
seul, la gratuité seule, renversant par le fait-même, tout ce qu’on avait
toujours pensé de Dieu, tout ce que l’on pense toujours de Dieu. Il disperse les superbes, renverse les puissants de leur trône, renvoie les riches les mains vides.
Voilà l’évangile de Paul. Dans ces conditions, il ne semble
pas utile de parler de Marie. Son prénom n’apparaît pas dans ses lettres, et l’on
ne trouve qu’une allusion dans les Galates. Dans ces conditions, point de
miracles ni de paraboles, point ou presque aucune parole rapportée. Seulement
la présentation de cette chose extraordinaire : cherchant à vivre malgré l’injustice
que nous commettons si nous sommes comme Paul, ou que nous subissons, si nous sommes
comme ceux auxquels Jésus s’est identifié, malgré le fait que nous ne fassions
pas le bien que nous souhaitions mais le mal que nous ne souhaitons pas, malgré
le fait que les promesses d’une vie heureuse paraissent tromperie, nous pouvons
être saisis par celui qui relève, nous pouvons être bouleversés par la lumière qui enfin éclaire nos ténèbres.
Et si la fête de ce jour à un sens, c’est bien celui-là, que
semble accréditer notre seconde lecture. On ne parle pas de Marie mais de l’aventure
de la foi qui est libération. On ne parle pas de Marie mais de la résurrection,
et s’il faut parler de Marie, ce que la dévotion semble imposer plus que les Ecritures,
ce sera comme une de celles qui ont reçu la puissance de vie et d’amour du Dieu de
la grâce, de la gratuité, une des vivantes, ressuscitée.
Il aime. Pour rien, seulement parce qu’il nous aime. Il relève les humbles, et d’abord les persécutés pour la justice ; il comble de bien les affamés. Imaginez-vous un Dieu qui se penche sur son humble servante ? Non seulement sa grandeur le lui interdit, mais en plus, ce n’est pas pour appuyer et s’allier à un roi puissant, image de sa gloire, qu’il se courberait. C’est pour une servante et une femme ! Comment mieux dire, et pas seulement dans le contexte de la domination masculine de l’Antiquité, que Dieu est du côté du dernier, et que c’est cette position, qui donne à ce petit, au bout de l’agonie injuste, de reprendre souffle, de se réveiller, de ressusciter.
Il aime. Pour rien, seulement parce qu’il nous aime. Il relève les humbles, et d’abord les persécutés pour la justice ; il comble de bien les affamés. Imaginez-vous un Dieu qui se penche sur son humble servante ? Non seulement sa grandeur le lui interdit, mais en plus, ce n’est pas pour appuyer et s’allier à un roi puissant, image de sa gloire, qu’il se courberait. C’est pour une servante et une femme ! Comment mieux dire, et pas seulement dans le contexte de la domination masculine de l’Antiquité, que Dieu est du côté du dernier, et que c’est cette position, qui donne à ce petit, au bout de l’agonie injuste, de reprendre souffle, de se réveiller, de ressusciter.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire