500ème publication !
Jésus descend de la Jérusalem céleste jusqu’en nos Jéricho
jamais vraiment converties, relève ceux que le mal et notre péché ont laissés
moribonds aux fossés de la société. Nous sommes, nous, de ces moribonds,
blessés, agonisants, sous le poids du mal, le nôtre ou celui dont nous sommes
victimes.
Jésus, comme un étranger, né du Père avant tous les siècles,
vient nous soigner, prendre soin de nous, nous sauver. C’est lui le samaritain
qui se fait prochain de tous. Avec l’alcool de son vin il désinfecte la
pourriture de nos vies et sociétés ; avec son huile, comme un baume, une
pommade, il apaise nos douleurs.
Sa miséricorde est sans limite, décrite par Luc dans son
extravagance. Il est pris aux tripes dit le texte. Il se détourne de son
chemin, nous soigne, nous conduit à l’auberge sur sa propre monture, pendant
que lui, forcément, marche à côté ; il paie l’aubergiste et s’engage à
rembourser d’autres frais. Il ne regarde pas à la dépense et se dépense sans
compter. « J’ai vu la misère de mon peuple » comme avait dit Dieu à
Moïse.
La miséricorde du samaritain constitue un appel et une
responsabilité à être « miséricordieux comme le Père ». Le chemin de
la mission passe par là. C’est à l’amour que nous aurons pour tous,
spécialement les plus amochés par la vie, que nous serons les témoins de notre
Seigneur. Et comment annoncer ce Seigneur autrement qu’en étant ses
témoins ?
Il y a cinquante ans, Paul VI concluait le concile Vatican II
en faisant allusion à notre parabole. « La vieille histoire du bon Samaritain a été le
modèle et la règle de la spiritualité du Concile. Une sympathie sans bornes
pour les hommes l’a envahi tout entier. La découverte et l’étude des besoins
humains (et ils sont d'autant plus grands que le fils de la terre se fait plus
grand), a absorbé l’attention de notre Synode. »
Un des traits caractéristiques de l’Eglise vécu lors du
Concile aura été ce regard miséricordieux. L’Eglise a sans doute condamné le
mal et elle le doit encore. Dire non à tout ce qui tue et avilit. Ce faisant,
elle est déjà du côté de ceux qui souffrent (sauf si elle ne fait que dénoncer
ce qui s’attaquerait à ses propres intérêts).
Cinquante ans plus tard, en cette année de la miséricorde,
François citait son prédécesseur. La miséricorde demeure la règle de conduite
de l’Eglise, des chrétiens. Regarde avec le cœur, viens aux secours, et lorsque
tu auras accueilli tous les damnés de l’histoire, alors il sera temps de juger,
si cela est encore possible. On ne regarde pas les gens de la même manière
quand on les connait comme un problème par les médias (migrants, violence,
banlieues) ou quand on a cheminé avec eux, les écoutant, les soignant.
Le Concile, dit François, a ouvert une porte sur le monde,
comme les portes de l’année sainte sont ouvertes à Bangui, capitale d’un pays
saigné, à Rome, en chaque diocèse. « Partout où il y a une personne,
l’Église est appelée à la rejoindre pour lui apporter la joie de l’évangile et
pour apporter la miséricorde et le pardon de Dieu. Une poussée missionnaire,
donc, qu’après ces décennies nous reprenons avec la même force et le même
enthousiasme. » Ce pontificat et l’année sainte invitent à choisir la
miséricorde comme clef d’interprétation et de vérification de l’annonce chrétienne,
de la vie chrétienne.
Que me sert de confesser la résurrection de mon Seigneur, si
je laisse crever à la mer des milliers de migrants, des frères ? Que me
sert de confesser la double nature du Christ, si je continue à entretenir le racisme
ordinaire et les discriminations de toutes sortes ? Que me sert de
confesser la Trinité sainte, si je profite du système et lèse économiquement mes
frères ? A quoi sert la morale de l’Eglise si mon Eglise refuse de manger
avec les pécheurs et moi d’être le gardien de mon frère ? Que me sert
d’affirmer la vérité si je préfère soutenir les prélats et dénonce les victimes
de pédophilie qui, de leurs plaintes, blessent l’Eglise ?
« J’aurais beau parler toutes les langues des hommes et des anges, s’il me manque l’amour, je ne suis qu’une cymbale qui résonne. J’aurais beau avoir le don de prophétie, connaître tous les mystères et toute la science, avoir la foi jusqu’à transporter des montagnes, s’il me manque l’amour, je ne suis rien. »
« J’aurais beau parler toutes les langues des hommes et des anges, s’il me manque l’amour, je ne suis qu’une cymbale qui résonne. J’aurais beau avoir le don de prophétie, connaître tous les mystères et toute la science, avoir la foi jusqu’à transporter des montagnes, s’il me manque l’amour, je ne suis rien. »
Pourquoi nous autres disciples de Jésus, en Eglise,
paraissons-nous redécouvrir ce qui depuis le commencement est le sens de
l’évangile ? Comment nous débouillons-nous pour tomber des nues jusqu’à
trouver fort peu traditionnel ce Pape et sa miséricorde, qui refuse de juger les
divorcés ou les homosexuels, pleure à Lampedusa et Lesbos, prend en charge les
réfugiés, chrétiens ou non, alerte sur l’usage que nous faisons de la terre,
notre maison commune, dénonce la finance et l’ultralibéralisme qui avilissent
tant de nos frères pour que quelques uns, nous, soyons plus riches, etc. ?
Même si le mot de miséricorde n’est pas dans le Credo, notre profession de foi ne raconte que cela en faisant
mémoire du Dieu qui se manifeste « pour nous les hommes et pour notre
salut ».
"Que me sert de confesser la résurrection de mon Seigneur, si je laisse c r e v e r à la mer des milliers de migrants, des frères ? Que me sert de confesser la double nature du Christ, si je continue à entretenir le r a c i s m e ordinaire et les discriminations de toutes sortes ? Que me sert de confesser la Trinité sainte, si je profite du système et l è s e économiquement mes frères ? A quoi sert la morale de l’Eglise si mon Eglise refuse de manger avec les pécheurs et moi d’être le gardien de mon frère ? Que me sert d’affirmer la vérité si je préfère s o u t e n i r les p r é l a t s et d é n o n c e les v i c t i m e s de pédophilie qui, de leurs plaintes, blessent l’Eglise ?", dixit PR.
RépondreSupprimerOui, trois fois oui, mais que c'est donc difficile et m'interdit quasiment d'oser dire que je suis chrétien. Tendre à l'être et faire un bout de chemin avec le rabbi Jésus est déjà exigeant.
Ashem (doctus cum libro) se plait à dire que le "superbe mot de Miséricorde vient de l'hébreu hèsèd qui signifie tendresse fondamentale, absolue, sans fond, sans fin. Miséricorde : corde tendue entre le cœur et la misère, en malmenant l'étymologie ..."
Je viens de citer un autre auteur auquel je m'adonne aussi régulièrement qu'aux pages de Patrick ; il s'agit de François Cassingena-Trévedy (prof, moine, artiste, musicien, poète) qui écrit, entre autres, dans les Etvdes.
Bon anniversaire pour la 500 ème ! Continuez, on vous lit.
Merci.
SupprimerVous aviez lu cela : http://royannais.blogspot.com.es/2016/03/le-vocabulaire-de-la-misericorde.html ?
Thank you for this
RépondreSupprimerMerci pour la référence de votre article très instructif sur le " Vocabulaire de la miséricorde ".
RépondreSupprimerJe découvre ou redécouvre qu'en dehors des seules homélies, on trouve ici d'autres écrits. " Mais pour les hommes, c'est impossible " ... de tout lire.
Ce qui me gêne, c'est d'être trop souvent d'accord avec vos prises de position, car j'aime assez la " disputatio ".