Dans le beau roman d'Erri de Luca, La nature exposée, p.49-50 (Gallimard 2017)
"Je regarde mes mains vidées des siennes. [...] Je respire par le nez, la bouche serrée dans le mors de mes dents.
Je
me dis que j'ai eu de la pluie sur mon champ, et que j'en ai profité
tant qu'il y en a eu. Inutile de regarder les nuages maintenant,
maintenant, il faut regarder par terre. Je me donne quelques bonnes
raisons, aucune ne m'aide.
Nous jouions aux cartes, j'étais
très fort pour les compter, je gagnais souvent. Quand c'était elle qui
gagnait, elle se moquait de moi, elle disait que je faisais la tête
quand je perdais.
"Tu ne sais pas perdre."
Je ne répondais pas mais dans mon for intérieur je pensais le contraire. Je sais le faire, je sais tout perdre.
Maintenant
qu'elle n'est plus là, je le lui dit dans le noir. Tu avais raison, je
ne sais pas te perdre. Je continue à crier dans mon cœur comme un poulet
égorgé.
Il n'arrive pas deux fois d'être aimé avec l'intensité
d'une mission. Pour beaucoup d'entre nous, ça n'arrive même pas une
seule fois."
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