05/11/2020

Les dix vierges, quelle drôle d'histoire ! Mt 25, 1-13 (32ème dimanche)

L’année liturgique touche à sa fin. Plus que trois dimanches et nous entrerons en Avent. La lecture de l’évangile de Matthieu se termine par les paraboles du chapitre 25, les dix vierges, les talents et le jugement dernier.

La parabole des vierges nous résiste. Qu’est-ce que ces femmes qui refusent de partager ? Pourquoi ne pouvaient-elles prendre chacune une compagne par la main ? Une lampe ne pouvait-elle pas éclairer la route pour deux ? Pourquoi l’époux ne pourrait-il rouvrir la porte ? Pourquoi, la porte fermée, l’époux ne sait pas reconnaître celles qui lui étaient promises ? Enfin, et non le moindre : qu’est donc cet époux qui se marie avec dix vierges ?

Il sera sage de ne pas répondre à ces questions. Si le récit n’est pas plus précis, c’est qu’il ne le juge pas nécessaire. Plutôt que de le compléter et d’ouvrir des pistes qu’il ne prend pas le temps d’instruire, laissons-nous provoquer par cette drôle d’histoire.

Ce qui est clair, c’est que certaines ont tout prévu, que le récit considère positivement, alors que d’autres, dites sottes, folles, n’ont pas pensé à ce qui importe.

Est également clair que le type de rencontres auquel ces femmes se préparent a l’importance d’un jour de noces. On n’arrive pas trop tard à son mariage, on ne rate pas l’heure de son mariage. Qui découvre le jour de son mariage qu’il n’a pas sa robe ou son costume et doit filer chez le marchand, faisant attendre et son conjoint et les invités ? On n’a jamais vu cela. Et c’est pire encore, car il ne manque pas d’huile, mais les cinq folles n’en prennent pas. Elles le font exprès ?

Les noces sont un rendez-vous qui jamais ne se rate ; il décide de la vie, rendez-vous des rendez-vous d’amour. Il ne s’agit pas de quelques minutes de retard, mais du moment ou d’un moment décisif de l’existence, il s’agit de l’existence.

Curieusement, le texte ne parle pas d’amour. Aviez-vous remarqué ? Mais il parle d’attente. Faut-il penser que le principe actif de la parabole réside dans cette substitution ? Certains penseraient-ils qu’attendre Dieu, c’est autre chose que de l’aimer ? Aimer Dieu, être chrétien, c’est précisément l’attendre. Les vierges folles aimaient-elles l’époux ; elles ne l’attendent pas, leur flamme est éteinte, et ce n’est pas l’huile des autres qui rallumera le feu de l’amour.

Avec Dieu, sommes-nous à aimer, et puisqu’il tarde, à attendre, ou bien, y a-t-il plus important dans l’existence que d’attendre celui qui pourrait ne jamais venir ? Attendre ainsi serait-il insensé, absurde, comme d’attendre Godot ? Ce qui se passe entre nous et Dieu, et ce d’autant plus qu’il tarde, est-ce une histoire d’amour et donc de manque, ou bien des devoirs, des règles, une morale qui nous cassent les pieds et nous gavent ? Pour échapper à ce manque, avons-nous appris à vivre sans huile ‑ inutile dès lors d’en prendre ‑ nous remplissant le ventre de l’esprit de maintes certitudes, ce que les anciens appelaient des idoles ? Est-ce insouciance de notre part ?

Ce qui fait problème d’après le texte, c’est que l’on puisse ne pas prendre d’huile, ne pas voir que nous sommes en manque. C’est pourquoi les discours de la présence, présence réelle, m’effraient. Il existe une mainmise sur le pain de l’eucharistie aussi. L’eucharistie ne bouche pas le trou du manque de Dieu, Dieu ne comble pas par une présence. Dieu ne nous gave pas. Sa place reste marquée comme un grand vide, une blessure.

Ces cinq folles ne seraient pas vierges, déjà offertes ; elles ont trouvé une présence sans attendre, disponible, ici et maintenant, sans délai. Parthenos signifie aussi jeune fille. Et c’est bien la jeunesse en nous que Dieu vient épouser, non nos jeunes années, mais nos vies dans toute la force de ce qu’elles promettent et à quoi elles sont promises, ouvertes, possibles.

Attendre Dieu parce que nous l’aimons, c’est ce que nous vivons plus évidemment encore alors que nous sommes privés du rassemblement dominical de la fraternité, alors que nous ne pouvons pas visiter ceux que nous aimons, alors que la fraternité humaine est blessée par une série d’attentats. S’il y a quelque chose que l’on ne peut pas rater, ce n’est pas de façon obvie un moment, mais l’attitude de toute une vie, chaque instant, la force même ténue de tout instant. Dieu épouse notre vie en ses possibilités, il s’enamoure de nos possibilités de vie. Cette force de vie est l’huile qui brille dans la nuit et éclaire notre route.

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