06/08/2021

« Cherchez à imiter Dieu. » (19ème dimanche du temps)

« Cherchez à imiter Dieu. » L’auteur de la Lettre aux Ephésiens (4, 30-5, 2) n’a peur de rien. Comment ne pas rire de son conseil ? Le non-croyants hausseront les épaules devant la projection des vertus humaines dans le ciel ; imiter Dieu est une manière mythologique et naïve de sacraliser la grandeur d’âme. Les croyants seront arrêtés par le blasphème : qui donc pourrait imiter Dieu, vivre comme Dieu ? Mieux vaut rire du ridicule de la démesure.

Comme souvent, lorsqu’il s’agit de réagir, nous isolons un propos sans prendre le temps d’écouter la suite. « Cherchez à imiter Dieu, puisque vous êtes ses enfants bien-aimés. Vivez dans l’amour, comme le Christ nous a aimés. » Bien-aimés, dans l’amour, il nous a aimés, trois fois le mot aimer, lorsqu’il s’agit d’expliciter ce que signifie imiter Dieu. On parle d’agapè, mot que le Nouveau Testament réserve pour désigner l’amour même de Dieu et partant, l’amour dont les disciples veulent vivre.

« Vivez dans l’amour » se dit avec le verbe peripateo, se promener, déambuler, souvent en échangeant avec les autres, depuis Aristote. Gare aux adeptes du fauteuil, aux cramponnés du conservatisme. Pour garder la foi de toujours, vivre et aimer, il faut marcher. Vivre dans l’amour est une marche, voire une simple promenade, rien de difficile, la vie comme une déambulation et une conversation fraternelle.

L’imitation de Dieu n’a rien à voir avec des exploits spirituels ou des tours de magie, l’arbitraire de la toute-puissance ou l’extrémisme de l’ascèse, de l’observance d’une loi et de rites. L’imitation de Dieu, c’est l’amour. Le plus prosaïque de l’amour, dans sa banalité et dans sa folie, banalité car quoi de plus ordinaire que l’amour, folie car l’amour en question n’est ni amitié ni désir mais charité.

On ne sait comment traduire agapè. La charité, dont Paul dit qu’elle est la plus grande, qu’elle ne passera jamais (1 Co 13), c’est le type de la relation que Dieu entretient avec nous, comme en lui-même. La charité, c’est Dieu même : « Dieu est amour » (1 Jn 4, 8 et 16).

Le modèle de l’amour entre nous, c’est Dieu, non l’auguste immobile, mais le mouvement de vie, l’élan vital, tourné vers les autres, qu’il est lui-même. « Cherchez à imiter Dieu » signifie chercher à faire de nos vies un mouvement tourné vers les autres, mouvement de vie qui fait vivre, qui tire de l’indifférence comme d’un néant, et révèle chacun, digne d’être considéré, aimé.

Imiter Dieu est indistinctement, inextricablement, garder les yeux rivés sur Jésus, ne voir que lui, pour voir les frères comme il les voit, il s’est donné pour eux. Vivre, suivre le Christ n’est pas une affaire d’opinion, de conviction. C’est un mode d’être.

Imiter Dieu, aimer comme Dieu, ce n’est cependant pas exactement faire comme lui. Dieu n’a pas les yeux fixés sur lui-même ! Dieu aime, nous ne pouvons, du moins en ce qui le concerne, que nous laisser aimer. « Pour nous, aimer [Dieu], c’est nous laisser aimer » (R. Burrows). Nous ne savons jamais si nous l’aimons. Ce peut toujours être illusion. Nous savons si nous aimons les frères. Nous croyons que Dieu nous aime, nous nous abandonnons à cet amour pour dilater en nous ce qu’il est. C’est ainsi que nous cherchons à l’imiter. C’est ainsi que nous nous aimons les uns les autres comme il nous aime (Cf. Jn 13, 34).

Reste à savoir si nous avons envie de l’imiter, si, pour nous, être disciples, être chrétiens, être baptisés, c’est chercher ou non à l’imiter. Ce n’est peut-être pas seulement devant l’énormité de la Lettre aux Ephésiens que nous riions, mais pour ne pas en venir à l’extrême auquel nous engage le nom que nous portons.

« N’attristez pas le Saint Esprit de Dieu, qui vous a marqués de son sceau en vue du jour de votre délivrance. […] Oui, cherchez à imiter Dieu, puisque vous êtes ses enfants bien-aimés. Vivez dans l’amour, comme le Christ nous a aimés. »

1 commentaire:

  1. "Déambuler"... c'est ce que font ceux que l'on appelle les "déments" et que je préfère appeler "présents", ou "anges", comme dit Bobin. Et si ceux qui ont oubliés les mots et ne restent que dans le logos, la relation gratuite, la prière (pour parler avec Lévinas), nous montraient le chemin. "Oiseaux qui s'échappent du filet de l'oiseleur"... "chevaucheurs des nuées", les plus âgés sont nos maitres en amour!
    D Rivière
    (en référence à "Sur l'autre rive de la vieillesse" Ed Erès 2017)

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