27/10/2023

Dieu à hauteur du prochain Mt 22, 34-40 (30ème dimanche du temps)


 

Il faut mettre Jésus à l’épreuve. Et lui, loin de répondre en Normand, expose de façon la plus provocante, sa pensée, sa pratique, sa vie. Il y a assurément deux commandements, dont, à eux deux, dépendent toute la loi et les prophètes, l’amour de Dieu et l’amour du prochain.

Nous sommes habitués à cette réponse au point que nous n’en voyons plus la force explosive. Or notre évangile (Mt 22, 34-40), c’est de la dynamite. Premièrement, peut-on exiger de quelqu’un qu’il aime ? N’est-ce pas le violeur qui force l’autre à l’aimer ? Comment pourrait-il y avoir un commandement de l’amour de Dieu ou de l’amour du prochain ? Deuxièmement, n’est-ce pas sacrilège de mettre sur le même plan, à égalité, l’amour de Dieu et celui du prochain ? Pour les gens de religion, Dieu ne vaut-il pas infiniment mieux et plus que tout le reste ? « Dieu seul suffit » écrit par exemple Thérèse de Jésus.

Nulle part ne se trouve dans la littérature que Jésus aurait pu connaître, ce rapprochement des deux commandements. C’est une nouveauté, cela ne peut apparaître que comme une nouveauté. Vous voyez les hommes de religion, ceux qui respectent la religion des pères, les hommes de tradition, de « on a toujours fait comme ça ». Ils viennent mettre Jésus à l’épreuve et au lieu de la jouer cool, Jésus persiste, enfonce le clou, provoque, persifle.

Pire encore, il ne cite pas les dix paroles, le décalogue, mais va piocher ailleurs. Il assemble d’une part la seconde phrase du Chema Israel et un commandement qui ne semble pas jouer un rôle très remarqué, dans le Lévitique. C’est incontestablement la Loi, avec certes un texte important qui devient comme une profession de foi dans le Dieu un, mais aussi un verset finalement secondaire qui devient le second commandement, égal au premier. L’évangile de Jésus n’est pas la religion de toujours, il fait rupture, introduit une nouvelle, bonne. Il ne sort pas de nulle part et se vit en puissant dans la sagesse ancestrale, mais en la disposant de telle que sorte que cette sagesse est transfigurée en nouveauté de vie, en vie nouvelle.

Il faut se rendre compte de la bombe que constitue la réponse, la pensée de Jésus, et finalement toute sa vie. Aimer Dieu, le vénérer, n’est pas affaire de religion, de culte, de chose à faire, cinq ou x prières par jour, 2 ou x commandements, règles religieuses, rites à respecter, et après l’on est quitte. « Je suis un bon chrétien », je prie tous les soirs. Tu te moques, n’est-ce pas ? On n’est pas bon chrétien à prier, à faire son signe de croix, mais à vivre en paix, en grâce avec les frères, à vivre avec les frères comme avec des proches.

On pourrait dire que Jésus rabaisse la religion à l’horizon de la terre. Il désacralise le ciel, le dés-absolutise. Ou bien, si vous préférez, il exige que la terre soit ciel. C’est ici, dans cette vie, qu’il faut faire vivre avec Dieu comme en paradis. Qui d’entre nous est prêt à faire en sorte que ce soit vrai ? On est a priori tous pour, mais quand il faut s’y mettre… Le commandement envers Dieu est attaché, lié par Jésus au commandement envers l’autre : il n’y a plus de lointain, mais seulement des prochains. Et cela est un véritable sacrilège, cela rabaisse Dieu à hauteur du prochain.

En Jésus, Dieu est à hauteur du prochain. La grandeur de Dieu est sa capacité à se faire prochain pour que tout homme, toute femme, soit élevé à la hauteur de sa sainteté.

Le prêtre, le chargé du sacré, le sacerdote, n’est plus celui qui officie dans le temple et qui offre le sacrifice, mais celui qui se fait prochain, s’approche, ne détourne pas le regard ni ses pas. Il n’y a plus de lieu sacré si ce n’est le visage de l’autre. Il n’y a comme prêtre que les baptisés, configurés à Jésus. Il n’y a plus d’autre offrande à Dieu que l’amour du frère, y compris l’ennemi. Tout offrande à Dieu alors que le frère est méprisé est une insulte, bien sûr au frère, mais aussi à Dieu. Une insulte à Dieu, c’est un sacrilège.

Voyez le retournement. Est-ce de ravaler le commandement de l’amour de Dieu à l’horizon terrestre de l’amour des autres qui est sacrilège, ou de prier Dieu en ignorant le frère ? A vous de choisir. Etes-vous des hommes et des femmes de la religion, qui posent Dieu plus haut que tout, ou des disciples de Jésus avec lequel le seul chemin vers et avec Dieu, le seul culte, le seul service est celui des frères. Il faut choisir entre la religion et l’évangile, entre l’hypocrisie et la violence religieuse et Jésus. Je vous l’avais dit, cet évangile si connu, c’est de la dynamite.

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