18/08/2018

La pédophilie des clercs encore...

Je recopie ici trois petites réflexions postées par ailleurs

Je reçois un courrier me demandant ce que l’on fait face aux scandales à répétition de pédophilie dans l’Eglise.
D’un certain point de vue, on vient trop tard. Les abus commis qui sont révélés et seront encore révélés, il est trop tard pour agir. Le mal est fait. Restent les victimes et ce que l’on pourra faire pour les entourer. Mais pour ce qui est des crimes, c’est trop tard.

Il faudra à chaque fois accuser le coup, faire savoir l’horreur, la dénoncer et avec elle le système qui la rend (en partie) possible. C’est une manière d’être responsables en Eglise, parce que la prise de conscience n’est pas encore achevée, parce que le mal ne passe pas entre l’Eglise Catholique et le reste, mais au sein de l’Eglise Catholique aussi. Histoire de couper l’herbe sous le pied à « on part ». Non, on reste, ne serait-ce que pour ne pas laisser les criminels prospérer tranquillement derrière les remparts de l’omerta catholique.

Bien sûr, il y a la formation des futurs prêtres. Mais je pense qu’il est vain d’en parler si l’on ne réforme pas le type de pouvoir dans l’Eglise et ce qui va avec, le cléricalisme. La question est politique, sociologique (elle concerne l’Eglise comme société ou corps social), mais encore théologique. On confond encore sacré et sainteté. Or le sacré est dangereux, on le sait depuis toujours ! Or Jésus parle de sainteté et démystifie le sacré.

Quand on voit les évêques courtisans, comment s’étonner que les jeunes prêtres se fassent lénifiants ? Avoir un chapeau, puis un diocèse plus grand, puis une influence plus grande, etc. Quand on les voit sûrs d’eux sous prétexte de magistère, comment les jeunes pourraient-ils ne pas être autoritaires. Quand avec le funeste JP II ils se font les tenants du Catéchisme plus que de la réflexion, remplaçant l’initiation à la théologie dans les séminaires par des cours sur le fameux Catéchisme, comment s’étonner de l’intransigeance pseudo-doctrinale des prêtres ?
Où est l’éducation à la liberté, y compris dans l’obéissance, quand ce qui importe c’est de ne pas contrarier le chef. Et vous le contrariez que vous le payez cher.

Je note que ces messieurs qui ont abusé et plus encore ceux qui ont couvert les abus sont des donneurs de leçons morales, mais s’accommodent facilement des violations de la loi morale. Quelle est leur conscience de la gravité des faits, du principe de réalité, de l'interdit, de l’acceptation de la non toute-puissance, etc. ? Sans rien oblitérer de leur responsabilité et donc de leur culpabilité, on peut dire que c’est maladif cette forme de toute-puissance, cette manière de penser que rien de la réalité ne peut leur résister. Le cas des évêques mis en cause pour non-dénonciation qui se sont obstinés à nier les faits ou à revendiquer de leur devoir, de leur conscience même de n’avoir pas dénoncé, ou qui refusent de démissionner, est curieusement le cas de personnages pleins d’eux-mêmes, qui ont toujours raison, ne supportent pas d’être contredits, ne mettent aucune limite à leur puissance. C’est le péché de l’Eden ! C’est cela le péché originel, aucune limite à la toute-puissance.

(Je ne puis citer tous ceux auxquels je pense. Mais tout de même l’attitude de Pican est sidérante dans l’affaire Bisset. Et que dire de l’archevêque australien qui refuse de démissionner malgré une condamnation en justice, qui plaide ses limites à cause d’une maladie de dégénérescence cérébrale, mais ne pense pas qu’une telle maladie l’empêche de gouverner son diocèse ? Rien ne les arrête.)

Je crois que François doit démissionner un bon nombre de cardinaux. Ce n’est pas encore assez ce qu’il a fait, et bien sûr d’évêques. Et nous Catholiques devons prendre la parole pour réclamer ces démissions.




"Le cléricalisme commence lorsque cette culture cléricale dérive en corporatisme : lorsque les prêtres s’accordent des privilèges, et lorsque la protection des intérêts de leur groupe prend le pas sur celle de l’intégrité physique et psychologique des enfants." (Stéphane Joulain, La Croix 17 08 18)
Il faut ajouter pour généraliser, l'intégrité personnelle de quiconque.
Ce cléricalisme se repère dans un sentiment de supériorité qui se greffe sur ce que les clercs ont et que les autres n'ont pas, la consécration. (Et ce n'est pas un hasard si ce ne sont que des hommes ; eux ils en ont !)
Au nom de cette supériorité, on sait. On n'a même plus besoin de travailler pour être performant puisqu'on a la consécration.
Je suis frappé par exemple par le nombre d"homélies sans intérêt. Mais comme les gens n'y connaissent rien, cela ira toujours. On fait du religieux, là où est manifesté qu'on est différent, adoration eucharistique, en tête. Est-ce que l'on prie ? On fait du culte oui. (Il n'y a qu'à voir comment les "paroles de la consécration" sont mises en scène, courbés, les coudes sur l'autel, etc. pour repérer cette nécessité de montrer son pouvoir de consacrer l'hostie, alors que bien sûr, c'est l'assemblée qui célèbre l'eucharistie et que le ministre n'est que le serviteur de celle-ci.)
Or pour nourrir sa réflexion, le culte ne sert de rien. Il faut lire, prendre le temps de se renouveler pour ne pas répéter la même chose pendant cinquante ans de ministère. Combien sont-ils les clercs qui ne lisent pas ?
On peut aussi s'engager caritativement. Mais combien sont-ils les clercs qui sont bénévoles dans une association, comme tant de ceux qu'ils prétendent instruire ? Combien sont-ils dans les institutions ecclésiales mêmes à mettre la main à la pâte ?
Ce qui sauve nombre d'entre eux, c'est la rencontre avec les gens. Elle peut aussi nourrir, pour peu qu'elle ne se réduise pas à un petit cercle uniforme.
Sans aller jusqu'aux privilèges qu'ils s'accordent, cette forme d'oisiveté surplombante, pourquoi pas dissimulée sous des agendas de folie (la distraction pascalienne), est la forme ordinaire du cléricalisme.
Cela concerne mutatis muntandis les évêques comme les prêtres.





Il y a un changement à opérer de la théologie des ministères. Pas sûr que cela passe par la présence de plus de femmes et de laïcs en poste de responsabilité. Le cléricalisme et le culte du silence, l'omerta, peuvent les concerner tout autant. (Ce n'est pas une hypothèse gratuite, c'est un constat dans nombre des scandales qui éclatent.)
Le rôle des laïcs n'est pas motivé par la carence (ou la pénurie) des clercs mais par la consécration baptismale. C'est l'ecclésiologie qui est à revoir.
Il importe en revanche d'inscrire dans le droit l'obligation de contre-pouvoirs aux évêques et aux prêtres.
Il importe de condamner le retour en arrière en quoi a consisté la lecture conciliaire par JPII et surtout BXVI. C'est une mauvaise lecture de Vatican II qui canonise ce que le texte a voulu recadrer sans pouvoir, ou sans oser l'écarter d'un coup.
Je discutais encore récemment avec un vicaire général d'un gros diocèse. Il est convaincu d'avoir quelque chose de plus par la consécration de l'ordination. La théologie du sacrement de l'ordre s'impose pour lui, bien plus qu'une théologie des ministères. On est en pleine mythologie, mais c'est ainsi que fonctionnent de très nombreux catholiques, prêtres, évêques, ou laïcs.
Quitter cette mythologie catholique, c'est encore plus radical comme relecture évangélique que les changements ecclésiologiques.
En théologie fondamentale, il s'agit d'apprendre, à la suite de Jésus, la distance qui sépare évangile et religion. Je suis frappé de voir comment, dès le chapitre 2 de Marc, Jésus prend ses distances par rapport à la religion. C'est là que réside, notamment, sa "Bonne Nouvelle". Il évoque tout spécialement le jeune et le sabbat, mais aussi le nouveau et l'ancien, la possibilité d'exister de plusieurs perspectives et non pas une seule qui s'imposerait, parce que la vérité qui est une, ne pourrait que s'articuler unairement.

3 commentaires:

  1. Merci, Patrick. Deux choses à chaud :
    - Tu promeus en passant le "ni partir, ni se taire", mot d'ordre de la CCBF, au moment précis où un certain nombre de ceux et celles qui "marchent" avec elle depuis bientôt 10 ans font le constat du caractère quasi-obsolète de la chose. J'ai personnellement cessé de fréquenter le culte dans ma paroisse tout récemment tellement l'empreinte cléricale (narcissisme, comportement autoritaire, fétichisme des outils du sacré, condescendance, inculture, moralisme, etc.) va croissant. Suis-je, sommes-nous partis ? Pas forcément dans la mesure où nous continuons (et vivons en partie de cela) de participer à des groupes, des associations, des structures de la boutique... Mais cela parce que le pachyderme autorise finalement des choses dans ses failles et ses contradictions. Pas question en revanche d'une reconnaissance quelconque. Le souhait de Moingt que des évêques autorisent des initiatives (centre pastoral expérimental, paroisses électives, etc.) est tout simplement pieux (en tout cas, dans nos parages...). Un vicaire général très sûr de son pouvoir nous disait l'autre jour, en réponse à celui qui lui disait qu'il était inspiré par la théologie de Moingt : "Qui, aujourd'hui, lit Moingt ?". Il aurait dû dire : qui aujourd'hui lit ?
    - Le nœud de l'affaire, tu le suggères, c'est le culte eucharistique, tel qu'il est présentement institué (ou, plus exactement, pratiqué) comme dernier (ou "premier") moteur du sacré et donc de l'autorité, de la toute-puissance, etc. (aux antipodes de la sainteté, donc). Comment veux-tu qu'il soit touché à cela ? Ou alors, nous serons tous morts depuis longtemps.
    La question demeure donc : que faisons-nous MAINTENANT ? Ne pas se taire, OK, mais rester où ?

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    1. A propos de la différence de degré et d'essence du sacerdoce des fidèles et du sacerdoce ministériel. Si on regarde les textes avec acribie, comme Jean-François Chiron duquel je tiens tout cela, c'est assez compliqué. Il faut premièrement voir d'où vient ce texte de Vatican II et ce qu'il modifie par rapport à ses sources, Trente ou Pie XII.
      Il faut ensuite remarquer que rien n'est dit de qui est le plus haut degré et qu'habituellement Vatican II ne parle pas de sacerdoce ministériel mais presbytéral. Je pense effectivement qu'il y a une différence non seulement de degré, qui pourtant existe, mais d'essence. Car le sacerdoce baptismal est sans doute aucun une affaire plus vaste, qui ne se situe pas dans la même dimension.
      Il se pourrait bien qu'il y ait un sacerdoce existentiel, celui des baptisés, et un autre fonctionnel ou ministériel. En parlant ainsi, la différence d'essence ne va pas dans le sens que l'on allègue habituellement. Le sacerdoce des fidèles parait plus vaste, puisque certains d'entre eux reçoivent en outre la fonction de service.
      On trouve même dans la première lettre de JPII aux prêtres les lignes suivantes : « […] nous devons comprendre notre sacerdoce ministériel comme une “subordination“ au sacerdoce commun de tous les fidèles […] » (JP II, Lettre aux prêtres pour le Jeudi saint 1979, DC p. 358).

      Je l'accorde, là où cela se complique, c'est quand on fait le lien entre ministère et eucharistie. Vatican II n'a pas supprimé le "pouvoir" de consacrer.

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  2. Père Pierre Vignon19/8/18 19:28

    Merci, cher confrère, de parler clairement et courageusement. Je ne suis pas un prêtre révolutionnaire mais on aimerait voir un peu moins d'évêques qui essayent de se cacher derrière leur crosse en laissant tomber leur mitre sur les yeux pour ne pas voir. La description de l'évêque courtisan est parfaite. Un vrai portrait tiré des caractères de La Bruyère. Je ne donnerai pas le prénom parce que tout le monde le reconnaît. Sauf lui, qui ne comprend pas que tout le monde voit son arrivisme forcené. Et qui ne comprend pas pourquoi on voudrait l'empêcher de continuer. Il n'éprouve aucune vergogne et quand il sera chassé de son siège par les fidèles excédés, il ne comprendra toujours pas. Comment a-t-on pu en arriver là ? Toujours est-il que nous y sommes et que bien des perspectives pour s'en sortir sont mentionnées dans ce billet bien tourné et réfléchi. Mon soutien accompagne mon merci.

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