Dimanche dernier, nous avons lu et commenté la première
partie du chapitre 15 de la Première
lettre de Paul aux Corinthiens. J’avais essayé de dire comment la séquence mort-résurrection-apparition
désignait un seul acte, comment la résurrection de Jésus consistait dans le
fait pour Jésus de se faire voir aux siens. Si aujourd’hui, nous ne voyons pas
Jésus, la résurrection est lettre morte, une lettre du catéchisme sans doute,
mais qui ne fait pas vivre, pire qui tue, comme toute lettre privée de l’Esprit.
La question était alors celle de savoir si nous voyons Jésus
aujourd’hui. Non pas si nous avons des apparitions, mais si nous nous comprenons
compagnons de Jésus. Comment Jésus habite-t-il nos vies, vit-il en nos vies ?
« Pour moi, vivre c’est le Christ » (Ph 1, 21). La possibilité de la
vie avec Jésus ne réside pas (d’abord) dans la prière, mais dans le service des
frères, condition de possibilité plus que conséquence de la foi en la
résurrection.
Si nous confessons que « Jésus a surgi le troisième
jour conformément aux Ecritures », ce n’est pas seulement parce que Paul l’a
dit, parce que le catéchisme le dit, mais parce que depuis le tombeau vide
jusqu’à aujourd’hui, les disciples de Jésus, et nous aussi donc, vivent en sa
présence et, en ce sens, l’ont vu.
Une deuxième partie de ce même chapitre, après la
transmission de la foi pascale dans le surgissement de Jésus la mort, atteste ce
même surgissement pour les morts. « Nous proclamons que le Christ est
ressuscité d’entre les morts ; alors, comment certains d’entre vous
peuvent-ils affirmer qu’il n’y a pas de résurrection des morts ? »
La séquence mort-résurrection-apparition de Jésus est
complétée par la résurrection des morts. Le surgissement de Jésus est celui de
tous les morts, ou n’est pas. « Car si les morts ne ressuscitent pas, le
Christ non plus n’est pas ressuscité. » et réciproquement, « si le
Christ n’est pas ressuscité […] ceux qui se sont endormis dans le Christ sont
perdus. »
La Lettre a déjà donné
les raisons de cette affirmation. Nous ne sommes pas des individus, séparés les
uns des autres, indépendants les uns des autres. Nous sommes chacun pour notre
part les membres du corps qu’est le Christ (12, 27). La résurrection des morts
n’est pas la survie des individus, mais la manifestation de l’humanité comme
corps.
A la différence de ce que diront plus tard des disciples de
Paul, le Christ n’est pas ici la tête, et nous le corps. Mais chacun pour sa part
est membre ; et s’il en manque, le Christ n’est pas entier, ce n’est pas
le Christ. La résurrection des morts ne dit pas le salut personnel, mais qui
est le Christ, l’union du Christ avec tous, un seul corps, le Christ.
Nous ne savons pas ce que signifie que les morts ressuscitent,
si ce n’est l’obligation de prendre soin du corps du Christ animé par l’Esprit.
Nous devrions nous méfier de l’imaginaire de la résurrection ‑ « nous
nous retrouverons un jour » ‑ qui ressemble davantage à une manière
de retenir nos défunts et de nous consoler comme nous pouvons en les voulant
encore vivants, comme si nous étions animistes.
Nous ne pouvons vivre comme si nous étions des individus, ou
des petits groupes d’individus, familles ou amis, villages ou sociétés, contre-distingués
et indépendants les uns des autres. Nous sommes solidaires les uns des autres
comme les membres du corps qu’habite un unique Esprit. L’humanité par le Christ
prie et croit et l’Eglise en est autant le sacrement que les prémices. Le migrant
qui se noie dans la mer est membre du corps comme moi. Puis-je le laisser
crever ? Les générations qui vivront sur une terre ravagée par notre
pollution sont membres du corps du Christ comme nous. Pouvons-nous massacrer la
planète ?
Y a-t-il un corps du Christ sans eux ? Le Christ est-il
ressuscité si nous abandonnons à la mort les frères qui manquent déjà à l’humanité,
au corps du Christ. Les négliger, ne pas nous en soucier c’est rendre vaine et
notre foi, et la résurrection du Seigneur.
La résurrection des morts n’est pas un article de foi qui
permettrait d’imaginer la survie de ceux qui nous sont chers, histoire qu’on se
retrouve entre nous. Elle est pour aujourd’hui, l’appel à former un seul corps.
La confession de foi en la résurrection du Christ et en celle des morts est
éthique et christologique en même temps.
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