L’histoire des deux fils (Lc 15, 11-32) présente deux
manières de vivre, deux seulement, extrêmes, pour nous faire réagir. Le fils
cadet a tout brûlé et se retrouve mal. Mais de ne plus pouvoir compter que sur
les autres, un autre, il reçoit la vie en abondance, voyant son père courir à
sa rencontre et l’embrasser. Le fils aîné quant à lui a tout bien fait, à ce qu’il
pense, n’a pas gaspillé sa vie, mais vit comme un rat mort, n’a jamais fait une
fête digne de ce nom ; le voilà aigri.
Qui n’attend pas que quelqu’un vienne en courant à sa
rencontre pour le serrer dans ses bras et l’inviter à la fête ? C’est du
surplus, du par-dessus le marché, du gratuit. Et c’est comme cela avec Dieu…
Les disciples de Jésus que nous sommes, que pensons-nous de
la vie avec Jésus ? Ça nous fait-il suer comme le fils aîné en bave de
faire son travail sans jamais le moindre répit ? Il faut encore se lever
pour aller à la messe ! Ou bien, la vie avec Jésus est-elle pour nous une vie
‑ pas forcément dans les plaisirs, rien ne nous oblige à croire les
rumeurs qu’entretient l’aîné ! ‑ dépensée jusqu’à l’extrême et retrouvée
dans les bras du père. La parabole illustre un autre propos de Jésus : « Qui
veut sauver sa vie la perdra, mais qui perdra sa vie à cause de moi, celui-là
la sauvera. » (Lc 9, 24)
Si nous sommes disciples de Jésus, c’est parce que nous
pensons qu’il faut vivre et dire qu’il y a autre chose dans la vie. Autre chose
que tout ce qui est bon et beau dans la vie, autre chose aussi, bien sûr, que
toutes les souffrances et les morts. Être disciple, c’est juste se tenir dans
la vie en témoin de ce qu’il y a autre chose, compter sur l’autre, autrement
dit, croire en lui. Nous ne sommes pas meilleur que les autres. Nous ne vivons
ni mieux ni moins bien que les autres. Mais la vie, notre vie, c’est avec de l’autre,
c’est avec les autres. Et c’est ainsi que nous devinons Dieu.
Nous connaissons tous le prénom du fils cadet, celui qui a
dépensé toutes sa vie avec les autres. Il a rencontré beaucoup de monde, les a
beaucoup aimés. Les femmes l’aimaient parce qu’il les prenait pour des personnes
responsables, égales des hommes. A s’occuper toujours des autres, il s’est fait
des ennemis, les ennemis de ses amis. A dire qu’il faut ouvrir la vie aux
autres, il s’est fait des ennemis, ceux qui ne veulent pas des étrangers dans
leur pays, ceux qui ne veulent pas des pauvres dans leur village, etc., etc.
Alors, on l’a tué, on a fait une croix dessus.
Et le père courut se jeter à son cou dans les liens de la
mort. Son baiser lui a rendu le souffle de la vie. Son fils que voilà était mort et il est revenu à la vie, le troisième
jour. Il était perdu, et il est retrouvé. Sa vie était perdue et il l’a sauvée.
Mais il a d’autres prénoms ce fils qui dépense tout pour les
autres. Chacun des nôtres, pour peu que nous dilapidions l’héritage, comme
disent les gens sérieux. Nous quand nous partageons, quand nous faisons passer l’autre
devant. Ce n’est pas correct, dit le fils aîné ! Ce pognon de dingue que ça
coûte, les pauvres. Les migrants sont plus aidés que les gens de chez nous. Ce n’est
pas juste. Ah, voilà l’histoire qui recommence. C’est extraordinaire l’évangile,
c’est toujours notre histoire, ici et maintenant.
Cette histoire des deux fils, c’est celle de Jésus, c’est la
nôtre, c’est celle des baptisés. Cette histoire explique ce que c’est qu’être
disciples de Jésus, être baptisés. C’est faire comme Jésus, tout dépenser,
jusqu’à en mourir peut-être, sans doute, et voir le père courir se jeter à
notre cou pour, dans le souffle d’un baiser, nous rendre la vie. La
résurrection, c’est maintenant, ou ce n’est qu’une mythologie.
Cette histoire des deux fils, c’est celle de deux manières,
extrêmes, caricaturales, de comprendre la vie de Jésus. Enfin extrême, c’est ce
qu’a vécu Jésus. Vous croyez en Dieu et cela vous rend ronchon ‑ il faut encore
aller à la messe ! ‑ et jaloux de ceux qui vivent avec et pour les
autres, quitte à brader les valeurs de la vraie foi, de la vraie religion ‑ les
nôtres, quoi ! – ou bien pour faire comme Jésus ?
Imaginez un monde où l’on dépense tout pour les autres. Ça donnerait
quoi ? Le paradis. Oui, Paul le dit : « Si quelqu’un est dans le
Christ, il est une créature nouvelle. Le monde ancien s’en est allé, un monde
nouveau est déjà né. » (2 Co 5, 17)
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