Pourquoi scruter le ciel ? Pourquoi chercher ?
Pourquoi attendre de comprendre ? Pourquoi espérer une modification du
phénomène, comme si le sens était dans le changement ou du moins, comme si le
changement permettait de comprendre ?
Nous ne savons rien de ces mages. Et il n’y a rien à en
savoir biographiquement. Personnages de fiction, ils sont présentés comme ceux
qui perçoivent la nouveauté d’une étoile. Ils regardent le ciel et sont
attentifs aux changements. Qu’en font-ils ? Pas vraiment une affaire de
sens, d’explication. Une intrigue que narre l’histoire. Ils se mettent en
route.
Ils sont à l’affut de ce qui les met en route, même s’ils ne
savent sans doute pas, au moment où ils scrutent le ciel, ce qu’ils feront en
cas de nouveauté. Et qui a déjà regardé le ciel sans les instruments
ultraperformants d’aujourd’hui, a rarement vu se lever une étoile, un astre
nouveau. Les mages surveillent sans doute davantage la régularité des orbites,
calculent et prévoient. Un astre nouveau s’est levé. L’inattendu, insensé en ce
sens, provoque leur propre relèvement ; eux aussi se lèvent. Le
surgissement de l’étoile est leur résurrection.
L’univers scruté ouvre vers un ailleurs qui donne le sens de
la marche. Mais ils marchent sans savoir où ils vont. C’est l’étoile qui mène
la quête après l’avoir lancée. L’univers scruté est sans doute divin, plus pour
eux que pour nous, tant la révolution des astres est parfaite. Mais c’est
justement une imperfection, un grain de sable, qui met tout en route.
L’univers scruté pour comprendre et mieux maîtrisé devient
le lieu de l’interrogation. Qui sait jusqu’où elle mène ?
Que regardons-nous ? Avec quel sérieux observons-nous ?
Sommes-nous assez curieux, à tous les sens du terme, pour prendre la route dès
qu’une étoile ne tourne plus rond ? Ceux qui savent regarder passent pour
originaux.
Dieu n’est pas au bout de l’équation. Que l’apologétique ne
s’engouffre pas trop vite dans l’universalité d’un salut que désignerait l’orient
d’origine des mages. Ils sont d’orient parce que l’on dit justement l’origine,
le début de la quête. Ils sont d’orient parce là-bas, avant, les étoiles se
lèvent et avant on les voit. Ils sont d’orient parce que là où se trouve l’origine
se laisse voir l’original, curieux.
Dieu est si peu au bout de la recherche que c’est un enfant
qu’ils trouvent, couché dans une mangeoire. Que verront-ils ? L’étoile n’a
plus d’intérêt parce que l’astre d’en-haut qui vient nous visiter n’a rien de
stellaire. C’est l’humanité elle-même qui irradie d’une sainteté sans pareil.
Croient-ils ? On ne le sait pas. Ils offrent et repartent chez eux, certes
par un autre chemin, comme s’ils s’étaient retournés, convertis.
Se pourrait-il que l’observation des cieux et de la matière,
des règles politiques et économiques, que la connaissance du vivant et des
théories de l’information, se pourrait-il que tout cela n’ait qu’un but,
indiquer le chemin de l’humanité ? Scruter pour se mettre en route vers l’humanité.
Observer pour découvrir, ainsi qu’un nourrisson qui vient de naître, encore
emmailloté, ce qu’il en est de l’humanité, l’origine de l’humanité que seuls
des originaux peuvent voir, que seuls les orientaux voient au point de se
mettre en route comme le soleil.
C’est ce chemin d’abord qu’il faut entreprendre. Le long détour
par les éléments ramène à ce que sont ceux qui peuvent ainsi les observer, l’humanité
de l’homme et de la femme, une mère, un enfant. La technique hautement spécialisée,
les calculs spéculatifs ramènent, par un long détour, si l’on se met debout
pour courir derrière une étoile, si l’on cherche une lumière pour avancer, à la
banalité de l’humanité, une mère et un nourrisson.
Le si banal d’une vie vient au jour comme la lumière de l’étoile
peut donner à voir le plus extraordinaire, une humanité qui ouvre nos mains,
vide nos richesses. Les mains libres alors, l’on prend le petit contre soi et l’on
s’émerveille, comme devant tel phénomène naturel. C’est cette humanité
lumineuse, non encore décevante, qui étonne.
Qu’ont-ils vu ? Que sont-ils allés voir ? Le texte
ne donne pas de suite la réponse. Il faudra attendre le dernier chapitre de l’évangile.
Mais le chemin déjà est tracé : long détour de notre science pour l’émerveillement
devant le plus banal, pour révéler la merveille de cette humanité si banale.
C’est là que Dieu se cache.
Grand merci pour ce texte !!
RépondreSupprimerMerci Patrick. Ton blog est riche! Je l'ai rencontré au hasard d'une recherche sur internet. Il donne vraiment du grain à moudre... J'ai aimé ton commentaire de l'Epiphanie. Je formule une critique : le chemin que tu fais prendre aux mages me paraît un peu rapide de l'orient, avec l'étoile qui questionne jusqu'à l'arrivée à l'enfant. Il y a entre les deux la médiation nécessaire de Jérusalem, celle du Prophète. celle, problématique d'Hérode!
RépondreSupprimerBien à toi
Gilles Ch.
Annecy
Oui, on ne peut pas tout dire dans une homélie et j'ai pensé que ce raccourci ne dénaturait pas trop le texte. Peut-être me suis trompé...
RépondreSupprimerJ'avais déjà prêché sur le jeu de piste des mages qui trouvaient des signes différents, lesquels étaient cependant toujours l'unique chemin. C'est Jésus l'étoile, l'astre d'en-haut qui vient nous visite. C'est Jésus, la parole venue en ce monde. C'est Jésus qui mène à Jésus. Il est le chemin.
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