Le Grand Rabbin de France, Gilles Bernheim vient de
présenter sa démission. Il reconnaît avoir eu recours aux services d’un nègre
pour la rédaction de l’un de ses livres, remarqué, et s’être ainsi rendu
involontairement responsable de plagiat. Son aide ne lui a pas précisé que
certaines pages recopiaient de très près des textes d’autres auteurs. Pour des
faits similaires, des ministres de la République Fédérale d’Allemagne ont dû
quitter leur fonction ces dernières années. Par ailleurs, contrairement à ce
qui se disait et qu’il n’avait jamais contesté, il n’est pas agrégé de philo.
Que nous ne soyons pas des fils de la Lumière n’est pas un
scoop. Il serait bien hypocrite de reprocher à l’ancien Grand Rabbin ne n’avoir
pas toujours agit conformément à la morale. Qui d’entre nous peut se prétendre
indemne de tout mensonge, de toute tricherie, de tout vol ou tromperie ?
Mais il se trouve que le désormais ancien Grand Rabbin a
pris la parole dans le débat public dernièrement, justement pour rappeler ces
concitoyens aux exigences de la morale. Il disait : « Nous
avons perdu la compréhension de ce qu’est le sens moral ». Se faire
donneur de leçon lorsque l’on n’est pas propre, cela devient plus délicat. Vous
me direz, si nous ne devions dire que ce que nous faisons, la morale serait
aussi rétrécie que notre moralité. Heureusement que nous pouvons dire le bien
qu’il faudrait faire même si nous ne le faisons pas. C’est la seule manière maintenir
l’exigence morale : agir de telle sorte que la maxime qui préside à notre
action puisse être érigée en loi universelle, ou, si vous préférez, ne pas
faire à autrui ce que nous ne voudrions pas qu’autrui nous fasse.
A quelle condition peut-on enseigner la morale, la prêcher,
alors que nous faisons si peu ce que nous préconisons ? A reconnaître justement
notre indignité, à nous mettre dans le lot de ceux auxquels l’exigence morale
que nous énonçons est adressée, c’est-à-dire en ne se posant pas en donneur de
leçon.
Je ne devrais donc pas comme l’ont dit certains en pareilles
circonstances, jeter des pierres sur un homme à terre. La pensée de cet homme
semble très reconnue, estimée, et ces péripéties ne changent rien. La capacité d’écoute de
cet homme semble reconnue, admirée, objet de remerciements, et ces péripéties n’y
changent rien, heureusement. Je dois ajouter que si ces péripéties sont le moment favorable dont ont profité ses adversaires idéologiques, tenants d'un judaïsme intransigeant, voire intégriste, pour le débarquer, on ne peut que les regretter encore plus.
L’ancien Grand Rabbin a pris position sur le mariage pour
tous, contre le mariage pour tous. Il a même été cité par le Pape Benoît XVI
lors du fameux discours annuel à la Curie en décembre. Son texte, Mariage homosexuel,
homoparentalité et adoption : Ce que l’on oublie souvent de dire a
été l’objet de tant de louanges de la part des cathos ! Pensez, même le
Pape le cite !
Les affaires de plagiat visent aussi ce texte qu’elles font relire.
Gilles Bernheim remercie cinq personnes, dont Béatrice
Bourges, "pour la richesse de leurs réflexions qui a nourri ce
projet". Mme Bourges milite dans les mouvements de l’extrême droite
catholique. « Représentante du Collectif pour l’enfant, elle a été démise
de ses fonctions de porte-parole de la "manif pour tous" par Frigide
Barjot, au lendemain de la manifestation du 24 mars aux abords des
Champs-Elysées. Mme Bourges venait publiquement de réprouver les propos de Mme
Barjot condamnant les débordements et provocations auxquels s’étaient livrés
quelques dizaines de militants d’extrême droite. Et elle avait dès le dimanche
matin appelé à l’occupation des Champs-Elysées avec des tentes, hors des
consignes officielles de la "manif pour tous" ». C’est ce qu’affirment
deux
journalistes au Monde. Rien que cela ne manque pas de piquant.
Si j’ose risquer donner l’impression de frapper un homme à
terre, c’est que je n’avais jusqu’à présent pas réfléchi sur ce texte. Il est
en trois parties.
La première expose ce que l’on oublierait de dire à propos
de ce mariage. A dire vrai, surtout à propos de la PMA et de l’adoption. Et si
je suis d’accord pour dire les réserves quand ce n’est pas mon opposition à la
PMA avec tiers, je sais alors que ce débat doit être déconnecté de celui du
mariage pour tous, qu’il faut une autre loi sur la PMA avec tiers, visant tous
les types de couples, et revenant sur l’autorisation dont bénéficient aujourd’hui
les couples mixtes. Mais cela, qui aura le cran de le demander ? Mais
cela, qui n’est pas politiquement correct, Gilles Bernheim, s’il avait été
comme il dit, à refuser le dictat du politiquement correct, aurait dû le
demander. Il a oublié de nous dire ce que l’on oublie de dire.
La seconde partie dénonce l’idéologie du gender et plus encore de la queer théorie. Là, la méthode est celle
de la Rome des grandes condamnations du XIXème. On condamne la thèse extrême,
qu’à peu près personne ne tient, pour révoquer une position équilibrée, qui
elle, est peut-être valide. Gilles Bernheim prétend que l’on va à la confusion
des genres avec cette loi. Nous serions manipulés par les militants LGBT et
l’Association des parents et futurs parents Gay et Lesbiens. Comme si nos
députés et sénateurs étaient tous des naïfs ou des militants de ces mouvements
et idéologies. J’avoue ne pas comprendre comment, sauf à recourir à la théorie
du complot, des gens qui réclament le mariage pour tous sont pour la
destruction de la famille. Ceux qui réclament le mariage pour tous ne sont pas
ceux qui veulent la fin de la structuration familiale de la société. Au
contraire, me semble-t-il.
La troisième partie propose une vision anthropologique et
une option pour un type de société. On peut assez facilement apprécier l’humanisme
de ces modèles et le ton de leur présentation. Le hic, c’est qu’il n’y aurait qu’un
mode de différentiation, ce serait celui de l’hétérosexualité que nie
évidemment l’homosexualité. Suffisait-il qu’il y ait dans un couple deux
appareils génitaux différents pour garantir la différenciation ? On se
demande pourquoi il y a tant de violence entre hommes et femmes. Disons pour le
moins que ce n’est pas une condition suffisante. Est-ce une condition
nécessaire ? Alors est affirmé et non démontré, comme toujours dans ce
débat avorté sur le sens de l’homosexualité dans nos sociétés, que la
différence existe seulement dans l’altérité homme femme. On s’appuie sur la
bible et Gn 2 en particulier. Je ne doute pas cinq secondes que la différence
sexuelle soit le symbole de l’altérité, mais l’est-elle de sorte qu’il n’y en
aurait pas d’autres, de façon exclusive de sorte qu’aucune autre ne serait
valable ? Qu’est-ce qui permet de dire que l’altérité n’est pas reconnue
dans l’homosexualité ? C’est cela la question. Et le texte le suppose
comme une évidence mais ne le discute nullement.
J’avoue ne pas comprendre comment, sauf à répéter une vulgate
analytique tant de fois démontée, on peut continuer à penser qu’il n’y a
altérité que dans la rencontre homme-femme, pourquoi deux hommes ou deux
femmes, ne pourraient pas vivre l’altérité. Evidemment, d’une manière autre que
dans un couple mixte, ce qui fait une altérité de plus. Pourquoi en outre ne
pourrait-on pas penser l’homosexualité comme l’altérité de l’hétérosexualité
(et réciproquement), ce qui lui interdirait de se prendre pour le tout alors
même qu’elle prétend à une certaine complétude par l’union holiste de la différence
homme femme ?
C’est cela que j’appelle l’homophobie, même des esprits
ouverts et respectueux. Pour eux, l’homosexualité est un non sens. Or il faut
bien qu’elle en ait un aussi de sens, si l’on ne veut pas condamner au suicide
ceux qui le sont et qui, évidemment, n’ont jamais demandé à l’être.
Conclusion : Des trois interdits qui structurent toute
société, interdit de l’inceste (ou de la fusion ou confusion), interdit du
meurtre et interdit du mensonge, que l’on retrouve respectivement en Gn 11
(Babel), Gn 4 (Caïn et Abel) et Gn 2-3 (Adam et Eve), le non respect de l’un n’est
pas plus grave que celui d’un des deux autres. A supposer, ce que laisse
entendre Gilles Bernheim et que je ne vois pas qu’il ait démontré effectivement,
que le mariage pour tous serait transgression de l’interdit de la fusion par le
refus de la différenciation, est-il bien légitime de s’en faire le contempteur
quand, de son côté, on trompe et ment à la société ? Est-il plus grave que
deux personnes du même sexe aient le projet de fonder un foyer stable, par un
contrat qui les fait entrer dans l’institution matrimoniale, ou de mentir à la
société, surtout quand on reçoit d’elle une certaine autorité ?
Bravo. et merci. Sortir du formatage de la pensée et de la doctrine officielle qui nous éviterait de penser par nous-même.MP
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