La France ne va pas bien. Son président est au plus bas dans
les sondages et l’on se prend à rêver de nouveau à l’homme providentiel. C’est
déjà ainsi que s’était construit le mythe qui avait conduit Nicolas Sarkozy à
la présidence. Vue d’Espagne, est-ce si sûr que la France ne va pas bien ?
Vue de Madagascar ? Même vue d’Allemagne
où un SMIG décent est seulement à l’ordre du jour des projets de la nouvelle
coalition…
Mais qu’avons-nous à rêver à l’homme providentiel ? Qu’avons-nous
à confondre gouvernement et populaire voire populisme ? Ne serions-nous
pas coupables à attendre le coup de baguette magique ? Pour nombre d’entre
nous, pouvait-on lire cette semaine, le loto et autres jeux de hasard apparaissent
comme la seule solution pour s’en sortir.
Ces superstitions profanes, qui coûtent le sacrifice de quelques
euros, mais peuvent rendre dépendant et ruiner, ouvrent une autre voie quand
tout est disqualifié et que le vrai Dieu n’a plus la cote. Ceci dit, faire du
vrai Dieu l’homme providentiel, pas sûr que cela marche mieux !
Si les présidents, de droite comme de gauche, sont
incapables de protéger leurs concitoyens, voire les plient à leur service ou à
ceux du grand capital, n’aurions-nous pas des raisons de vouloir un autre
régime politique, une autre royauté, enfin juste et bonne ?
La fête du Christ roi de l’univers est récente. Elle date de
1925, quelques années après la première guerre mondiale et ses millions de
morts. Elle date du traumatisme causé par l’installation du pouvoir soviétique,
athée, en Russie. Le monde s’est écroulé. Il n’y a pas d’homme providentiel et
l’on recourt à Jésus lui-même. Contre un monde qui se laïcise, on dirait qui se
sécularise et se déchristianise, et pas seulement sous l’effet du communisme, il
faut en appeler au souverain roi.
Après le concile que la fête devient celle du Christ-roi de
l’univers. Le sens trop exclusivement politique est estompé pour souligner
principalement la seigneurie de Jésus sur la création, dans l’esprit de notre
seconde lecture (Col 1,12-20).
Mais est-ce une raison pour voir en Jésus l’homme
providentiel ? Comment apparaît le roi de l’univers ? Rien des succès
fulgurants et magiques. Rien de triomphal. L’évangile choisi n’est pas celui de
l’entrée à Jérusalem. Pire qu’un roi montant un ânon, c’est un crucifié que la
liturgie désigne roi de l’univers.
On se moque de nous. Nous sommes refaits. La France n’ira pas
mieux, ni le monde si on en appelle à un condamné. Est-ce à dire qu’il faut
déthéologiser le politique et que la fête de ce jour n’est que spirituelle, que
la royauté de Jésus et sa providence ne sont que spirituelles, c’est-à-dire
finalement, non repérables, non efficaces, pas vraiment vraies ?
Surtout pas. Il y a dans le principe d’incarnation (n’oublions
pas que la fête a été instaurée pour le 1600ème anniversaire du
concile de Nicée) quelque chose qui interdit à la foi de se réfugier dans le
spirituel. Si la royauté de Jésus a un sens, si l’encyclique de Pie XI n’est
pas qu’idéologique, ce n’est pas une spiritualisation qui les sauvera, mais leur
insertion dans ce monde, monde des conflits et des haines, du refus de Dieu et
des exclusions.
Le roi que nous présente l’évangile est précisément
confronté à la haine et à l’exclusion, y compris au nom de la religion, de la
foi. Jésus roi est condamné, serviteur défiguré. La royauté de Jésus, le
royaume que nous appelons chaque fois que nous récitons le Notre Père, que ton règne vienne, n’est pas le
royaume providentiel, celui de la réussite et du succès, celui qui nous tire
magiquement de la mouise.
La royauté de Jésus est la nôtre. Parce que le roi trône
avec nous, fût-ce sur une croix, ce que nous vivons d’injustices, de haines, de
violences et d’exclusions ne parvient pas à effacer notre nom du cœur de Dieu. Car
c’est aujourd’hui même, le paradis auquel il nous convie, ainsi que le dit le
texte, non demain après la mort, mais aujourd’hui.
Que nous fait de mourir dignes, de vivre dignement mais écrasés
par la violence, si c’est pour mourir ? Pas grand-chose, je l’accorde. Si
ce n’est… Si ce n’est que le vermisseau que nous sommes, enhardi par l’amour qu’il
reçoit de Dieu même, ose penser que ce monde a une autre vocation que le
cortège du mal. Ce n’est pas l’homme providentiel qu’il faut attendre comme
Godot, c’est notre condition de serviteur qu’il faut relever pour faire reculer
le mal. La lutte contre le mal passe par le service.
Le service est la seule force capable de changer le monde. Personne n’y croit, personne n'accepte de se faire serviteur. C’est bien pour cela que la fête de ce jour n’a plus rien de conservateur et d’anti-démocratique, mais qu’elle est toute entière révolutionnaire, de la révolution de l’évangile.
Le service est la seule force capable de changer le monde. Personne n’y croit, personne n'accepte de se faire serviteur. C’est bien pour cela que la fête de ce jour n’a plus rien de conservateur et d’anti-démocratique, mais qu’elle est toute entière révolutionnaire, de la révolution de l’évangile.
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