19/07/2014

Nous ne savons pas prier (Rm 8, 26-27) 16ème dimanche



« Nous ne savons pas prier comme il faut. » (Rm 8,26) Et n’imaginons pas que l’on pourrait apprendre. Nous ne savons pas prier, c’est une impossibilité, une faiblesse quasi maladive. De même que l’on dirait d’une personne handicapée qu’elle ne sait pas lire, et qu’elle ne pourra apprendre, nous ne savons pas prier et ne pourrons apprendre.
Que l’on ne vienne pas s’alarmer ou se décourager. Que l’on ne se demande pas ce que l’on fait ici. Notre handicap est déjà dépassé, une solution, si je puis dire, a été trouvée, comme une rampe d’accès pour personne à mobilité réduite. Cela ne supprime pas le handicap mais n’empêche plus le déplacement. « L’Esprit vient au secours de notre faiblesse. »
Mais que l’on n’en vienne pas pour autant à ne plus voir le problème. Le handicap demeure ; nous ne savons pas prier comme il faut. Le début de la vie spirituelle, la vie dans l’Esprit précisément, c’est de savoir que nous ne savons pas prier. Tous ceux qui s’imaginent savoir prier sont dans un très gros embarras, d’autant qu’ils ne le savent pas ! Ils croient savoir prier, ils pensent savoir qu’ils savent. Dans ces conditions, ils n’ont aucune chance de trouver la rampe d’accès qui permet de contourner le handicap, ils n’ont aucune chance de s’en remettre à l’Esprit qui vient au secours de notre faiblesse.
Pourquoi cette impossibilité, cette incapacité, cette ignorance ? Comment l’homme pourrait-il s’adresser à celui qu’il ne connaît pas ? Toutes les idées que nous nous faisons de Dieu, et surtout les meilleures, désignent-elles vraiment Dieu ? Dès lors qu’il s’agit de désigner Dieu, c’en est fait, ce n’est plus Dieu. Dieu n’est pas un quelque chose, ni même un quelqu’un que l’on pourrait désigner.
Parler de Dieu comme d’un quelqu’un, c’est en parler de façon anthropomorphique. Et pourquoi pas, puisqu’il faut bien parler, mais à une condition, que l’on sache que ce n’est pas ça. Et s’il s’agit de prier, avec la connotation de demande du verbe utilisé par Paul et que confirme le contexte, il est tellement évident que nous ne risquons pas de pouvoir prier, car l’on ne demande rien à Dieu : Dieu prévient.
Dieu prévient. Dieu premier. Il vaut mieux, pour parler de Dieu avoir recours à ce genre d’affirmations qui évite de faire de Dieu un quelque chose et souligne plutôt une relation, un dynamisme. Dieu prévient. Mieux, Dieu premier. Alors, nous ensuite. Et comment en serait-il autrement si Dieu est créateur, Dieu premier et nous ensuite ? Mais créateur ne signifie pas celui qui fait qu’il y a quelque chose plutôt que rien, mais celui qui institue, hier comme aujourd’hui et demain, la relation qui fait être.
Alors, si Dieu est premier, la prière n’est que réponse, ne peut être que réponse. Même quand nous demandons, nous répondons. Dieu d’ailleurs « qui voit le fond des cœurs, connaît les intentions de l’Esprit : il sait qu’en intervenant pour les fidèles, l’Esprit veut ce que Dieu veut. » La prière est réponse.
Que répondre ? Sans doute pas quelque chose qui se puisse exprimer en une proposition. La prière n’est pas un dialogue, avec questions et réponses, avec partage d’opinions ou quête de vérité. Des « cris inexprimables », dit notre texte, des « gémissements ineffables ». On est au-delà ou en-deçà des mots. Voyez notre faiblesse, notre handicap.
Il faut savoir que l’on ne sait pas prier pour ne pas s’obstiner à des pratiques qui nous laisseraient croire que l’on prie, alors que c’est impossible. Cela conduit à un dépouillement de la prière. D’une part, elle n’est pas notre affaire, trop débiles que nous sommes, c’est l’Esprit qui s’en charge. D’autre part, elle n’est pas affaire de mots, de pensées ou quoique ce soit de l’ordre du dialogue. Elle est la conversion au soleil de Dieu. Le tournesol est parabole de l’homme devant Dieu. Il ne bouge pas, n’agit pas. La force du soleil, celle de l’Esprit de Dieu, nous tourne vers celui auquel nous nous exposons, nous sommes exposés. Parce que Dieu prévient, il nous reste à nous laisser orienter par et vers lui. Rien d’autre.
Le paroissien du curé d’Ars avec son « je l’avise et il m’avise » est presque dans le vrai. Il exprime le sens de la prière, se tenir dans la relation, sans mots, sans rien, juste être là. Il a oublié une chose, que c’est Dieu qui est premier, encore que cela, on ne le sache qu’en ayant commencé à prier. C’est en pensant prier que l’on comprend que l’on ne sait pas prier, que ce n’est pas nous qui prions, que c’est Dieu qui est premier et que nous tâchons de répondre en nous rendant disponibles à l’Esprit et ses gémissements ineffables.
L’Esprit nous tourne, nous convertit au soleil de sa présence et nous tâchons de nous laisser faire, de laisser le tournesol être tourné vers son soleil. Gémissements ineffables dus au dépouillement ou au contentement de cette lumière chaleureuse qui nous attire et nous oriente et nous enserre. « Et Dieu, qui voit le fond des cœurs, connaît les intentions de l'Esprit : il sait qu'en intervenant pour les fidèles, l'Esprit veut ce que Dieu veut. »





Seigneur, nous ne savons pas prier comme il faut. Mais comment ne pas faire monter vers toi nos soucis, nos peurs, particulièrement devant la violence et la mort.
Seigneur, nous te prions pour les chrétiens d’Irak que le fanatisme exclut de la société, chasse et persécute. Notre impuissance à les soutenir renforce notre tourment. Montre-toi proche de tous ceux qui sont dans la détresse à cause de ton nom.
Seigneur, nous te prions pour ceux qui souffrent de la guère, en Terre sainte, en Ukraine, au Centre Afrique, au Mali, au Congo… Fais se lever des artisans de paix ; convertit les cœurs à l’abandon de la violence.
Seigneur, nous te prions pour ceux que nous aimons. Qu’ils aient la joie de s’ouvrir toujours plus au service les uns des autres, de te chercher, de vivre pleinement leur vocation.

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